27 octobre 2025, 22:17

TESTAMENT

Interview Chuck Billy

Blogger : Clément
par Clément


​​Avec ses 38 ans de carrière et un quatorzième album qui vient de voir le jour, le moins que le puisse dire au sujet de TESTAMENT, c’est que le groupe a de la suite dans les idées ! Et qu’il a toujours été le garant d’une recette thrash intacte, même si celle-ci a parfois légèrement évolué, en s’affirmant comme l’un des groupes incontournables en la matière. « Para Bellum », sa dernière offrande en date, parue le 10 octobre dernier chez Nuclear Blast, ne fait que confirmer son statut de patron. Et ce n’est pas l’un de ses illustres fondateurs, Chuck Billy, qui nous dira le contraire…
 

Chuck, avec tes 38 années d’activisme thrash metal et quatorze albums désormais au compteur du groupe, j’imagine que tu dois être plutôt détendu en cette sortie de « Para Bellum » ?
Détrompe-toi ! Même si je ne ressens plus le même stress ou la même pression qu’aux débuts du groupe, je ne suis pas pour autant plus détendu (rires). Chaque sortie comporte son lot de surprises, la plupart du temps bonnes mais parfois un peu moins. Nous ne pouvons jamais anticiper à 100% la réaction des fans ou des médias, ce qui ne nous empêche pas d’être confiants pour autant. Je dirai que le tournant en la matière a été le retour d’Alex Skolnick dans le groupe (ndlr : membre fondateur du groupe au même titre qu’Eric Peterson, qui a réintégré TESTAMENT en 2005) et que depuis, nous sommes vraiment inscrits dans une dynamique positive. Notre écriture est plus riche, l’état d’esprit est très bon et nous n’avons qu’une seule envie : aller de l’avant !

Avec quarante ans de carrière derrière vous, où trouvez-vous cette force pour proposer encore quelque chose de neuf à vos fans après une si longue période ?
Tout d’abord, nous ne ressentons pas le besoin d’être le groupe le plus heavy ou le plus rapide au monde, nous sommes juste TESTAMENT. Point. Et à ce titre, nous sommes aussi dépositaires d’un style, d’une patte qui nous est propre et qui anime encore et toujours le groupe aujourd’hui. Ensuite, il faut savoir que nous avons un garde-fou : Eric Peterson, qui n’a pas grand-chose à faire de tout ce qui sort actuellement et reste profondément attaché à ses racines NWOBHM et heavy d’une manière plus personnelle. Mais cela ne l’empêche pas de découvrir quelques vieilleries dans d’autres styles connexes qui sortent du lot et m’obligent, en quelque sorte, à ne pas me contenter de chanter de la même façon album après album. C’est très motivant car c’est un peu comme un défi qu’il me lance et pour lequel je réponds toujours de manière positive (rires). Enfin, pour conclure j’ai envie de te dire que quarante ans après la naissance de TESTAMENT, nous restons fidèles à ce que nous sommes : c’est à prendre… ou à laisser !


Je disais, dans notre introduction, que parfois TESTAMENT s’est éloigné de sa ligne directrice thrash comme sur « Demonic », paru en 1997, qui fricotait avec le death metal…
Tout d’abord, il faut replacer les choses dans leur contexte. Quelques années auparavant, notre deal avec Atlantic venait d’arriver à son terme et nous étions donc à la recherche d’un nouveau label pour la suite de l’aventure. L’industrie du disque était, elle, en plein changement puisque certains styles avaient le vent en poupe et d’autres non. Nous étions aussi dans un état d'esprit plus agressif, sans aucune contrainte de single radio avec une vision stylistique quelque peu détachée par rapport au passé. Mais le fait le plus marquant est que Gene Hoglan a rejoint le groupe avec un background nettement plus brutal que celui auquel nous étions habitués jusqu’alors. Et mon style de chant s’est adapté à tous ces éléments, cette envie de faire ressortir la colère qui nous habitait. Tout ces éléments mis bout à bout ont fait de « Demonic » un album à part dans notre discographie. Music for Nations a apprécié cette approche et nous a signé pour sortir l’album, c’est ce qui importait au bout du compte. Mais, pour clore ce sujet je ne m’interdis pas d’utiliser à nouveau ces growls de façon parcimonieuse dans le futur !

