20 mars 2025, 17:55

SILVERSTEIN

Interview Shane Told


Certains groupes nous font dire parfois : « attends, ils tournent vraiment depuis si longtemps ? » Et c’est le cas de SILVERSTEIN qui, bien que résolument moderne dans son approche et à la pointe de ce que peut proposer la scène post-hardcore, fête déjà ses 25 ans de carrière ! A l’occasion d’une tournée célébrant cet anniversaire, ainsi que la sortie de son nouvel album « Antibloom » quelques jours plus tôt, nous avons pu rencontrer le chanteur Shane Told pour un échange détendu et sans détour.
 

Vous célébrez les 25 ans de SILVERSTEIN avec un line-up de dingue sur cette tournée (avec THURSDAY, BLOOM et THE CALLOUS DAOBOYS, ndlr). Comment ça se passe pour l’instant ?
Shane Told : Très bien, mec ! Tu sais, on a commencé aux Etats-Unis et au Canada, et on a proposé la plus grosse production de notre histoire. Et c’est cool qu’on l’ait fait aux Etats-Unis avant de pouvoir l’amener en Europe, car on a pu ajuster tous les petits réglages avant ! Tout se déroule parfaitement pour le moment, et au moment où nous parlons, Paris est notre quatrième concert ce soir. On va encore tourner pendant quelques semaines, mais pour le moment, c’est formidable. Les gens en sortent super excités, on est à fond, et on a plein de groupes géniaux avec nous, donc on ne pourrait rêver mieux !

J’ai regardé quelques setlists, et vous abordez vraiment tous les albums dessus. Comment est-ce qu’on construit une setlist d’essentiels comme ça ?
Très bonne question. Tu sais, quand on s’est lancés dans cette tournée, on ne savait pas vraiment ce qu’on voulait faire pour célébrer nos 25 ans. Il y a cinq ans, on a fait notre tournée des 20 ans, et on faisait trois sets différents. L’un était une sorte de « best of », le deuxième était acoustique, et le troisième était basé sur notre album « Discovering The Waterfront » joué en intégralité. On ne voulait donc pas vraiment faire la même chose, et on s’est demandé ce qui serait cool d'imaginer. Finalement, nous avons décidé de jouer au moins une chanson de chaque album, et de faire voter les fans pour choisir laquelle on devrait jouer. On a monté un site Internet et les fans pouvaient sélectionner leur chanson préférée de chaque album. On a ensuite rassemblé les votes, et c’est comme ça qu’on a déterminé au moins 11 des morceaux. Ensuite, on a comblé les trous avec certaines de nos préférées, et quelques chansons un peu moins connues, qu’on ne joue pas tout le temps. Mais ce qui est sympa, c’est qu’on fait le concert par ordre chronologique inversé ! On commence par les nouveaux morceaux, puis on remonte le temps jusqu’à arriver aux chansons les plus anciennes. Je crois que c’est Billy (Hamilton, bassiste du groupe, ndlr) qui a eu cette idée. Et je me demandais si ça allait vraiment fonctionner. Est-ce que ça n'allait pas être bizarre d’attendre si longtemps pour arriver à nos vieux morceaux ? Eh bien, finalement, c’est vraiment top ! Ça commence super bien, puis l’excitation augmente au fil du set. On a vraiment réfléchi ce truc, et on a beaucoup travaillé pour le préparer également.

Vous avez sorti « Antibloom » il n’y a même pas 2 semaines. Que penses-tu des retours des fans, maintenant que vous avez pu juger de la réception des titres lors des concerts ?
C’est génial ! Et c’est intéressant, car quand on sort un album, on a toujours l’impression que ça fait super longtemps qu’on l’a enregistré. C’était presque il y a un an ! Et je ne l’avais pas écouté depuis la fin du studio. Je me le suis remis et me suis dit « la vache, cet album est plutôt bon » ! Ce qui est marrant, c’est qu’on a un deuxième album qui arrive plus tard cette année, et j’avais un peu oublié quelle chanson figurait sur quel album, parce qu’on les a toutes enregistrées au même moment. Et donc, ma réflexion a été de me dire que cet album est bon et tout le monde l’aime, mais finalement, peut-être que le deuxième est encore meilleur  ?» C’est donc un moment assez jubilatoire et on en est très fiers.

