
Un nouvel album de BUSH est un petit événement dans le milieu du post-grunge dans lequel le groupe officie. En effet, si Gavin Rossdale et sa bande ne se font pas si rares dans les bacs, les albums du groupe se révèlent toujours surprenants d’une manière ou d’une autre, et intéressants à écouter, peu importe les styles abordés. Sur celui-ci, BUSH explore le rock moderne, mais aussi les émotions, la solitude et la dépression. C’est depuis sa maison de Los Angeles que Gavin Rossdale a répondu à nos questions.
Au moment où nous nous parlons, "I Beat Loneliness" paraît dans deux semaines. Comment te sens-tu ?
Gavin Rossdale : Eh bien, je reviens d’Angleterre, où ma fille vient de se marier, ce qui était incroyable, puis j’ai emmené ma famille en Cornouailles sur la côte pour nager dans l’océan. C’était formidable, il faisait vraiment bon ! Ce n’est jamais le cas, il y a toujours de la pluie (rires) ! Mais c’était sympa, et j’ai des coups de soleil maintenant. Je suis rentré hier soir, et ce matin j’ai commencé à y réfléchir. Pour dire ça plus brièvement, je suis un peu bizarre, car je compartimente les choses, tu vois ? Donc je n’y ai pas trop réfléchi et quand tu me le dis, je me fais tout de suite la réflexion : “pu**in, OK, donc c’est dans deux semaines !” C’est un peu comme quand tu as fini un film, que tu dois le rendre et faire l’affiche… Tu rends tout en janvier ou en février, puis tu dois patienter un sacré bon moment. Donc, j’ai hâte ! Mais tu m’ouvres le portail vers cette sortie, donc merci de l’avoir mentionné.
J’ai lu que la pochette de l’album avait une signification très personnelle pour toi, de même que l’album en général. Pourquoi avoir choisi ces deux fleurs pour l’illustrer ?
Eh bien, juste après que j’aie fini album, ma mère est décédée au début de l’année. Je lui avais envoyé une chanson - “Everyone Is Broken” - qu’elle aimait tout particulièrement. Je ne lui avais adressé que celle-ci, car les autres auraient probablement été un petit peu trop heavy pour elle. Puis, quand je travaillais sur la pochette de l’album, je pensais à ses fleurs préférées, les pivoines. J’ai trouvé que ce serait une couverture intéressante pour l’album, mais peut-être pas simplement telle quelle. Au moment où j’ai travaillé dessus avec Man Ray, j’ai pensé à en faire une image en négatif, et ça m’a fait penser à l’idée que tes erreurs sont parfois tes plus grandes réussites. Donc on les a inversées, on a ajusté l’image et c’était fini. Et je n’ai pas fait perdre de travail à qui que ce soit pour cette image parce qu’on n’avait pas le budget pour ce genre de photo. Personne n’a perdu d’emploi, personne n’a perdu un membre en prenant cette photo. On a juste vécu l’instant, utilisé les outils qu’on avait, qui étaient mon cerveau et mon cœur, et c’était un processus plutôt fun ! Je ne m’attendais à aucun moment à ce que ce soit aussi beau, ce qui est génial quand tu crées une couverture. J’ai toujours adoré et été obsédé par les pochettes d’album. J’ai toujours été très impliqué dans leur création ; parfois, je choisis même l’image. J’avais aussi invité Retina à travailler sur celle de "The Sea Of Memories". C’est un artiste très célèbre par ici. Les couvertures déterminent la promotion de toute l’année, ou des deux années suivantes. Tout est représenté par ça, et si tu te trompes, ce n’est pas agréable de revoir l’image encore et encore. Je m’assure donc de toujours adorer l’image, car je dois la voir tous les jours (rires) !

En amont de l’album, vous avez sorti deux singles, "60 Ways To Forget People" et "The Land Of Milk And Honey". Que penses-tu de la réaction du public à ces deux titres ?
