16 mars 2014, 00:49

RED FANG + THE SHRINE + LORD DYING @ PARIS (Le Trabendo)

Le buzz monte autour de RED FANG : quasiment autant de métalleux que de hipsters et de gens bien se sont donné rendez-vous au Trabendo - non, la date n’aura pas lieu au Divan du Monde, bien trop exigu pour accueillir une demande si conséquente. Le concert de ce soir aura donc été déplacé dans le parc de la Villette, au Trabendo, donc.

Et la soirée allait être chaude. On n'avait pas encore traversé l’avenue Jean Jaurès que déjà l’atmosphère était tendue, allez, dangereuse : à peine sortis du bistrot que nous sommes témoins d’une scène de guérilla urbaine, façon "Through The Never" - ou presque. Une course-poursuite est lancée sur la route entre un gang entier de blacks très très vénères, et un autre façon Usain Bolt galopant littéralement comme si sa vie en dépendait, cherchant à n’importe quel prix à échapper à la meute bien décidée, à en juger par ces rictus vengeurs, à étriper, désosser et dépecer leur proie. La survie est alors en mode instinctif, le jeune homme dont on ne connait pas le crime, allant jusqu’à courir sur les capots des bagnoles arrêtées au feu rouge, explosant quelques pare-brises de conducteurs n’ayant rien dû comprendre à la scène aussi fugace qu’intense. Fureur, haleine, râles, hurlements, baston, verre brisé, un scooter renversé (plaque numéralogique impaire), oui, à 19h24 il faisait déjà très caliente à quelques dizaines de mètres du Trabendo. Les crocs rouges sont venus mordre la nuit parisienne...

On se hâte pour rentrer alors que vrombit déjà ce que l’on pense logiquement être THE SHRINE, groupe très prometteur de Venice Beach, CA, que l’on ne veut rater pour rien au monde. Le quatuor sur scène ne ressemble en rien aux clips bidons et DIY façon skate-punk 1982 des Californiens que nous surveillons déjà depuis quelques mois. Et pis non, LORD DYING a tout simplement été déclassé de l’affiche, ouvrant la soirée devant un seul petit quart dégarni de la salle. Si l’on n’est pas insensible au pseudo-sludge thrashy de ces quatre gars de l’Oregon, l’idée de se recevoir on-ne-sait-comment le chanteur sur le coin du crâne nous fait frémir : ouf, il est statique, et ne s’autorisera aucunement un slam du haut des amplis comme Billy Milano à la grande époque. Billy Milano que l’on comparerait d’ailleurs volontiers à Angus Young question carrure face à cette affreuse masse de saindoux adipeuse, peu élégante et aussi charismatique qu’un Eric Zemmour en pleine gastro-entérite foudroyante. Eloquence zéro, centre de gravité l’obligeant à rester sur son mètre carré, canettes de bières 50cl tièdes à portée de paluche et guitare en bois façon copie de Gibson Explorer taillée par un bûcheron (en double, l’autre est entre les doigts du lead) calée sur l’un des bourrelets de sa bedaine. Les musiciens ont l’air de s’emmerder, le public reste poli (ou craintif), et réceptionne gentiment les riffs pourtant plutôt efficaces de ce combo heavy officiant entre un sludge louisiannais -EYEHATEGOD en tête- et HIGH ON FIRE, ainsi qu’un thrash-metal 80’s cousin d’EXODUS.

LORD DYING

 

OK. C’est THE SHRINE que l’on attend. Après «Primitive Blast», premier album acheté en import il y a quelques mois grâce à un sticker aussi con qu’affriolant genre «BLACK SABBATH rencontre BLACK FLAG», on s’impatientait de découvrir sur les planches le trio de plagistes skaters de Los Angeles venus défendre leur déjà deuxième LP «Bless Off». S’ils arborent le même nouveau motif saison automne-hiver 2014 de la marque Zadig&Voltaire - cette infâme tête de loup décalquée sur un vieux t-shirt de tournée de Johnny Hallyday -, ces jeunes gens bloqués sur les années DogTown 1979-1983 n’ont pas encore attiré une horde potentielle de hipsters. Avec des tubes bas-du-front expédiés, et des looks à mi-chemin entre adolescents à roulettes un peu crétins et jeans/cuirs odorants façon thrash old school avec une masse capillaire négligée, THE SHRINE possède un gros gros capital sympathie, déployé sans complexe face à une fosse de plus en plus curieuse de découvrir ce groupe dont on commence à parler... Effectivement, la fougue du punk hardcore californien du début des eighties, bien agitée avec ce gros son lourd complètement emprunté à SABBATH, avec ces sonorités low-fi, ce rock ’n’ roll peu finaud oscille tantôt vers les STOOGES et le MC5, tantôt vers le SAINT VITUS des années SST. Ca joue vite, crade, dans la bonne humeur et l’enthousiasme : ces très jeunes angelinos pour qui le temps semble s’être arrêté après le single «Six Pack» du ‘FLAG ont convaincu. On en reparlera, sûr. En tout cas, on est bien reparti du stand de merch’ avec leur nouvel LP jaunâtre et de trèèès mauvais goût sous le bras.