Et vous l’avez enregistré à Joshua Tree, si je ne me trompe pas...
Absolument !

Comment était-ce, d’enregistrer dans un lieu aussi légendaire ?
Quand tu entends « Joshua Tree », tu penses immadiatement à U2, mais c’est devenu un endroit bien plus particulier encore, surtout avec KYUSS et tout ce que les QUEENS OF THE STONE AGE ont fait là, toute la scène desert rock. Et le studio où on était, c’était un nouveau studio, mais il est littéralement dans la même rue… Enfin… rue… dans le même chemin désertique que celui où tous ces albums légendaires ont été faits (rire) ! Et, mec, c’est très isolé, là-bas ! On vient de Toronto, qui est une grande ville avec beaucoup de pollution lumineuse, et où il y a toujours du bruit. D’ailleurs, je vis à Las Vegas maintenant, qui est encore plus dingue. Et quand tu es dehors là-bas (à Joshua Tree, ndlr), il n’y a pas un bruit, et il fait si sombre… Tu peux vois les étoiles ! Autre détail à propos de ce studio, c’est qu’il y a de grandes baies vitrées, qui font peut-être deux mètres de haut.

Ah oui, je crois que j’ai vu les interviews que vous y aviez faites pour le label, (à voir ici). On y voit ces fenêtres.
Exactement ! C’est très rare dans un studio de pouvoir observer le paysage autour pendant que tu es face à ta console. Et donc, on n’oubliait jamais où on était. Dans beaucoup de studios, tu pourrais être n’importe où dans le monde, tu es dans une pièce sombre et occultée et tu enregistres. Mais là, tu ressentais vraiment l’environnement pendant l’enregistrement, et c’est pour ça qu’on l’a choisi. Je pense que ça a vraiment aidé à donner le ton pour nos performances, mais aussi des chansons, tout simplement.

L’album tourne d’ailleurs pas mal autour des choses bizarres qui vous sont arrivées après le COVID et à quel point la société est devenue aseptisée et sans émotions. Est-ce comme ça que tu as vécu ces dernières années et est-ce que le studio a été une manière de vous couper de tout ça pour enregistrer ?
Tu as raison, je pense que ce genre de « gueule de bois » post-COVID est encore en cours. Beaucoup d’entre nous n’ont pas totalement récupéré de l’isolement, de la peur et de tout ce qui s’est passé durant cette période. Et ça persiste. Je pense qu’une partie des dégâts est définitive. Mais sur ces deux albums, il y a beaucoup d'autres sujets qui sont abordés : pas mal de chansons parlent de la perte de quelqu’un qui m’était cher et aussi du climat politique. Comment ne pas en parler ? Je sais ce dont le prochain album va parler, d’ailleurs. C’est une période très brutale, n'est-ce pas ? Mais on parle beaucoup de la manière qu’on a d’internaliser nos émotions. On ne vit pas de crise de la quarantaine, en tout cas pas maintenant, même si on a l’âge de l’avoir. Je pense qu’on parle bien plus des émotions vécues à cet âge, ce qui n’est pas le sujet le plus sexy, mais qui est très ancré dans le réel.