Oh c’était colossal ! "60 Ways To Forget People" était en quelque sorte le morceau "pre-single", mais les gens n’ont pas forcément compris ça, et l’ont pris comme un single. Ça a été un hit dans quelques endroits dans le monde, ce qui a été super ! Puis "The Land Of Milk And Honey" a rejoint l’attention qui nous était portée. Je pense que ça fait monter les attentes pour l’album. On s’apprête à sortir "Scars" comme single, au moment où l’album sortira. On essaie de faire ce qu’on peut pour dire "on est là, on a un album, aidez-nous" (rire) ! Parce que tu sais, c’est très dur d’atterrir dans les algorithmes ! Tu peux être à côté de quelqu’un dans un café, et chacune des deux personnes vit une réalité totalement différente alors que tu peux la toucher physiquement, mais pas leur algorithme. Tu as tes centres d’intérêts et les groupes qui y correspondent, et la personne à côté de toi aussi. On ne se connecte plus aussi facilement. L’époque où les cultures se croisaient me manque. J’ai passé beaucoup de temps à écouter les nouveaux albums de tout le monde, et à voir quels styles les gens font, ceux que les gens aiment et ce qui est cool. Mon fils écoutait du Daddy Yankee l’autre jour, et j’ai écouté ça. C’est un son de dingue, tu comprends ce qu’il y a dedans, ce que les gens aiment, c’est excitant… Tu en observe les qualités humaines. Et je suis comme une pie, je me demande toujours comment incorporer ça dans ce que je fais et comment me connecter avec les gens comme ça. C’est de la musique saisissante, dans le bon sens du terme !
"The Land Of Milk And Honey" tourne autour du mythe de la terre promise, dans la Bible, et on pourrait effectivement avoir l’impression de l’avoir obtenue, mais de l’avoir ruinée avec la guerre, la gourmandise et l’avarice. On n’arrive jamais à garder quelque chose de bien, en tant qu’humanité. Qu’en penses-tu ?
Tu sais, Yuval Harari (l’un des historiens les plus lus de notre époque, ndlr) écrit sur l’avancement de la technologie, mais aussi sur le manque complet de sagesse, et c’est ce qui est frappant ! On peut trouver un moyen d’aller sur cette pu**in de lune et de construire des armes nucléaires, mais on n’arrive pas à vivre les uns à côté des autres ! Qui a besoin de toutes les terres ? Qui a besoin de tout le contrôle ? Je sais que c’est idéaliste, mais on peut imaginer un monde de prospérité et de paix, mais de manière incroyable, il n’y a rien d’autre que la guerre partout, géo-politiquement ! On vit une époque vraiment fragile. Comme disait Charles Bukowski, quand je regarde par "la fenêtre ensoleillée", tout a l’air d’aller. Je vis dans la vallée (de San Fernando, ndlr), et il n’y a pas d’émeutes dans la vallée, on est en sécurité. Mais la vie est difficile, et je voulais faire un album qui en parle et qui garde les choses ancrées dans la réalité. Il est là pour que les gens ne se sentent pas seuls, et il fallait que cet album puisse se connecter aux gens pour cette raison.
Tu y parles de dépression et de solitude. J’ai l’impression que dans cette époque où l’on communique si facilement, on se sent plus seuls que jamais, paradoxalement…
Oui, clairement ! C’est pour ça qu’il est important d’en parler ouvertement. Je pense que les gens galèrent avec ça, surtout les hommes. On vit avec ça tous seuls parce que si on assume ce qui nous trouble, on est vus comme faibles et vulnérables.
Et le pire, c’est que si tu n’as pas de soutien, et que tu te sens seul, tu deviens de plus en plus seul. Ttu t’exclues toi-même de l’algorithme et des relations sociales. Les gens coulent, véritablement. Je voulais faire un album qui avait de la valeur, une valeur humaine. Et à propos de quoi est-ce que je pourrais chanter si je ne chante pas sur mon propre parcours ? C’est le boulot de quelqu’un de créatif, la meilleure chose à faire, c’est d’être toi-même.
Je parle de mes expériences et ça donne en quelque sorte du réconfort aux gens et ils se sentent moins seuls. Beaucoup de gens me parlent de la valeur de la musique à leurs yeux. Ils me remercient d’avoir créé des chansons auxquelles ils se sentent connectés… Ils s’approprient les chansons, pour qu’elles les aident intérieurement.
