« Gore » est donc le huitième album des DEFTONES. Le groupe, qui fut un des fondateurs de la vague nu metal en même temps que KORN et bien avant SLIPKNOT, aime prendre son temps entre chaque disque et arrive toujours à surprendre grâce à la variété de ses influences.
En fait, DEFTONES construit ses chansons d'une manière tellement géniale qu'il réussit à faire cohabiter des éléments a priori incompatibles. Prenons l'éthéré "Prayers/Triangle" qui ouvre "Gore", par exemple. On y trouve des éléments de post-rock, de new wave... Et là, derrière, très discrète, une guitare qui assène un pur riff de heavy metal. La voix de Chino Moreno réussit à donner à l'ensemble une cohésion sans failles. Parce que, oui, DEFTONES possède l'un des meilleurs guitaristes du genre, mais surtout, DEFTONES compte dans ses rangs Chino Moreno, un véritable chanteur tout terrain. Sans avoir le côté crooner de Mike Patton (FAITH NO MORE), Chino excelle dans les parties mélodiques, assène des hurlements déchirants à bon escient et peut passer en quelques instants du velours le plus tendre au metal le plus tranchant.
Alors, la question qui se pose pour cette chronique est de savoir si cet album est bon. Si "bon" veut dire violent, style pilonnage de scuds sur les restes fumants de Bagdad : non. Cet album ne devrait presque pas avoir sa place dans un magazine metal tant il fait dans l'intimiste, dans l'atmosphérique, dans la délicatesse... Avec des grosses guitares par moment. Le rythme est souvent lourd, très lourd et lent. On n'est pas loin des tempos du doom ou du sludge parfois, sans toutefois se situer dans ces styles.
Plus d'une fois, j'ai pensé à Björk... Bizarre me direz-vous, et pourtant sur "Hearts/Wire" ou encore sur "Gore", la mélodie traînante et lancinante pourrait sans problème être interprétée par la chanteuse islandaise.
DEFTONES n'est plus vraiment un groupe metal, mais l'a-t-il jamais été ? Peut-être même cette étiquette lui aura-t-elle retiré l'accès à un succès plus grand public ? Difficile de se prononcer.
Nous avons ici un album de rock alternatif, avec des incursions de riffs heavy metal ça et là. Un album excellemment écrit, complexe, avec peu de mélodies immédiates. Et franchement, rien que pour ça, j'ai envie de le recommander. Parce que c'est un ouvrage qui demande des écoutes répétées, vous offre à chaque écoute un nouvel aspect, un visage méconnu. DEFTONES rejoint pour moi ces nombreux groupes qu'on peut situer à la périphérie du metal pour leur énergie et la qualité de leur écriture : MUSE, FAITH NO MORE, ALICE IN CHAINS ou LINKIN PARK... Certes, ça ne fera pas l'unanimité, mais je suis de ceux qui prônent et pratiquent l'ouverture musicale.
Un disque pas évident, un peu difficile pour le profane, mais définitivement indispensable pour le mélomane.