A vrai dire, à 29 ans, je trouve que je m’identifie à pas mal des paroles, quand même...
Oui, la fin de la vingtaine est une période très intéressante. Moi, je viens d’avoir 44 ans, donc je peux réfléchir un peu à tout ça. Mais je sais que c’est toujours étrange, parce que quand tu es sur la fin de la vingtaine, tu as l’impression de devenir vieux, alors que non ! C’est étrange, car tu es éloigné de l’époque où tu étudiais, et on s’attend à ce que tu fasses des trucs d’adultes, mais à cet âge, personne n’a d’argent. Les gens vivent même parfois encore chez leurs parents. Personne n’a encore sa propre maison, ou ne s'est pas encore totalement installé. Si tu l’es, tant mieux pour toi, mais ce n’est pas la réalité de la majorité. Les gens galèrent, et c’est une vraie période de transition entre l’enfance et le moment où tout sera plus sur les rails, quand tu auras la trentaine ou la quarantaine. C’est une drôle de période parce que je me rappelle me dire que ma vingtaine était la meilleure période de ma vie, puis ma trentaine était encore mieux, et ma quarantaine est encore meilleure que ma trentaine. La vie s'arrange de plus en plus. Bon, ça ne se ressent pas sur nos albums (rire), mais c’est le cas. Il faut rester positif, les choses s’améliorent, et il est important que les gens le réalisent.

Oui, la manière dont je vois vos chansons, c’est qu’il s’agit d’une manière d’extérioriser le négatif pour ne garder que le positif.
Exactement.

La chanson qui m’a le plus accroché, c'est « Confession »…
On a su dès le début que cette chanson serait solide, et qu’elle allait faire partie de celles qui figureraient sur l’album. J’en ai parlé dans d’autres interviews, mais on avait énormément de chansons. 25, complètement finies et enregistrées, c’est d’ailleurs en partie pour ça qu’on fait deux albums. Passer de 25 à 12 morceaux aurait été déchirant, surtout pour toutes ces chansons sur lesquelles on avait travaillé si dur… Mais on a toujours su que « Confession » faisait partie des plus fortes. Donc on a beaucoup travaillé ce morceau, et on a passé beaucoup de temps à trouver ce qui se passerait dans le morceau, au niveau de la structure. Et cette chanson n’a pas vraiment de pont, c’est juste une partie instrumentale. Je pense que quand on était plus jeunes, on aurait sûrement écrit un pont parce qu’on pensait qu’il le fallait systématiquement, mais sur celle-ci, nous n’en avons pas ressenti le besoin. Le refrain est super, les couplets sont super, tout semblait carré, donc pourquoi ajouter une autre partie qui emmènerait peut-être l’ambiance de la chanson dans une direction qu’on ne souhaitait pas ? Oui, le résultat est super !


J’ai aussi beaucoup aimé « Stress » et « Mercy Mercy », dont l’intro de vibreur de téléphone m’a vraiment… stressé, justement. Je pense qu’on est tous un peu effrayés par la sonnerie du téléphone maintenant, d’une certaine manière. Mais comment gères-tu tout le stress quand écouter de la « musique stressée » (référence aux paroles de "Stress", ndlr) ne suffit plus ?
C’est là toute la question, pas vrai ? C’est un titre si simple, et un concept si simple, le stress… Mais le monde est tellement plus stressant qu’auparavant… Je vais te raconter une courte histoire. Je pense que j’avais à peu près ton âge, peut-être 27 ou 28 ans. Et j’ai une petite partie de ma barbe qui est tombée, un genre de cercle qui est tombé un matin. Je me suis dit que c’était bizarre et je suis allé chez le docteur. Le docteur pensait que c’était une forme de mycose, et m’a donné une crème à appliquer. Et ce n’était pas ça. C’était l’alopécie. C’est une chute de cheveux ou de poils, mais je l’avais juste à un endroit de mon visage. Donc je suis allé voir un autre docteur, qui m’a demandé si j’étais stressé, et j’ai ri. « Non, je ne suis pas stressé, ça va » ! C’est comme ça que je le ressentais à l’époque. Et aujourd’hui, est-ce que je suis trop stressé ? Oui putain, je suis trop stressé ! Et c’est bizarre, je ne sais pas ce qui a changé. Mais je reviens maintenant à ce que tu as dit sur « Mercy Mercy » et le téléphone. J’aime bien cette idée d’avoir peur du téléphone, parce que vraiment, on n’est jamais déconnectés de nos jours ! Je ne crois pas que les gens perdent encore leurs téléphones, parce que ça fait trop partie de toi ! C’est comme un troisième bras et on s’assure toujours de l’avoir sur soi ! On le regarde tout le temps, là on est en train de faire une interview et j’ai regardé mon téléphone par réflexe, je ne sais pas pourquoi. C’est une deuxième nature. On ne se déconnecte jamais, et il y a toujours des gens qui nous dérangent pour de la merde, tout le temps, toute la journée et toute la nuit. On n’a plus vraiment de temps libre pour vraiment réfléchir, à moins de vraiment faire l’effort pour. Je sais que notre guitariste, Josh (Bradford, ndlr) fait de vrais efforts pour ça. Il va faire du vélo, il fait beaucoup de massages et va au spa… et c’est peut-être ce que les gens devraient faire, plus que jamais. Parce que la vie est toujours stressante, et ça a changé. Je pense que « Stress » est une chanson super simple, ce qui est marrant, parce que ça me rappelle musicalement une époque où les choses n’étaient pas aussi stressantes.

