Fini le temps où ils étaient un petit groupe émergeant de la scène française, aujourd’hui AEPHANEMER est connu, a fait rêver les foules du Wacken Open Air et du Hellfest, et c’est sous la bannière de Napalm Records que sort sa quatrième production, « Utopie ». Bref, c’est la cour des grands et il faut prendre rendez-vous pour les approcher...
Ouverture en mode symphonie d’un nouveau monde sur "Echos d’un Monde Perdu", puis on attaque avec "Le Cimetière Marin", ou quand des guitares expirent avec violes et violoncelles. La frappe est mesurée, telle un menuet dans une galerie d’un Versailles déglacé, on ne reste pas de marbre quand le chant de Marion résonne, toujours aussi impliqué dans sa mort mélodieuse. Car au vu de l’habillage classieux d'AEPHANEMER, on devrait parler de mort mélodieuse plutôt que de death mélodique. Au fil des ans ces trois cavaliers ménestrels ont su imposer leur propre vision du metal à la française, qui contient en son sein "La Règle du Jeu". Après un essai sur l’album précédent qui nous a médusés, AEPHANEMER affirme à présent sa volonté de ne pas seulement exécuter un death mélodique cornélien, il s’agit également de chanter dans la langue de Molière. A l’arrivée nous avons des riffs chauds qu’illuminent des voix à la sombre morsure. On sent les morceaux travaillés à l’infini, d’ailleurs leur longueur l’illustre subtilement. Une musique qui nous parvient "Par-delà le Mur des Siècles“, mêle autant des atmosphères de palais au style renaissance rutilant, que des pits sombres et enfumés. Nous ressentons les notes distillées par des musiciens possédés, la musique est forte et mesurée à la fois.
"Chimère". Voilà ce qui définit les compositions d'AEPHANEMER, des créatures hybrides, déployant leurs ailes aux puissants riffs, griffant le sol dans une frappe mesurée, et revendiquant dans des hurlements poignants leur droit d’exister. Des bêtes à la beauté qui coupe le souffle. Les titres parlent d’eux-mêmes. Sur "Contrepoint" les mains serrant les médiators ont des poignets de dentelle, la farandole est folle, le tableau se remplit de death et de soli, d’instruments à vent et de chants religieux, un cap semble franchi depuis les premiers pas des toulousains. L’audace s’est imposée. Nous ne parlons pas de l’an 1546 et son obscurantisme, nous le vivons. Nous gagnons "La Rivière Souterraine", où un clavecin nous prend par la main, un solo nous salue, la peinture est celle d’un film épique. Des chœurs propulsés par des guitares sauvages nous emportent, un instrumental tout en progressivité qui fait écho à "un appel de Cthulhu" métallique. Un coup de maître.
Album de tous les possibles, AEPHANEMER se lance dans un flamboyant diptyque. Dans "Utopie (Partie I)" on ne s’inspire plus de la musique classique, on la fait sienne au travers d’une première partie fleuve, puis on lâche les moulinets explosifs et la voix sépulcrale. Il est toujours question d’une audace folle donc. La fusion est parfaite, la musique devient une épopée digne de THE SUMMONING. "Utopie (Partie II)" lui emboîte le pas dans un death mélodique plus nerveux, et toujours aussi flamboyant. Cette partie conclue l’œuvre offerte en compilant les expérimentations qui se sont succédées. On ne peut que rêver de voir ce que tout cela peut donner en live.
Un nouvel album d'AEPHANEMER qui n’est pas simplement un nouvel album. Nous assistons à la poursuite d’une quête, à l’accomplissement d’un style, ou quand le metal renaissance se fait écho d’une renaissance du metal. Merci à vous, ménestrels de la musique extrême, pour votre inspiration.