C’est la meilleure chose pour moi. Je suis si heureux de ne pas avoir choisi d’être un architecte qui construit de mauvaises maisons ! J’ai décidé d’être un auteur-compositeur qui écrit des chansons qui connectent les gens.
L’album a un équilibre parfait entre votre son "signature" et le rock alternatif moderne. Comment y êtes-vous parvenus ?
Merci beaucoup ! Eh bien c’est très différent musicalement, car on a changé pas mal de fois l’accordage depuis "Sixteen Stone" qui était très standard à l’époque. On a joué chaque festival depuis la COVID. Avant la pandémie, à chaque fois qu’on faisait un festival, surtout les plus metal, on jouait les hits, mais aussi tous les morceaux en accordages plus graves de tous les albums comme "Disease Of The Dancing Cats", "Just Like My Other Sins"… Puis il y a aussi cet album de INSTITUTE que j’aimais vraiment, et qui est, j’ai l’impression, cet album discret que personne au monde n’a l’air de savoir que j’ai fait. Mais j’en suis fier. Et en gros, chaque album de BUSH a une chanson de INSTITUTE dessus. Neil Young faisait un peu ça, avec systématiquement une chanson des années 1970 sur ses albums des années 1990, et je voulais faire un album comme ça. Du coup, depuis "The Kingdom", toutes les chansons ont un accordage plus grave. Toutes les chansons de "The Kingdom", "The Art Of Survival" et le nouveau morceau, "Nowhere To Go But Everywhere" étaient en drop D. Et pour cet album, on va jusqu’au drop B et au drop C, donc c’est comme ouvrir la porte sur un nouveau monde, sur de nouvelles contrées. C’est un peu Alice Au Pays Des Merveilles, en effet, et plus étrange pour moi. Il y a juste deux chansons qui ne sont pas comme ça. Je savais que je devais écrire une ballade, une chanson qui se connecterait aux gens. On regarde les réseaux sociaux, et même si je ne suis pas directement TikTok, je vois des trucs qui viennent de là. Et rien ne bat le pouvoir d’une mélodie. La mélodie, c’est tout ! Donc je trouve ça inspirant. Quand j’écris une chanson, je me dis qu’il faut qu’elle soit le plus mélodique possible pour que, quand elle vivra, elle aura un sens. "Scars" est un peu comme ça : elle est censée être ce moment de chant universel avec ce refrain rassembleur. C’est pour ça aussi que j’ai apporté une chorale d’enfants sur "Everyone Is Broken" qui est une chanson qui s’adresse à tout le monde. C’est un album pour tous. Personne n’a de manteau de fourrure sur cet album.
La première moitié de l’album est la plus heavy, avec une deuxième moitié plus posée. Est-ce que c’était pour montrer une sorte de chemin vers une paix intérieure ?
J’aimerais être aussi malin (rires) ! A vrai dire, j’avais ces chansons dont l’ordre était très important, mais je n’y ai pas réfléchi avant la fin du processus.