J’ai l’impression que tout le monde peut s’identifier à ça, aussi. Les gens attendent leur réponse en 30 secondes.
Oui, c’est génial, parce que quand tu envoies un message à quelqu’un, il répond immédiatement parce qu’il regardait déjà son téléphone. On voit la notification, on clique et on répond tout de suite… et ça fait partie du problème. Les gens espèrent avoir une gratification immédiate pour tout.

Et j’ai l’impression aussi que le fait de sortir l’album en deux parties va aussi contre ça, parce qu’on n’a pas immédiatement la suite.
Oui, mais la raison essentielle pour laquelle on n’a pas sorti un album de 16 chansons, c’est parce que c’est trop. Les gens n’ont plus l’attention nécessaire, et certaines chansons se seraient perdues. Et puis, aujourd’hui, quand les gens sortent des albums, ils commencent d'abord par publier quelques singles, puis l’album, et c’est fini. Avant - peut-être jusqu’à notre cinquième ou sixième album - on sortait une chanson, puis l’album, puis on sortait les singles après, tu vois ? Maintenant, tous les singles paraissent avant que l’album sorte, et quand l’album sort, tout est fini. Donc, si on suit le principe, si on avait sorti « Antibloom » en entier, avec les 16 chansons, on aurait dévoilé peut-être 4 ou 5 singles, soit un peu plus que ce qu’on a fait, mais on aurait attendu plus longtemps pour sortir l’album, les gens auraient parlé des autres chansons, mais il n’y aurait pas eu de vraie attention sur celles-là. Et certains de ces morceaux sont vraiment bons, et se seraient retrouvés « chanson numéro 13 », ou « chanson numéro 9 », et les gens les auraient classifiés comme « chansons d’album » ou un truc comme ça. Mais, crois-moi, aucune d'entre elles n’est à jeter. Elles pourraient toutes être des singles en puissance. C’est pour cela que nous avons décidé de faire ça, de sortir deux albums. Et puis, ils sortent des mêmes sessions, mais ils ne seront pas séparés par plusieurs années. Par ailleurs, on a un peu plus de temps pour promouvoir certaines chansons parce que, par exemple, je pense que la meilleure des deux albums est sur le second ! On a déjà fait un clip pour celle-là, d’ailleurs.

Peux-tu nous donner quelques détails sur cette chanson et sur le deuxième album, pour qu’on l’anticipe un peu ?
Eh bien, je pense que l’album a la même dynamique que le premier, avec des morceaux qui bottent carrément des culs, avec des passages très heavy, comme sur le premier, mais il y a aussi des moments remplis d’émotions, et un titre final très émouvant. L’album commence aussi très différemment du premier, donc c’est un autre voyage, tout en étant similaire au niveau des émotions que les gens vont ressentir en l’écoutant. Mais le morceau dont je parle… Mec, il a juste une énergie de dingue ! Rapide, des paroles formidables et le clip est vraiment fun !

