21 juin 2014, 11:07

Mon Enfer - Part.2 @ Hellfest (Clisson)


DAY 2 : SATURDAY, HIGH AND DRY !

On commence tooooouut doucement la journée du samedi en allant néanmoins directement à l'ombre de la Valley soutenir MOS GENERATOR, quatuor américain que l'on suit depuis un certain temps et dont "Electric Mountain Majesty" vient d'être plébiscité un peu partout, notamment dans les pages d'HARD FORCE ! Grosse impression en live le temps de sept titres de gros stoner velu, dont des extraits du dernier qui n'oublie aucunement d'être bien rock'n'roll et dénué de nombreux poncifs, ainsi que des pépites comme "Lonely One Kenobi" ou "This Is The Gift Of Nature" !

Next stop : SKID ROW. Les dernières fois que nous avions vu le groupe, c'était à la Boule Noire puis dans dans un micro Elysée Montmartre amputé de deux tiers. Depuis, les New-Jersey boys n'ont pas franchement redécollé... Si Sebastian Bach a plutôt bien négocié sa carrière solo avec trois albums franchement bons et des prestations honnêtes à défaut d'être transcendantales, SKID ROW est aujourd'hui cantonné à la troisième division. Bien sûr, on ne manquera pour rien au monde le plaisir d'écouter en live tous ces titres qui auront bercé notre jeunesse : mea culpa pour notre complaisance 100% nostalgique, et nous n'étions cependant pas les seuls puisque la fosse devant la Mainstage 1 est plutôt bien garnie en ce début d'après-midi... et honnêtement, nous ne sommes vraiment pas venus pour entendre leurs deux derniers EPs très dispensables. Bon, SKID ROW ça joue raisonnablement bien, mais le son est plutôt boueux et franchement, si l'on est content de se prendre quelques sympathiques "Big Guns", "Monkey Business", "Riot Act" ou "Get The Fuck Out", le set est vite oublié : les musiciens font le job avec un certain plaisir affiché, mais Johnny Solinger, très sincèrement, ce n'est plus possible. Pataud, maladroit, peu charismatique et ersatz de troisième choix, le texan n'a pas le quart de la fougue ni de l'éloquence de son illustre prédécesseur. Johnny Solinger, c'est David Reece dans ACCEPT ; c'est Joe Lynn Turner dans DEEP PURPLE, c'est Tony Martin dans BLACK SABBATH... vous avez compris. On aurait d'ailleurs aimé que Phil Anselmo, venu encourager son vieux poto Dave Sabo (tour-manager de DOWN) et présent sur le côté de la scène, prenne le micro pour jammer sur un titre comme il avait pu le faire à de nombreuses reprises en 2013... "Get The Fuck Out" avec tonton Philou, ça aurait eu de la gueule. Tant pis, ce concert aura définitivement été sans surprises...

Du charisme, Josh Todd en a par contre à revendre et BUCKCHERRY balaye en une seule chanson ce que les gars de SKID ROW viennent de peiner à accomplir. Le chanteur, incroyablement classe et gaulé comme un Iggy Pop trentenaire intégralement tatoué, s'empare de la scène avec une énergie, une aisance et un savoir-faire écoeurants. Entre le Axl Rose des débuts, Steven Tyler et Iggy précisément, Todd possède le pas de danse du premier, la voix du second, et donc le corps noueux, sec et musclé du dernier, personnifiant la rock star ultime, sexuelle, assurée, hautaine et dotée d'un rare talent pour recevoir toute l'attention sur soi le temps d'un concert monumental de hard-rock sleazy made in Los Angeles. Entre GUNS N' ROSES, AEROSMITH, KISS, ou les RAMONES, BUCKCHERRY balance son rock'n'roll hi-energy, sexy et bien gentiment crade, osant même la ballade virile ("Sorry"), l'hymne définitive aux strippeuses ("Crazy Bitch" !), prétexte à la jam extended sur beat funky et revisitant le "Miss You" des STONES. Grosse grosse impression : trop rares en Europe, le groupe était très attendu et vient de marquer encore plus de points à l'applaudimètre - cela faisait bien une dizaine d'années que j'espérais pouvoir les voir, les ayant manqué en 2009, et bien aucune déception au final !