On a reçu tous les mix finaux et on a voulu voir comment ça rendait. Et quand j’ai assemblé tout ça, il fallait commencer par un morceau heavy et nerveux plutôt évident pour un début d’album. Je pense toujours que le premier morceau est très important parce que si tu foires sur le premier, les auditeurs ne vont pas poursuivre l’écoute. Il ne faut pas tomber dans la première embûche, il faut vraiment prendre soin de choisir le premier morceau. Puis pour chaque album je me demande ce que j’ai sous la main et je prends du recul. Je suis plutôt ouvert, mais j’ai mes standards. Et quand j’ai écouté "Scars", je me suis dit que c’était définitivement un bon morceau pour ouvrir. Puis on a fini avec "Rebel With A Cause", parce qu’elle finit avec ce côté "rebel rebel", et referme bien la boucle. C’est comme une roue, tu peux l’arrêter ou la laisser continuer. Je me dis que si on faisait un album complet de morceaux uniquement heavy, il n’y a pas de profondeur ni de perspective. Il n’y a pas d’adoucissement. Et ce qui s’est passé, c’est que j’avais écrit deux autres morceaux, des ballades, mais quand j’ai écrit "Rebel With A Cause", je me disais que mon manager serait vraiment impressionné. Je lui ai présenté le truc et il a dit quelque chose comme "OK, continue". Je me suis donc dit "merde, je ne l’ai vraiment pas impressionné". Et ça ne se discute pas. Le pire aspect de mon travail est que si les gens n’adhèrent pas aux morceaux, tu ne peux pas les forcer à y adhérer. Tu ne peux pas contextualiser en leur disant "c’est un bon morceau parce que…". Soit ils aiment, soit ils n’aiment pas, et il n’aimait pas. J’avais du mal à y croire car j’étais vraiment enthousiaste à propos de ce morceau. Puis j’ai écrit "Everyone Is Broken", et j’ai voulu écrire la chanson la plus définitive de l’album, la plus universelle. Je me suis donc demandé ce qui était la chose la plus universelle, et cette idée est venue. Puis quand on est allés bosser avec le producteur, Eric m’a demandé "qu’est-ce que tu as fait de "Rebel With A Cause" ?". Du coup on a gardé les deux. Je n’avais pas prévu que ça se fasse comme ça, mais l’univers en a décidé autrement. Et quand tu les écoutes à la suite, ça marche ! Et l’autre raison pour laquelle on a ça, c’est que si tu as 11 morceaux heavy et une ballade, alors c’est comme se prendre coup sur coup, et ce serait trop. J’ai déjà assez de chansons puissantes donc ça n’aurait pas de sens. Tu sais, je pense que RADIOHEAD, ou THE 1975, ou AIR, les groupes de ce genre ne réfléchissent pas comme ça. Ils ont cette qualité assez aérienne, et ils ne craignent pas d’essayer des choses. Et là, c’est le truc le plus proche du R&B que je ferai de ma vie. C’est cool ! Les chansons te choisissent, ce sont des moments figés dans le temps. Je suis dans une pièce, je rassemble mes pensées et je les mets sur le papier, et c’est tout ce que c’est.
En tant qu’auditeur, certaines de ces chansons font questionner sur des aspects de la vie comme, peut-être, des choses toxiques sans lesquelles nous pourrions mieux avancer. Est-ce que ces chansons peuvent élever les gens, en quelque sorte, selon toi ?
C’est le meilleur compliment que tu puisses me faire. Si je peux faire ça alors c’est incroyable pour moi ! Bien sûr c’est ce que je veux car en tant que parolier je vois chaque phrase et chaque mot comme une opportunité de me connecter à l’auditeur, et il ne faut gaspiller aucun espace. Il n’y a aucun mot déconnecté, ni d’idée "tremplin". Chaque ligne doit avoir un sens. Bob Dylan a dit un jour que le plus dur en tant que parolier, c’est qu’aucun couplet n’est aussi bon que le meilleur couplet, et aucune phrase n’est aussi bonne que la meilleure. Et je vois totalement ce qu’il veut dire. C’est un génie ! Il a eu tant de phrases phénoménales dans sa carrière, c’est un des meilleurs paroliers de tous les temps. Mais il faut réécrire assez pour que chaque ligne ait un poids. Donc j’ai essayé de faire ça et il n’y avait alors aucune ligne dans les paroles dont je n’étais pas conscient. J’aurais pu virer chacune de ces phrases, mais elles y avaient leur place et pourtant j’ai supprimé énormément de lignes ! Enregistrer c’est aussi un assemblage de tout ce que tu as supprimé, en quelque sorte. Tu "tues" tous les détails et tout le superflu.
Les titres mènent aussi à la réflexion je trouve. Sur "Love Me Til The Pain Fades", on peut se demander : "et après" ?