Après 12 albums, comment arrivez-vous à garder la créativité pour sortir des morceaux comme ça ?
Eh bien, il y a deux choses. Je pense que la première, c’est de réaliser que de faire des albums est de plus en plus dur. Et si quelqu’un n’est pas d’accord avec moi, il ou elle ment, ou n'a pas une expérience aussi longue que la nôtre. Parce que quand tu as écrit tellement de choses, tu as essayé tellement de trucs, ou utilisé les mêmes mots, les mêmes analogies et les mêmes titres tellement de fois… c’est plus difficile. Tu dois vraiment creuser plus profond pour trouver des sujets qui ont de l’intérêt. Ce n’est pas impossible, mais beaucoup de groupes ne veulent pas travailler aussi dur. Et ils ont perdu leur but. Je ne veux pas nommer de groupes, mais c’est le cas pour beaucoup. Ils sont occupés, plus vieux, et il y a beaucoup de choses dans leurs vies, la famille, les enfants, et ils n’ont probablement pas le temps à investir vraiment dans l’effort pour trouver des chansons intéressantes. Et on a réalisé qu’on n’est pas vraiment différents, à l’exception qu’on réalise qu’on doit y mettre le temps. Donc, si on passait un certain temps à faire un album à une époque, aujourd’hui il faut y consacrer trois fois plus à l’écrire. Et la deuxième chose, c’est que je suis bien plus ouvert à l'idée d'écrire des chansons avec des gens extérieurs au groupe, ce que je n’avais jamais fait avant cet album. Comme je te le disais, je suis de Toronto mais j’ai emménagé à Las Vegas, qui est proche de Los Angeles, et c’est là que toute l’industrie du rock est la plus active. Donc, mon manager m’a dit : « tu es à côté, pourquoi tu n’irais pas à Los Angeles pour essayer d’écrire avec des gens et voir ce que ça donnerait ? ». J’étais sceptique, mais j’ai accepté de le faire. Et bordel, qu’est-ce que j’avais tort ! Beaucoup de choses super en sont ressorties. On a trouvé des trucs formidables et c’était marrant ! Ça m’a fait travailler, mais ça m’a aussi donné la confiance en moi de me dire que je pouvais travailler d’égal à égal avec ces « professionnels », et que j’en faisais partie. Donc, ce sont les deux approches que nous avons, je pense, pour rester dans la course. Et je suis très fier du fait que tous nos albums soient bons. Il n'y a aucun morceau que j’aimerais effacer de notre discographie. Bon, peut-être que 4 ou 5 en 25 ans ne sont pas mes préférés, mais ils ont tous leur place. Je suis plutôt fier de ça, et de notre constance. Je pense que c’est important pour moi.

Quand tu écris avec une personne extérieure à SILVERSTEIN, établis-tu avec elle des limites pour préserver ton identité musicale, ou est-ce qu’elle les voit implicitement ?
C’est une bonne question, et c’était un peu ce que je craignais en y allant : je ne voulais pas que mes idées soient mises de côté et que je finisse avec quelque chose que je détestais. Mais la réalité, c’est que tous les gens avec lesquels on travaille sont fans de ce qu’on fait. La plupart sont plus jeunes que moi, et ils savent parfois mieux que moi ce que j’essaie de faire. Ils comprennent parfaitement. Et c’est marrant, parce que certaines de ces personnes avec qui j’échange travaillent peut-être 50 ou 60 heures par semaine à écrire des trucs pour Katy Perry, par exemple, ou des artistes pop. Et quand ils travaillent avec moi, ils sont super enthousiastes de pouvoir prendre une guitare et pousser un ampli. La plupart de ces mecs adorent le metal ! Un des gars me disait « mon groupe préféré est THE CHARIOT ». Ils écoutent ce genre de trucs mais ne peuvent pas travailler dessus tous les jours. Et en collaborant avec ces gens, je n’ai jamais senti qu’on me poussait dans une directon que je ne voulais pas explorer. Ils étaient les premiers ravis de dire « faisons plus heavy » ou « essayons ça ou ça »… Certains de ces titres sont devenus moins commerciaux que si je les avais écrits moi-même ! C’était plutôt cool, parce que pour certains groupes, tu écoutes l’album et tu essaies de deviner laquelle a été écrite avec un producteur de pop et parfois, contre toute attente, c’est le morceau heavy. Je pense qu’on a un bon exemple sur le dernier BLINK-182. Ils ont collaboré avec pas mal de monde sur leur dernier album, dont une chanson avec Tim Armstrong (de RANCID, ndlr). Et c’est formidable ! Je pense qu’il n’y a pas de règle, et qu’il n’y a pas à en avoir. J’ai laissé derrière moi cette époque où je disais : « c’est MON groupe, ce sont MES chansons ». L'album en est la preuve.

