Khan n'est pas mort ! Si si, je vous assure ! Vous ne me croyez pas ?! Alors écoutez « Silverthorn » !
Retour en arrière pour comprendre. 2010. L'année où tout a basculé pour KAMELOT. Khan annonçait en pleine tournée européenne son retrait immédiat et définitif du groupe, après treize ans au poste de chanteur exemplaire et de leader charismatique. Treize années apparemment intenses, puisque le burnout est venu frapper à sa porte, l'expédiant tout droit vers sa Norvège natale.
S'en suit une période incertaine, durant laquelle une série de remplaçants se succèdent pour achever la tournée (Fabio Lione de RHAPSODY OF FIRE par exemple), mais aussi de rumeurs quant à celui - –l'Elu - –qui viendra prendre la place de Khan de manière régulière au sein du groupe. Heureusement, Fabio ne sera pas retenu ! Finalement c'est un nom et un visage inconnus qui nous sont dévoilés l'été dernier. Et ce n'est pas plus mal : Tommy Karevik est un chanteur suédois qui a encore toutes ses preuves à faire. Les avis se feront donc sur ce seul album.
Une pression énorme pèse désormais sur les épaules de ce nouvel arrivant qui ne sera pas épargné par les critiques. « Silverthorn » était très attendu et se devait d'être un album exceptionnel, l'Album de la carrière de KAMELOT, une sorte de consécration qui rendrait le groupe encore plus populaire qu'il ne l'est déjà. Alors pari tenu ou non ?
Le fait que l'album se place directement en première position des ventes Heavy Metal sur Amazon en France, en Allemagne et au Royaume-Uni une semaine seulement après sa sortie est plutôt bon signe.
Tout d'abord, il est important de préciser que « Silverthorn » est un album-concept, c'est-à-dire un album qui raconte une seule et même histoire, et dont les chansons se répondent et sont liées entre elles. Ce lien est créé par les textes, mais dans le cas de « Silverthorn », également par un thème musical qui revient tout au long de l'album, un fil conducteur qui rend l'album cohérent. Ainsi, le thème entendu très brièvement en fond à la fin de « Manus Dei » sert de refrain à « Silverthorn », la chanson. Il est aussi repris par les cordes dans « Falling Like The Fahrenheit » lors du pont, ou au début de « Prodigal Son » par l'orgue et le choeur d'hommes. Ce thème, joué cette fois-ci par le violoncelle à la toute fin dans « Continuum », clôt l'album et fait écho aux autres morceaux, comme pour dire que ce n'est pas fini, d'où le titre, que l'on pourrait comprendre comme un « à suivre... » à la fin d'un épisode de série en deux parties.
D'entrée, « Silverthorn » surprend avec son ouverture symphonique puis la voix parlée de Tommy. On enchaîne directement avec « Sacrimony (Angel Of Afterlife) » et ses deux invitées exceptionnelles, Elyse Ryd (AMARANTHE) et Allissa White-Gluz (THE AGONIST). Non, pas de Simone Simons cette fois-ci. Et c'est tant mieux ! Même si le couple Khan/Simons fonctionnait à merveille et que « House On A Hill » est très belle, il faut tout de même admettre qu'ils ne feront jamais mieux que « The Haunting », qui reste un des plus beaux morceaux de « The Black Halo » et sans doute une des meilleures pièces du groupe.
Du coup, l'initiative d'inviter Elize Ryd sur « Silverthorn » était excellente. Elle incarne à la perfection l'Ange sur « Sacrimony », mais est également présente tout au long de l'album. Elle apporte un souffle frais et apaisant à chacune de ses apparitions (« Veritas », « Falling Like The Fahrenheit »), tandis que Simone jetait un froid glacial à chaque note chantée.
« Sacrimony » sonne véritablement comme du KAMELOT. La strophe est typique : d'abord chantée dans les médiums puis à l'octave au-dessus, comme par exemple sur « The Haunting » ou encore « Forever ». On ne s'attend par contre pas à une fin comme celle-ci : la musique s'arrête net et Elyse nous bourdonne une petite mélodie à l'oreille.
On s'extasie moins sur « Ashes To Ashes », sans doute le moins bon morceau de l'album. Mais « Torn » nous le fait vite oublier. L'intro nous embarque dès les premières secondes, avec son rythme vitaminé qui ne ressemble pas à ce qu'ils ont l'habitude de proposer. On retrouve tout de même un côté « Forever » au début de la strophe. Le refrain, lui, est sans doute le plus marquant de tout l'album.
L'habituelle ballade arrive en piste cinq, mais transporte moins que les précédentes « Wander », « Abandoned » ou « Anthem ». Peut-être aussi dû au passage d'un rythme binaire à un rythme ternaire en plein milieu du morceau. C'est courant chez KAMELOT, une sorte de marque de fabrique. Les exemples sont nombreux : « Center Of The Universe », « Farewell », « Edge Of Paradise », « Soul Society », « Ghost Opera » et j'en passe. En général, ce changement de rythme n'est pas aussi marqué : le tempo est maintenu, mais ici il change, et crée une rupture totale, qui nous plonge dans une certaine confusion. En vérité, ils nous avaient déjà fait le coup sur « Moonlight », mais pas d'une manière aussi radicale.
