Véritable cri du coeur, parfois, ou simple exercice de style aux allures de revue des effectifs, souvent, la compilation reste un bon moyen pour découvrir jeunes pousses prometteuses ou futurs blockbusters à prix d'ami ! Et même si ce critère est souvent mis en avant par les labels pour en faire leur promotion, certaines d'entre-elles échappent à la règle, se drapant dans une diversité artistique du meilleur effet. Au diable l'avarice !
Qui se souvient d’ailleurs du concassage d'esgourdes en règle opéré sur les deux volets de « Masters Of Brutality », sorte de Who's who de la scène death du début des 90 ? Ou du sashimi de tympans résultant de l’écoute d’un « Grindcrusher » qui conviait à la noce les groupes les plus teigneux du moment ? A moins que le légendaire « Gods Of Grind », qui faisait quand même cohabiter CARCASS et CONFESSOR sur un même disque, ne titille cette fibre nostalgique ? Oui, je sais, et les « Death Is Just The Beginning » dans tout ça mon brave ? Hein c'est de la gnognotte ? Non. Définitivement non.
Bref, trêve de ressasseries et embarquons sans plus tarder dans la DeLorean, à l’époque où les SK Gueguano, Lavanne, Phil Pestilence et Bourgade (RIP) faisaient régner la terreur dans les colonnes des magazines metal, pour découvrir ce « Thrash & Speed » dont la ligne directrice est brillamment résumée dans son titre. Sa genèse est plutôt surprenante puisque celle-ci est issue du cerveau gauche des tenanciers de Diamond Records, division du géant néerlandais Arcade spécialisée dans le best-of tout terrain de Demis Roussos à Bonnie Tyler en passant par NAZARETH. Ne vous étouffez pas à lecture de ces noms (NAZARETH non mais !) parce que l’on tient ici entre les mimines un mètre-étalon en matière de compil’ qui fleure bon la belle époque !
Au menu donc de ce gros pavé de quinze titres affichant une heure et quart au compteur, tout ce qui se fait de mieux en matière de thrash au sens large, quelques incursions speed et embardées death pour les sensations voire un soupçon de doom pour une pause à mi-parcours. Formations reconnues comme groupes en devenir, le track-listing fait la part belle au made in France puisque l'étendard bleu blanc rouge flotte sur un bon tiers de la compil, comme en témoigne le casting à bomber le torse. Cocorico !
Résumons. Petite mise en bouche avec HOAX qui ouvre les hostilités avec son thrash particulièrement pêchu, émaillé de solos incisifs, un vrai régal pour yaourter sous la douche à fond les ballons ! "Give them an eye for an eye ! Right now !". Dans le rayon plus frontal qui tâche, PSYCHOSE se pose là sans crier gare, les cinq Rhônalpins n'auront laissé qu'un album à la postérité mais qu'importe, "Apartheid" tape vite et juste... et c'est exactement ce qu'on lui demande ! ADX se joint à cette sarabande tricolore même si la bande à Pascal fait plus dans le heavy/speed mais là encore, pas de faute de goût à déplorer, ça remonte les bretelles comme il se doit ! D'autant que depuis 1982 les bougres ne rechignent jamais à la tâche, oui, l'abnégation est ici érigée en art de vivre pour cette formation maxipontaine toujours en activité : respect messieurs !
Quant à ANOXIE, son heavy burné fait le boulot, même si le chant franchouillard et une production moins gaulée ne servent pas toujours ses ambitions, il reste cependant suffisamment percutant pour garantir son lot de frissons à l'amateur de bon son.
Pour finir sur une note plus velue, que diriez-vous d'une petite escapade par la Floride aux cultissimes Morrisound Studios, avec ce que beaucoup considèrent comme deux de nos plus belles offrandes au dieu du death hexagonal ? Oui, « Disincarnate » de LOUDBLAST et « Contamination rises » de NO RETURN portent la marque d'une époque, d’un son, d’une attitude : ils sont death metal jusqu'au bout des ongles incarnés ! Et les deux missiles proposés ici en sont le plus bel exemple, façonnés dans un style sommes toutes classique mais ô combien jouissif ! Des classiques qui franchissent les couloirs du temps avec autant de classe qu'un Jacquouille sous potion magique : Okaaaay !