Avant d'aborder cette nouvelle sortie, Chris Dovas est derrière les fûts sur cet album en lieu et place de Gene Hoglan. Selon toi, en quoi peut-il apporter une nouvelle énergie, un nouveau son à TESTAMENT ?
Chris n’a que 27 ans et déjà, rien qu’en cela, il apporte quelque chose de frais, de différent à TESTAMENT ! Et contrairement à Eric, il a été élevé au son de groupes plus modernes d’où son goût pour des sonorités différentes. Il a amené sur la table des parties plus agressives, des blast-beats, toute une technique qu’il souhaitait partager à tout prix pour apporter son énergie au groupe. Il est également très talentueux et a noué une relation professionnelle prolifique avec Eric puisque chacun s’est ouvert à l’autre, avec ses propres influences. Le meilleur exemple est un morceau comme "Nature of the Beast" où chacun s’est demandé si celui-ci, bien que différent des autres, avait vraiment sa place sur l’album. Tu connais la réponse désormais !

Revenons à l'album : "Infanticide A.I", le premier single tiré de l'album, est sorti en août : quels sont les premiers retours que vous avez reçus, tant de la part des médias que des fans ?
« This is heavy » ! En effet, les retours ont été très bons car tout le monde a bien compris que nous n’étions pas de retour juste pour faire une simple redite de « Titans Of Creation » et s’éclipser dans la foulée ! En plus, Chris a pris une part importante dans la composition de ce morceau et lui a permis d’avoir une dimension encore plus percutante. Tu peux le ressentir dans les blast-beats ou l’approche presque black metal à certains moments. Et pour moi aussi, cela a été une belle opportunité, aussi bien sur "Infanticide A.I." que sur le reste de l’album de faire évoluer mon chant et de continuer à progresser.

L'album comprend également une ballade, la première enregistrée depuis plusieurs années. Conçue pour s'intégrer parfaitement à l'album, "Meant To Be" contient une grande variété en elle-même...
En fait ce sont Eric et Alex qui ont bossé dessus. Ils ne m’en ont pas parlé tout de suite car ils gardaient cette collaboration comme un secret. Ils craignaient peut-être que je ne sois pas séduit par la démarche et que je leur mette un stop (rires). Mais une fois que j’ai découvert ce morceau, j’ai immédiatement accroché ! Cela m’a rappelé un titre comme "Return to Serenity" (ndlr : ballade qui figure sur l’album « The Ritual », paru en 1992) et il m’a collé des frissons ! Les riffs et les mélodies sont magnifiques et finalement nous ne nous sommes pas posé la question de savoir si nos fans les plus hardcore apprécieraient ce morceau car il s’intègre à merveille sur « Para Bellum ». Et il y apporte une touche intimiste bienvenue…C'est aussi un moment unique pour TESTAMENT, qui utilise de véritables cordes orchestrales interprétées par le violoncelliste de renommée mondiale Dave Eggar.

A contrario, « Para Bellum » contient certaines de vos chansons les plus violentes depuis des années, comme "Witch Hunt", "Infanticide A.I." ou même "Shadow People"…
En effet et encore une fois, c’est une collaboration réussie entre Eric et Chris qui est à l’origine de ces morceaux, qui sont assez agressifs mais reflètent une autre facette de TESTAMENT. Et, finalement, ils s’intègrent à merveille à ce puzzle rythmique qu’est « Para Bellum ». C’est bien là l’essentiel !

D’ailleurs, peux-tu nous en dire plus sur l’expression « Para Bellum » ?
Oui, c’est basé sur l'expression latine "Si vis pacem, para bellum" - "Si tu veux la paix, prépare la guerre", à la fois un cri de ralliement et une réflexion sur l'alliance fragile de l'humanité avec ses propres créations. Mais c’est aussi une autre interprétation qui pourrait être que se préparer pour la paix peut amener quelqu'un d'autre à vous déclarer la guerre…

Est-ce que cela pourrait s’appliquer aux pays actuellement en conflit : l’Ukraine, la Russie, La Palestine, Israel, l’Iran etc…
La menace aujourd’hui, c’est la guerre dans tous les pays que tu as cité mais aussi la Corée du Nord et plein d’autres où les prémices d’un conflit larvé apparaissent. D’ailleurs, nous avions écrit un titre nommé "WWIII" sur l’album « Titans Of Creation » avant même que le conflit Russo-Ukrainien ne prenne forme. Et sur le titre "Para Bellum", je fais directement référence à l’insurrection tragique qui s’est déroulée à Washington D.C. le 6 janvier 2021 (ndlr : l’assaut du Capitole par des partisans de Donald Trump où 4 personnes ont trouvé la mort et plus d’une centaine d’autres ont été blessées). Guerre, destruction, politique, violence, tous ces thèmes sont connectés entre eux et constituent une triste source d’inspiration dans notre monde moderne.