Oui, tout revient. Tout est cyclique. "I Beat Loneliness" est un joli paradoxe en quelque sorte, car il tourne autour de l’idée que tout le monde est fou, mais aussi que chacun est probablement meilleur qu’il ne le semble. Et chacun a ces réflexions sur soi-même, et se pose des questions. "Suis-je à ma place ? Suis-je heureux ici ? Est-ce que j’aime ce que je suis ?"… Chacun a ses moments de doutes, à moindre d’être un imbécile (rires) ! Et je ne pense pas que les gens soient des imbéciles. Je pense que s’ils sont honnêtes, tout le monde est vulnérable, et c’est pour ça que nous sommes tous les mêmes, à l’intérieur. C’est ce que je crois, en tout cas. Et c’est important, je veux que les gens retiennent de cet album l’idée qu’ils ne sont pas seuls. Je pense que le plus grand crime de notre époque, c’est cette illusion qui fait que les gens pensent que la vie de n’importe qui puisse être au-dessus de ça. La société entière est construite pour que tu penses que ta vie n’est pas aussi bonne qu’elle pourrait être. Et les gens adorent ça, tu vois des gens qui sont debout à 4h du matin, seau de champagne à la main et vivent dans des suites gigantesques… Qu’est-ce qui se passe, pu**in !? Qu’est-ce qui s’est passé ? Les gens regardent ça et pensent que leur vie est nulle ! Ces gens-là n’ont à la place du coeur, ces gens qui boivent exclusivement de l’eau Voss hors de prix, présentent des standards inatteignables pour la plupart. Ce n’est pas une vie ancrée dans le réel. Je déteste ça ! Donc, j’aime bien mettre des coups de couteau dans ces bulles, faire exploser l’illusion, et écrire un album à partir duquel les gens peuvent se consolider, car je me concentre sur la joie. Tu sais, je ne suis pas quelqu’un de déprimant, je passe même plutôt de bons moments la plupart du temps. Je pense juste que le monde souffre, et que chacun devrait en parler un peu plus, avec des connections humaines. On est plus déconnectés que jamais, alors qu’on vit l’époque la plus connectée et la plus spectaculaire d’un point de vue technologique ! Mais, ironiquement, les gens ne communiquent plus.
Je trouve qu’avec ton émission, "Dinner With Gavin Rossdale" (où il cuisine et sert à dîner à des célébrités tout en ayant des conversations très sincères avec elles, NdA), tu ramènes ce genre de connexion au centre de la discussion. Cela t’inspire-t-il pour l’avenir ?
Pas nécessairement pour des chansons. Je pense que le fait d’avoir écouté les musiciens géniaux qui m’ont précédé est une source d’inspiration infinie. Mais en tant qu’individu, complètement. Tout d’abord, j’étais très reconnaissant qu’ils fassent l’émission, car c’était un peu du bluff. Déjà ils ne savaient pas si j’allais les empoisonner, ou s’ils allaient passer un mauvais moment (rires) ! Mais ils m’ont fait confiance, donc je leur suis à jamais reconnaissant. Et c’est un truc qui est monté assez lentement, bizarrement ! Je n’avais jamais fait de télévision avant ça, et ça a pris beaucoup de temps à se faire. Voilà que la première saison sort un peu partout dans le monde, et toi tu démarres déjà la deuxième avant de revenir pour faire la promotion de la première… C’est comme un tremplin qui a pris quelques années à se construire. Je me souviens d’ailleurs que quand j’ai vu l’émission, "Comedians In Cars Getting Coffee" avec Jerry Seinfeld - qui est incroyable -, le fait de le voir sur son site et de me sentir privilégié de pouvoir regarder ça alors que tu ne pouvais pas le voir partout… Puis soudain, quelques années après, c’est devenu tendance. Et ils ont tout rediffusé, ils ont montré comment tout avait débuté, et il a construit ce nouvel empire. Je pense que, pour moi, ce truc de cuisine va prendre lentement. On travaille actuellement sur la saison deux, et on explore des choses qu’on n’a pas vues dans la saison une. C’est un nouveau monde très intéressant, plus dangereux quelque part. C’est comme entrer dans un monde où il faut se battre pour son droit de vivre, de respirer, comme dans toute entreprise, et dans la vie. Je pense que certaines personnes ne vivent pas ça. Si tu es dans RADIOHEAD ou dans COLDPLAY, tu n’as pas à te fouler. Si tu veux bosser un peu, tu fais quelques stades, ou tu fais un album que les gens vont adorer. Mais pour nous, pauvres mortels, on est coincés dans ce monde où les groupes doivent trimer et où, pour survivre, tu dois réfléchir à comment tu t’es battu la veille. J’ai de la chance d’avoir un groupe aussi fort parce qu’on déchire (rires) !