Par contre, que dire du concert d'EXTREME ??? Aaaargh, d'où nous nous tenons (à peine à droite de la tourelle des tables de mixage), le son est proprement infect : aigu, strident, avec une batterie clinquante immensément trop forte sabotant complètement le concert des bostoniens. EXTREME ayant prévu de jouer l'intégralité de leur album phare "Pornograffiti", l'effet est pour nous malheureusement nul : bien que curieux de les voir, nous nous résignons et quittons cette bouillie sonore indigne de la classe de ce groupe... "Decadence Dance" ainsi mas-sa-cré, c'est le coup de massue. Dommage.

Abattons d'emblée le suspense : c'est CLUTCH qui remporte la Palme d'Or du week-end. Le groupe est donc à l'origine de la plus phénoménale mandale du week-end, prenant leur revanche sur leur défection de 2013 (le père de Neil Fallon étant alors décédé au début de leur tournée européenne, le groupe annula au dernier moment le reste des dates et se vit remplacé spontanément par un concert impromptu de DOWN, désormais légendaire...). Et l'on suggèrerait franchement que CLUTCH joue dorénavant sur une Mainstage à une heure encore plus digne : il fallait prendre "ses places" au plus tôt sous la Valley pour espérer faire partie des happy-fews, la tente ne pouvant absolument pas accueillir TOUS les fanatiques et autres curieux. Moyennement installé bien trop loin de la scène, nous rentrons toutefois instantanément dans le show : il est évident que les gars du Maryland allaient se montrer revanchards et mettre les bouchées doubles pour honorer leur public. CLUTCH a sans le moindre doute des allures de tête d'affiche, vue la réaction dithyrambique des milliers de doux-dingues présents en cette fin d'après-midi. LE concert du Hellfest 2014 : putain, Fallon est un showman immense et possédé, arpentant les planches tel un prédicateur possédé, entre James Brown et ces fous de Dieu haranguant les fidèles dans le sud moite des États Unis. "DC Sound Attack" ou "The Regulator", popularisé grâce à cette fameuse scène d'un épisode de la deuxième saison de "The Walking Dead"... tous les morceaux bénéficient du groove instauré par un Jean-Paul Gaster infaillible derrière ses fûts, entre stoner, funk, blues et hard-rock. La Valley et le Hellfest viennent de rendre une gloire, un respect et un enthousiasme sans équivalents aux vainqueurs de cette édition : à quand toutefois une réelle renommée internationale ? Il s'agit ici, en toute objectivité, d'un des groupes les plus obsédants et excitants de notre génération, méritant louanges, succès et hégémonie. C'est maintenant bordel ! Et dire qu'on les suit depuis la compilation "Naive" chez Earache Records en 1992, époque où ils n'étaient qu'un microscopique et anonyme combo de hardcore...

Euh, que dire, par contre, avec tout le respect qu'on leur doit, du set de DEEP PURPLE ??? Ce fut une douloureuse épreuve, voilà. Nous n'étions pas vraiment préparé pour un concert aussi incroyablement faible : peut-être les anciens n'étaient-ils pas ici à leur place dans un tel festival, n'empêche que les sexagénaires ont vraiment eu l'air d'avoir pris un très très méchant coup de vieux. Et comparés à leurs contemporains de BLACK SABBATH le lendemain, on ne pourra assurément pas mettre ça sur le compte de l'âge... Bon sang que ça a été ennuyeux : d'où nous nous tenions, nous pouvions nous parler entre nous à voix basse ; si le groupe était jadis record-men des artistes jouant le plus fort dans le Guiness Book (et bien avant MANOWAR...), aujourd'hui, euh, comment... Et puis Monsieur Gillan, un petit effort : vous ne jouiez pas sur le parvis de la mairie de Compiègne le temps d'un petit festival jazz gratuit offert aux administrés - alors de grâce, votre t-shirt Caiman Islands et vos ridicules lunettes violettes -  pardon, pourpres...-, vous ferez un effort la prochaine fois : nous sommes au Hellfest, monsieur... ! Ambiance décibel zéro chez DEEP PURPLE, émotion zéro aussi... et puis pas grand chose de terriblement hard-rock non plus hein... les "Strange Kind Of Woman" ramollos, ça passait pas du tout ce soir. On leur a dit où ils jouaient ? J'avais mal au coeur pour eux... et surtout pour nous. Pas la peine de ressortir "Made In Japan" en fanfare Deluxe si c'est pour nous imposer ça pendant plus d'une heure... Et DEEP PURPLE aurait aujourd'hui plus de gueule avec le line-up de "Burn" - Coverdale et Hughes.... ah la laaaaa, ça ce n'est qu'un simple fantasme personnel !