Vous traitez aussi de multiples sujets basés sur les préoccupations humaines, l'avenir de la technologie et l'inévitable sujet de l'IA, comme sur "Infanticide A.I.". Cela pourrait-il apporter de nouvelles perspectives au métier de musicien, aujourd'hui... ou à l'avenir ?
Non. En ce qui concerne le job d’un musicien, qui demande des années et des années de pratique ou celui d’un graphiste qui, lui aussi, réclame un investissement total : je n’y vois aucun intérêt. Je ne dis pas cela pour paraître rétrograde mais parce que la création de musique, l’enregistrement, la réalisation de visuels sont des métiers "manuels" qui nécéssitent tous l’utilisation d’une intelligence humaine, d’un feeling, d’une patte qu’aucune intelligence artificielle, telle qu’elle soit, ne peut remplacer. Sauf dans le cas où tu ne souhaites pas te prendre la tête et déléguer ces différentes étapes à quelque chose, quoi que ce soit qui fera tout cela à ta place. Mais quant au résultat, tu ne pourras en aucun cas prétendre retranscrire tout ce qui est réalisé avec la passion et les tripes délivrées de A à Z par un groupe. Un groupe qui met en commun toute sa matière grise, son expérience passée, ses compétences techniques pour obtenir un résultat de qualité, un résultat qui sonne… authentique.

Enregistré avec Juan Urteaga et mixé pour la première fois par Jens Bogren, Para Bellum bénéficie d'une production méticuleusement travaillée…
Oui, ce sont deux experts en la matière qui ont fait un boulot formidable sur « Para Bellum ». Ils ont compris et respecté l’essence même de ce qui fait TESTAMENT et je ne pourrais pour cela que les recommander chaudement !

La pochette de l'album, peinte une fois de plus par Eliran Kantor capture, elle aussi parfaitement l'essence de l'album…
Merci pour lui ! Eliran a bossé avec Eric sur la pochette avec cette idée d’explosion nucléaire ! Ce qui est le plus cocasse, c’est lorsque nous avons découvert cet ange de feu qui trône au beau milieu, c’était une idée géniale et que nous avons tous adoré. Certes, elle n’est pas en adéquation avec le thème de la technologie et de l’intelligence artificielle, tant mieux d’ailleurs, mais elle colle à merveille avec le concept de « Para Bellum » : Prepare for War ! Et au passage, elle m’a rappelé dans une certaine mesure celle de « Practice What You Preach », comme si elle en constituait sa prolongation naturelle….35 ans plus tard !

Votre premier album, « Legacy », est sorti en 1987. Trente-huit ans plus tard, TESTAMENT est toujours là. Quel est donc le secret de votre longévité ?
A cette époque, tout cela était nouveau pour moi. Il n’y avait pas d’internet mais c’étaient surtout les courriers entre fans, l’échange de fanzines ou de cassettes qui étaient la règle. Mais je dirais que le secret… c’est la passion ! Depuis que j’ai découvert le heavy metal puis le thrash metal, je n’ai jamais cessé d’écouter cette musique : je suis un passionné. Je n’aurais rien fait si je n’avais pas été un fan avant tout ! C’est là où je puise mon énergie : dans ma passion pour cette musique…

Blogger : Clément
Au sujet de l'auteur
Clément
Clément a connu sa révélation métallique lors d'un voyage de classe en Allemagne, quelque part en 1992, avec un magazine HARD FORCE dans une main et son walkman hurlant "Fear of the Dark" dans l'autre. Depuis, pas une journée ne se passe sans qu'une guitare plus ou moins saturée ne vienne réjouir ses esgourdes ! Etant par ailleurs peu doué pour la maîtrise d'un instrument, c'est vers l'écriture qu'il s'est tourné un peu plus tard en créant avec deux compères un premier fanzine, "Depths of Decadence" et ensuite en collaborant pendant une dizaine d'années à Decibels Storm, puis VS-Webzine. Depuis 2016, c'est sur HARD FORCE qu'il "sévit" où il brise les oreilles de la rédaction avec la rubrique "Labels et les Bêtes"... entre autres !
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