Dans une récente interview, tu disais que les groupes actuels doivent essayer de générer eux-mêmes une dynamique, en se filmant et en jouant un maximum de concerts. Un retour aux années 90, mais avec beaucoup plus d’image qu’à l’époque…
Oui, c’est le seul moyen, j’imagine, pour réussir aujourd’hui. Deux de mes fils sont à fond dans la musique, tu sais ? L’un est dans un groupe, il crée des chansons incroyables, mais il recherche un bassiste et un batteur (rire). Il n’a que 19 ans et vient seulement de finir le lycée. L’autre a 16 ans et va sur ses 17, et c’est un chanteur de country phénoménal ! Mais genre, pu**in de brillant ! Je ne suis plus le meilleur chanteur de la maison, pour te dire (rire) ! Ça me va. En tant que père, tes enfants sont les seules personnes que tu acceptes avec plaisir de voir te surpasser. Mais quelque part, je ne voudrais pas être à leur place, à essayer de trouver un espace vital dans cette époque. Je la trouve très cynique. Je ne comprends pas où sont les opportunités. Donc il faut compter sur ce qu’on a découvert, et sur ce qu’il faut développer. Il faut être la meilleure version de soi possible. Peu importe ce que tu as choisi de faire, il faut trouver un moyen d’aiguiser ça et tu devrais trouver un chemin. En tant que chanteurs et qu’auteurs, je pense que l’expérience partagée aura toujours une valeur. Je sais que l’IA se développe beaucoup, et qu’un groupe généré par IA (probablement THE VELVET SUNDOWN, ndlr) se développe vite, avec plus de 500 000 followers, mais elle ne saura pas... Quand j’écoute les paroles de mon fils, j’entends l’expérience d’un jeune homme, j’entends son honnêteté à travers, et ce qui l’affecte. C’est dingue parce que je ne peux pas juger ça, il n’y a pas de bon ou de mauvais, c’est ce qu’il ressent. Et l’IA ne peut pas inventer ça. Elle ne peut que reproduire ce qui a été créé avant. Son expérience n’a jamais été enregistrée, et n’est pas dans les données exploitables par l’IA ! Je pense que c’est ce que les gens doivent faire : c’est l’époque où il faut être unique ! Si tu es unique, le monde t’appartient. C’est terrifiant de ne pas avoir de but précis. Je ne dis pas que tout doit tourner autour de la création et de l’écriture de chanson, mais si tu as quelque chose, accroche-toi et travaille-le si tu veux exister. Les gens s’effondrent quand ils n’ont pas ça… Ça devient un outil pour la vie.
Vous allez jouer en France avec VOLBEAT dans quelques mois, et vous ne vous êtes pas produits ici depuis 13 ans. Qu’attends-tu du public français lorsque tu le reverras ce soir-là ?
Tu sais, ça m’a toujours attristé. Je voudrais qu’on joue dans plus de festivals par ici. J’ai voyagé à travers la plupart des régions françaises, de la Normandie au Sud de la France, et suis bien sûr passé par Paris. J’ai toujours rêvé qu’on soit énormes en France ! J’ai toujours eu l’impression que les QUEENS OF THE STONE AGE étaient le plus grand groupe en France. Et je suis heureux de venir jouer pour ce public, car je me dis toujours que j’aimerais le faire plus souvent. Donc je veux venir à sa rencontre, et je suis enthousiaste à cette idée ! C’est super de tourner avec VOLBEAT : ils sont très gentils de nous emmener avec eux. Ils marchent bien, les gens adorent ce groupe et ils peuvent tourner avec n’importe qui ! Ça n’a probablement aucune incidence sur le show, mais pour nous, ça peut avoir un vrai impact. On va tout donner ce soir-là, et on va faire en sorte que cette soirée soit une expérience encore plus énorme !