Heureusement il y a eu AEROSMITH. Steven Tyler a semble-t-il retrouvé les sommets poudreux des Andes et affiche une forme, comment dire, anormale : comment peut-on biologiquement arpenter ainsi une scène pendant deux heures tel un fringant jeune homme de 25 ans alors qu'on vient d'en dépasser les 65 ???? Et cette voix ! CETTE VOIX nom de dieu !!! Egale aux grandes heures du groupe, qui démarre notamment son set par le significatif "Back In The Saddle", suivi du "Train Kept A Rollin'" des YARDBIRDS qu'ils s'étaient déjà appropriés en 1974, ainsi qu'une longue succession de morceaux issus des early 70's ; franchement, très peu de fautes de goût ce soir, hormis un seul titre de leur très pénible dernier album ("Oh Yeah"), l'inamovible bouse "I Don't Want To Miss A Thing" du non moins ignoble "Armaggeddon", ainsi qu'un morceau contractuel chanté par Joe Perry ("Freedom Fighter", insipide), le temps que Tyler aille se repoudrer le nez. Si les deux mega-stars du groupe ne peuvent absolument plus se piffrer, faisant passer Keith Richards et Mick Jagger pour Tintin et Milou, l'illusion est sur scène totale, AEROSMITH revisitant les grands moments de leur carrière : trois extraits du multi-platinum "Eat The Rich" ("Eat The Rich" justement, "Cryin'" et "Livin' On The Edge"), le grand "Love In An Elevator" de "Pump" et enfin "Dude (Looks Like A Lady)" de 1987. Après, ce n'est que du vintage, et parfois des morceaux que l'on n'attendait vraiment plus ! "Rats In The Cellar", "No More No More", "Same Old Song And Dance", "Last Child", et même leur incroyable reprise du "Come Together" des BEATLES enregistré en 1978 pour la B.O du film "Sergeant Pepper And The Lonely Hearts Club Band" !!! Au final, les incontournables "Walk This Way", "Mama Kin", puis "Dream On" et le meilleur de tous, "Sweet Emotion", mettant un point final à ce concert d'anthologie où Tyler quittera la scène au son de James Brown, continuant à faire son show suivi par une caméra : si le chanteur en fait trop, évoluant sur les planches en baisant avec les caméras et comme s'il jouait dans un vidéo-clip long-métrage, on ne peut que rester béat devant la forme olympique inoxydée de cette immense Rock Star, assurément l'une des toutes dernières de sa génération à se mouvoir ainsi sur des scènes de stades, et à pouvoir conserver et le timbre et le souffle et la puissance de sa voix unique. Magique. Tout simplement magique.


(Photos © Hard Force / Ludovic Fabre • Christian Ballard • Fred Moocher - DR)

Mon Enfer - Part.1
Mon Enfer - Part.3

Blogger : Jean-Charles Desgroux
Au sujet de l'auteur
Jean-Charles Desgroux
Jean-Charles Desgroux est né en 1975 et a découvert le hard rock début 1989 : son destin a alors pris une tangente radicale. Méprisant le monde adulte depuis, il conserve précieusement son enthousiasme et sa passion en restant un fan, et surtout en en faisant son vrai métier : en 2002, il intègre la rédaction de Rock Sound, devient pigiste, et ne s’arrêtera plus jamais. X-Rock, Rock One, Crossroads, Plugged, Myrock, Rolling Stone ou encore Rock&Folk recueillent tous les mois ses chroniques, interviews ou reportages. Mais la presse ne suffit pas : il publie la seule biographie française consacrée à Ozzy Osbourne en 2007, enchaîne ensuite celles sur Alice Cooper, Iggy Pop, et dresse de copieuses anthologies sur le Hair Metal et le Stoner aux éditions Le Mot et le Reste. Depuis 2014, il est un collaborateur régulier à HARD FORCE, son journal d’enfance (!), et élargit sa collaboration à sa petite soeur radiophonique, HEAVY1, où il reste journaliste, animateur, et programmateur sous le nom de Jesse.
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