
Le Grand Mix accueille en ce mercredi soir une affiche qui promet deux atmosphères bien différentes, deux facettes des musiques énervées.
Devant un parterre où les femmes sont plus nombreuses qu’à l’accoutumée, GRANDMA’S ASHES s’empare d’une scène ornée de chaînes, où domineront les lights rouges. L’ambiance tend donc vers le gothique, vers une inquiétante étrangeté, comme un reflet aux nouvelles compositions du trio parisien. Les trois musiciennes, pour la troisième date de leur nouvelle tournée, une semaine avant de décoller pour Séoul, offrent un large échantillon de leur deuxième album, « Bruxism », à la pochette aussi belle que dérangeante, à sortir le 24 octobre chez Verycords.

Dans la violence ou la douceur, la musique des filles reste intense, habitée, à l’image des mimiques, presque des grimaces, qui naissent sur le visage d’une Eva (basse/chant). Sa palette vocale s’est enrichie de growls, mais elle n’oublie pas de se montrer mélodique ("Saint Kiss"). Expressive, parfois en mode "pose metal" comme habitée par la musique, elle vibre au fil des notes assénées par le groupe. Elle présente deux titres comme des alertes sur le silence qui entoure les événements à Gaza. Myriam, à la guitare, comme Edith, à la batterie, appliquées, mettent de-ci de-là, leur voix au service des compositions, les enrichissent d’un écho bienvenu. Les ASHES se consument dans le groove d’une basse ardente, dans un parfum très 90’s aux étincelles grunge ("Sufferer", le single sorti en juin ou "Cold Sun Again"), aux flammes tantôt agressives, tantôt apaisées. On est ravi de se brûler au feu de ces chansons où se mêlent ténèbres et lumières en clairs-obscurs qui convoquent les tableaux de Georges de la Tour.

Si la chaleur demeure avec POGO CAR CRASH CONTROL, l’atmosphère devient toute autre. A l’écoute attentive succèdent la folie et la furie, une explosion de joie incontrôlée, une fosse en ébullition. Les brûlots punk/metal s’enchaînent d’entrée sans le moindre temps mort, comme autant de barils de poudre. Six blocs de TNT, de "Cerveau Mort" et "Shallow Time" tirés de « Negative Skills » – dont neuf titres seront joués et dont la pince géante surplombe la batterie – à "Fréquence Violence", en passant par "Déprime Hostile", ravagent une fosse où la jeunesse nordiste s’éclate dans la célébration de l’instant, sans penser aux lendemains qui risquent fort de déchanter. POGO CAR CRASH CONTROL est une parenthèse de bonheur, un oasis dans la grisaille de l’actualité. A cette déflagration initiale succède la légère accalmie du joli "Cristaux Liquides".

Si les compositions du quartet sont taillées pour les planches, l’attitude des musiciens est elle aussi parfaite. Après leur entrée sous forme d’ombres derrière des rideaux blancs, ils vivent le concert avec un naturel désarmant. Le charismatiqur Olivier (chant/guitare) très vite en sueur et toujours le sourire aux lèvres, lance de petites blagues qui font mouche, feignant de confondre Roubaix et Tourcoing, ou précisant, avant "Crève", que ce n’est pas sa volonté de voir mourir ses fans. Il passe sa main dans les cheveux d’un gaillard en transe, lui offre l’occasion de scander un refrain et finit, comme toujours, par plonger dans la foule avec une réussite… relative ; à 30 ans passés désormais, est-ce bien raisonnable ?

Ses camarades ne sont pas en reste. Lola (basse), bondissante, est capable de meubler un temps mort en rendant hommage à la programmation du Grand Mix ou en vantant les qualités de GRANDMA’S ASHES. Simon (guitare/chant) n’hésite pas à s’approcher du bord de la scène pour claquer ses riffs et bref soli, assénés avec une énergie communicative. Les Parisiens parviennent même, au fil de digressions jamais trop longues, à lancer un wall-of-death entre… propriétaires et locataires ! Humour et taquinerie toujours quand Simon s’empare de sa guitare acoustique – « il sort du bois » s’esclaffe, désinvolte, Olivier – pour "10 Miles Away", chantée essentiellement par Lola, et le nostalgique Comme toi. Dernière pause avant que ne reprenne le grand incendie. "Tourne pas Rond" rallume le brasier qui atteint les mille degrés avec l’imparable enchaînement "Qu’est-ce qui va pas ?" – "Tête Blême" – "Crève". Et toujours, toujours, cette joie d’être là, de cramer les planches pour les quatre acolytes aux tenues hétéroclites. Ils s’amusent comme de grand enfants, nous ramènent à l’âge où rien n’est grave, où seules comptent la prochaine fête, la bêtise à venir.
PS : Et de repenser à une interview avec POGO CAR CRASH CONTROL, dans le cadre du SLB Fest, où j’étais accompagné de mes enfants. Timides, ils s’étaient assis dans un coin et Lola, en toute simplicité, leur avait offert un coca, et demandé quels morceaux ils aimeraient entendre. La classe ! (Le morceau voulu, c’était "Conseil").