C'est reparti pour du lourd avec « Veritas », dont le rythme d'introduction rappelle beaucoup « March Of Mephisto ». Puis, sur le refrain je me suis dit : « Tiens ? Ils ont emprunté les choeurs à EPICA ? ». Eh oui, lorsqu'on travaille en milieu fermé comme celui-là, et qu'on côtoie des personnes d'autres groupes, il y a des risques d'emprunts, sans que cela soit forcément volontaire.
« Veritas » finit d'une manière étrange : sans qu'on sache d'où il débarque, l'accordéon se tape l'incruste ! Sa présence reste un mystère. Je ne comprends pas ce qu'il est censé évoquer, quel est l'effet recherché, hormis la surprise.
On ne se pose en revanche aucune question sur la piste suivante, « My Confession », qui file à une vitesse... Dans l'ensemble, il s'agit du morceau le plus entraînant, avec son intro "remixée" à la SONATA ARCTICA.
C'est ensuite au tour du thème de l'album de refaire son apparition, le temps de « Silverthorn », dont l'intro ressemble étroitement à celle de « Cadence Of Her Last Breath » de NIGHTWISH, et dont le pont intègre un choeur d'enfants. Décidément, d'abord NIGHTWISH, puis DELAIN, et maintenant eux. Je ne sais pas ce qu'ils ont tous avec les choeurs d'enfants, mais c'est visiblement un phénomène à la mode ! Le thème du refrain sert à nouveau sur le pont de « Falling Like The Fahrenheit », une chanson très intense.
On enchaîne avec « Solitaire », dont le titre m'a beaucoup surpris, étant donné que le même nom avait déjà été utilisé comme introduction à l'album « Ghost Opera ».
Pour finir, « Prodigal Son » nous emmène à un enterrement. Enfin, il me semble. La cloche, l'orgue puis les voix d'hommes nous donnent réellement l'impression d'y assister. Cette première partie rappelle bien sûr « Dei Gratia », l'interlude précédant « Abandoned » sur « The Black Halo », dont l'action se déroulait dans une église et où le personnage principal allumait un cierge.
On pense aussi à « Elizabeth » ou « Memento Mori » par rapport à la longueur du morceau. En deuxième partie de chanson, il se produit pourtant une chose qui n'arrive jamais chez KAMELOT : guitare sèche et voix, sans aucun autre accompagnement, ce qui est fort agréable. Mais le calme ne dure pas. La troisième partie s'agite, et je dois avouer qu'à un moment, je m'y suis un peu senti perdu.
Bien évidemment, je regrette le fait que Khan ait quitté le groupe ; le voir un jour sur scène est désormais moins que probable. Pour moi c’'est (doit-on dire c'’était ?) la plus belle voix masculine de l’'univers metal : à la fois puissante et fragile, un mélange de virilité et de sensibilité, pour au final faire l’'effet d’'une caresse dont on voudrait qu'’elle ne cesse jamais.
Mais avec du recul, on se rend compte que ce départ était peut-être nécessaire. Sur « Poetry For The Poisoned », Khan était arrivé au bout de ce qu'il pouvait donner et cela se ressent. KAMELOT était arrivé à un point où ils ne convainquaient plus (en tout cas plus autant et plus tout le monde), et où leur musique devenait de moins en moins accessible et de plus en plus complexe, quitte à laisser quelques fans décrocher. Ils avaient peut-être besoin de remplacer Khan pour repartir du bon pied. Même s'ils ne s'accordent pas à dire qu'une nouvelle ère commence pour eux, et s'ils affirment avoir voulu garder une continuité, rester dans la lignée des albums précédents, on sent sur « Silverthorn » une réelle envie de surprendre et un souffle nouveau dans la manière de composer. Certes, le changement n'est pas remarquable au niveau de la voix. Mais les propositions sont beaucoup moins sombres que d'ordinaire, malgré une pochette fortement inspirée de l'univers gothique.
Et après avoir écouté l'album une bonne quinzaine de fois, j'en suis à me demander si je ne préfère pas plutôt la voix de Tommy à celle de Khan, même si Tommy a moins d'aigus (exemple sur « Solitaire ») et moins de puissance. Mais lui n'a pas besoin de forcer pour sortir les notes, contrairement à Khan qui a constamment l'air de souffrir en chantant : on le remarque sur le live « One Cold Winter's Night », où chaque son est accompagné d'une mimique.
Mais Tommy a tout autant de charisme. Un chroniqueur a écrit de lui qu'il était capable de provoquer un orgasme rien que grâce à sa voix. Et que c'était pour cela qu'il ne se produisait que dans de petites salles avec son ancien groupe : les services d'entretien auraient trop de travail après le spectacle avec un stade de 10 000 personnes... Moi je dis, il n'y a qu'un moyen de le vérifier : aller les voir en live !
Ce qui est certain, c'est que « Silverthorn » est une réussite totale ! KAMELOT est de retour et nous le fait bien sentir. Au meilleur de leur forme, ils sont prêts à tout dévaler sur leur passage !
Et si vous aimez avoir une bonne pochette entre les mains lors de l'écoute d'un album, alors ruez-vous sur « Silverthorn » ! Le coffret de l'édition limitée est tout simplement magnifique ! Superbement fait, avec de très belles photos des intervenants de l'album, et en bonus le Storybook racontant l'histoire de « Silverthorn ». ça aide à la compréhension.
Un des meilleurs KAMELOT !