THE SHRINE

 

RED FANG. On les avait vu live au Hellfest 2011 sous la Valley, et on s’était pris une méchante mandale. En tant que monumental fanatique de stoner, faisant pour autant le tri dans toutes ces livraisons de nouveaux groupes estampillés deep south humide autour des leaders MASTODON et BARONESS ou KYLESA dans une moindre mesure, l’accueil réservé à leur deuxième album «Murder The Mountains» nous avait poussés à nous procurer le vinyle et à confirmer cette claque en concert dans la foulée. Même mal placés tant l’affluence rendait la visibilité pénible, on avait vraiment succombé à la puissance, lourde et simple, de ce heavy-rock aux relents stoner, proche en effet de leurs «grands-frères» MASTODON, mais aussi trousseurs de chansons plus directes et efficaces, avec pour modèle le meilleur du QUEENS OF THE STONE AGE des sacro-saints débuts. Depuis Clisson, RED FANG a arpenté les routes françaises en 2012, rejoué au Hellfest l’an passé, visité les Eurockénnes, et connait désormais largement mieux Paris qu’un banlieusard du 77 : en deux ans à peine, le groupe est passé au Bataclan, au Combustibles, au Glaz’Art... et le Trabendo ce soir. Sold Out. Complet mais pas étouffant pour autant, la jauge étant correcte, on circule, on respire, les bières ne se renversent pas de notre côté, latéral à la scène.

RED FANG

 

Lorsque le groupe arrive, c’est l’euphorie : le public retrouve ses potes, fidèles, au son de «Hank Is Dead», suivi de «Voices Of The Dead», premier morceau issu de leur fabuleux troisième album «Whales And Leeches». Ce soir, pas moins de six extraits mis en avant de ce très grand disque, dont un «Blood Like Cream» imparable (LE hit du disque !), ou «DOEN» en rouleau compresseur atomique. Fréquents mais légers retours en arrière avec sept morceaux incontournables tirés de la grande révélation que fut donc «Murder The Mountains» il y a trois ans, dont ces «Throw Up» et «Into The Eye» menaçants et rampants, sans oublier le grandiose «Malverde», hymne mastodonte (clin d’oeil clin d’oeil) binaire, heavy as fuck comme ils disent, sorte de monstre épais, sourd, immédiat et super efficace comme de l’über-MELVINS des années «Stoner Witch». Telle une messe noire sabbathienne, un peu barrée et psyché, constamment lourde et mélodique à la fois, «Wires» vient clôturer en beauté ce set court et redoutable d’intensité qui aura mis tout le monde d’accord, sans la moindre baisse de régime. Quelques courtes minutes plus tard, le quatuor revient pour deux indispensables morceaux historiques des deux premiers EPs -réunis en un faux premier album- : le tube potentiel «Good To Die» et enfin «Prehistoric Dog». Terriblement actuel, nouveau leader d’un son terriblement dans l’air du temps que profondément ancré dans l’underground metal le plus occulte, RED FANG mérite grandement toute l’attention et, disons le, le culte légitime qu’il mérite actuellement. Force souterraine obscure, grondante et siiiii terriblement lourde, frange extrême d’un rétro-hard rock descendant directement du Sabbat Noir, une certaine tendance pop-rock pour ses chansons directes et habilement troussées, tout comme, par conséquent, de la classe folle du talent de Josh Homme qui excite autant la hype, RED FANG est bien lancé sur la rampe du succès, incarnant de facto l’un des groupes importants des années 2010.

Putain d’affiche ce dimanche soir...

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