Ça fait sept ans que vous n’aviez pas joué en France, mais vous vous y étiez produits à de nombreuses fois auparavant. Depuis vos débuts, il y a 25 ans, comment décrirais-tu la relation que vous avez avec la France ?
J’ai une relation personnelle intéressante avec la France, car j’ai beaucoup de famille ici ! J’ai une famille très resserrée, mes parents ont tous les deux une sœur chacun, et chacune a deux enfants, donc j’ai quatre cousins. Et une de mes tantes a déménagé en France quand elle avait 18 ans, donc c’est le côté français de ma famille. Et mes deux cousins viennent ce soir avec leurs enfants. La France a toujours un peu été ma deuxième maison, donc c’était intéressant quand on a commencé à jouer ici. Je ne parle pas très bien français, mais je le comprends, parce que je suis canadien, et que je me défends assez bien, quand je dois commander à manger, par exemple (rire) ! Donc on a une relation proche avec la France. Mais musicalement, c’est intéressant, parce que ce n’est pas vraiment un endroit à la pointe du rock. Les groupes jouent constamment en Allemagne, nous y compris, ou parfois au Royaume Uni, et la France est souvent oubliée, ce qui me désole vraiment. J’aimerais jouer ici plus souvent, et pouvoir jouer plus de villes en France. On a déjà joué à Lille et à Toulouse, ou encore à Lyon, et ce sont des villes magnifiques avec tellement de fans passionnés ! J’aimerais juste qu’il y en ait un peu plus, tu vois ? J’aimerais qu’on travaille un peu plus la France, et pour ça, il faut qu’on continue de venir. Mais maintenant tu me dis que ça fait 7 ans qu’on n’avait pas joué à Paris… C’est trop long ! Il y a eu le COVID, bien sûr, mais voilà… Je pense que ce soir va être l’un de nos plus gros concerts à Paris, même si ce sera peut-être un des plus petits dans le monde (rire) ! Mais c’est Paris, c’est une des plus belles villes du monde. J’aimerais juste que les gens aiment un peu plus le rock ici. Je sais qu’il y a un public rock, mais peut-être pas autant qu'ailleurs.

Je crois d’ailleurs que tu avais écrit "My Heroine" entre Paris et Londres, dans un train ?
C’est vrai ! J’ai écrit beaucoup de choses dans ce train. C’est marrant, je m’en souviens parfaitement ! Ma sœur vivait à Londres, et comme je te le disais, on avait de la famille à Paris et ailleurs en France. J’ai pris ce train et j’ai beaucoup écrit. Encore une fois, c’était avant que les téléphones ne ruinent tout. Et je me souviens que j’avais oublié ma copie de « The Lovely Bones », le livre que je lisais à l’époque (« La Nostalgie de l’Ange » d’Alice Sebold en VF, ndlr). Et du coup j’ai écrit « Already Dead » en réfléchissant à ce que j’imaginais pour la suite de « The Lovely Bones ». Je me suis vraiment basé là-dessus. Et puis, j’ai écrit pas mal des paroles de « My Heroine » dans ce train aussi. Je me souviens très bien de ce trajet ! Bien trouvé !

Blogger : Valentin Pochart
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