La partie internationale est elle aussi à la hauteur du programme, que ce soit pour la partie thrash pur et dur où les expérimentés ANNIHILATOR et DARK ANGEL font le job avec classe, il faut dire qu'avec deux morceaux issus de leur plus beau millésime, il eut été cavalier d'imaginer la débandade ! Quant au versant moins direct et plus expérimental, il signe lui aussi un sans-faute avec un doublé CORONER / XENTRIX magistral. Quel dommage que ces derniers n'aient jamais bénéficié de moyens promotionnels à la hauteur de leurs ambitions tant leur metal mélodique et atypique tutoie d'aussi près l'excellence. Cela vaut également pour le trio Suisse, qui n'a jamais bénéficié de la reconnaissance à laquelle il aurait pu prétendre. Triste mais vrai, les voies du public sont impénétrables. Cela n'est pas le cas pour la tribe de SEPULTURA qui avec « Arise », dont est tiré le "Desperate Cry" proposé ici, assoit son emprise sur le petit monde du thrash/death. Le groupe est alors en route pour la consécration, disques d’or en vue et portes du Billboard grandes ouvertes : roulez jeunesse !
Au rayon des titres moins conventionnels, on retiendra le sautillant "The Widdershins Jig" de SKYCLAD, précurseur du mouvement folk-metal qui explosera bien des années plus tard. Un morceau à l'énergie irrésistible, avec son intro à la basse et ses refrains à siffler pinte sur pinte : un vrai bonheur je vous dis ! Dans un autre registre, lui aussi à la pointe de ce que l'on nommait "fusion" parce qu’il fallait quand même le faire rentrer dans une case, MORDRED lâche un sublime "Falling away" lesté de scratches et de parties groove à en perdre la tête, et que dire de ce solo à tomber par terre qui jaillit à mi-parcours tel un geyser furibard ? A n'en point douter, l'ombre de FAITH NO MORE plane ici, même si MORDRED est foncièrement plus thrash dans son approche rythmique. Encore un groupe injustement boudé par le public, à croire que c'est une marque de fabrique pour certains groupes proposés sur cette compilation. Mais point de conclusion hâtive, il reste encore CANDLEMASS et son emblématique "Solitude", la malédiction est donc rompue puisque l'on tient ici un poids lourd du doom qui vient mettre son grain de sel dans le track-listing. Vocalises haut perchées, riffs monolithiques, émotions à fleur de peau, quand la vitesse est laissée sur le bas-côté au profit de la lenteur, celle qui écrase avec classe et sans faillir, on se laisse happer. Simplement magnifique.
Gardons le meilleur pour la fin, la cerise sur la Forêt Noire : les teutons de LEMMING PROJECT. Encore un combo injustement passé sous silence, tiens donc, dans la déferlante death metal du début des années 90. Le quintet balance ici le moment fort de son premier album « Extinction », un pavé de death/doom qui concasse vos pauvres conduits auditifs avec la grâce d'un lanceur de marteau Ouzbek. Sept minutes cataclysmiques aux allures de descente dans d'insondables abysses, tour à tour oppressantes puis salvatrices, où les embardées de la section rythmique ne laisseront aucune chance aux moins aguerris. Vingt-cinq ans plus tard, la mornifle n'en est que plus impressionnante. Aïe.
Voilà, vous savez presque tout sur ce tour de force qui propose un panorama riche et varié du monde merveilleux du thrash au sens large, il y en a ici pour tous les goûts. Doux, dur, salé, sucré, un vrai repas de communiant, le tout disponible pour une poignée d'euros sur Discogs !
Vous savez ce qui vous reste à faire maintenant...