10 octobre 2014, 13:10

"VINTAGE LIVE REPORT"

SOCIAL DISTORTION - Londres 1997

Camden, The Underworld, Londres, UK – le 2 avril 1997
Depuis le début de l’après-midi, on jure que tout ce que Londres compte de punks s’est donné rendez-vous à la jonction de Camden High Street et de Kentish Town Road. A perte de vue, c’est-à-dire au moins jusqu’au Burger King, des dizaines de crêtes de toutes les couleurs et puis des tatouages, du cuir, du jean, des Doc's coquées. A la sortie du métro, éblouissante, une pyramide de canettes de bière masque entièrement la poubelle.

Social Distortion 1997 - Capture d'écran Youtube

SOCIAL DISTORTION sur scène en 1997 en Allemagne, trois jours plus tôt - capture d'écran Youtube.

 

​Mais vers 19h30, une partie seulement de cette faune rieuse peut s’entasser dans le sous-sol du bouge nord-londonien : la date est sold out depuis plusieurs semaines. Dans une vaste cave, sous une espèce de trappe s’ouvre la salle immédiatement après la porte. Les plus longs cheveux touchent le plafond. Au premier rang, ça pue la bière, la pisse, la gerbe. Chaque pinte mousseuse qui traîne au bord de la scène est éminemment suspecte. Mais tout le monde est bien là, quand brandissant un poing tatoué, les yeux fardés, débardeur blanc et pantalon noir, une petite frappe monte sur scène et lâche : « We’re the fucking spice girls ! ». Oui, il a passé plus de nuits en tôle, donné plus de concerts et très certainement baisé plus de gonzesses que toi : Monsieur Mike Ness, fier citoyen et client premium des geôles de Fullerton, Californie.

Après son dernier passage à Londres, presque en catimini, il y a cinq mois jour pour jour, au Garage de Highbury, où SOCIAL DISTORTION avait fini par enflammer tout un quartier, le plus récent album du groupe est aussi devenu son premier disque d’or : « White light, white heat, white trash ». Il contient sa première chanson d’amour, « Dear Lover », sorte de transposition punk de « Babe I’m gonna leave you », dans l’idée, qui passe à la radio d’un bout à l’autre du Vieux Pays, depuis plusieurs jours… Consécration ! Mais c’est avec sa petite version bien colère du riff de « Under my Thumb » que Ness ouvre le set – reprise enfin posée sur galette, alors qu’elle est depuis toujours au répertoire du groupe : 18 ans de tournées quasi ininterrompues aux US, une ou deux rarissimes « vacances » de l’autre côté de l’Atlantique (1992, on est sûr… avant ?). Dès le premier break de Chuck Biscuit, on se dit que ses fûts ne tiendront jamais un set entier… Mais ses peaux, supporteront-elles un seul morceau ?


Et c’est parti pour la grande farandole : accrochés aux rails des lights qui parcourent le plafond, les premiers joyeux arrivent sur la scène et secouent leurs corps de bonheur auprès de Maurer, Danel, et Ness. Pas de pit, pas de photographe, rien : la sueur, les postillons et la fureur de Mister Ness directement dans la gueule, tout comme les Rangers des slammers qui dérapent. Mais avec les Les Paul légendaires qui dansent devant les yeux – « Orange County » et« 13 » : elles, personne n’oserait jamais y toucher.

Au Garage, il y avait eu comme un moment de retenue, un round d’observation, avant que le public ne sombre définitivement dans la démence. Pas cette fois. Furieux et fraternels pogos de punks anglais : inoubliables. Ces gens-là te remercient quand tu leur déboites le nez d’un grand coup de coude : « je me rappellerai ce concert toute ma vie ! » - véridique ; bon, c’était un autre groupe, sur une autre date. Mais « White light… » n’est-il pas justement l’album de la rédemption ? Il y a une semaine, SOCIAL DISTORTION était à Paris, sur le plateau de Nulle Part Ailleurs, pour jouer « I was wrong », l’un des titres phare d’un CD qui ne comporte aucun déchet : ici, ce morceau invoque une vague de crowd surfers épileptiques après l’autre. Et comment ne pas citer « Untitled », troublante déclaration d’humanité, touchante, apparemment sincère, si l’on se donne la peine de décrypter un peu le propos de l’auteur, compositeur, performer ? Livrée avec une formidable rage. Il n’a jamais l’air vraiment content, sûrement pas chaleureux, juste un peu narquois par moments. Ce n’est pas le plus grand compositeur du monde, mais chacun de ses morceaux, sur trois power-chords, chacun de ses solos, répétitif, presque progressif, met tous ces gens bien comme il faut en transe, impossible d’échapper à ce constat.


Et le lion vieilli rugit encore : « Don’t drag me down » démontre qu’il n’a pas l’intention de fermer sa gueule ! Seulement d’arrêter de casser la binette des gens, pour un oui ou pour un non. Ah, jamais sur scène, mais dans la rue, avec sa bande. Pour un regard de traviole, n’importe quoi : « C’est vrai mon pote, je mesurais 1m60 mais je m’attaquais toujours au plus gros motherfucker ». « Another State of Mind » rappelle que SOCIAL DISTORTION a offert le titre d’un de ses plus anciens morceaux au documentaire de Small et Stuart, consacré à la première tournée « internationale » (USA et Canada…) du groupe, avec YOUTH BRIGADE –un monument du punk américain, tourné avec trois bouts de ficèle et une capote pendant l’été 1982. Il y a 15 ans, et maintenant Ness passe à la télé.

Après une courte pause, « When the Angels Sing » – presque une ballade, à l’échelle du groupe – manque de provoquer une émeute : quelques uns qui, n’ayant pu entrer, sont restés faire la fête sur le trottoir, à portée d’oreille des riffs limpides et gras de Mike Ness et Dennis Danel, forcent l’entrée de la salle en rigolant très fort. On pousse les murs, on continue de se grimper les uns sur les autres, show must go on.

Charismatique à défaut d’être sympathique, Ness, alias « Mommy’s Little Monster », a purement et simplement atomisé l’Underworld, avec sa bande de salopards, « Cold Feelings », « Ball and Chains et le mythique « Ring of Fire » de Johnny Cash en guise d’apothéose. 1 heure de show, 20 minutes de rappel : des souvenirs pour une vie.

Blogger : Naiko J. Franklin
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Naiko J. Franklin
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1 commentaire

User
Karl Libus
le 10 oct. 2014 à 15:16
Une bien bonne lecture agrémentée de bien belles photos...<br />
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