Alors qu'il tente timidement d'approcher des territoires musicaux qui ne lui étaient pas familiers (les signatures récentes de THE ALBUM LEAF, MYRKUR ou SURVIVE), le label Relapse Records compte encore dans ses rangs quelques fieffés fêlés et fiers de l'être qui restent à l'écart de toute mode, tapis dans leur tanière à l'abri des spotlights. ZOMBI, DAN CABALLERO, GENGHIS TRON (dont on attend toujours un hypothétique come-back) LOCRIAN ou HORSEBACK en sont de parfaites illustrations, portant haut et fort la marque de fabrique décalée de la vénérable institution pennsylvanienne.
Et une fois de plus, le one-mand band de Caroline du Nord HORSEBACK ne fait pas défaut à cette philosophie, près de deux ans après avoir sorti un « Apocrypha Piedmont » moins tordu et obscur que ses prédécesseurs, en proposant aujourd'hui un sixième album qui s'en veut le digne représentant. Que l'on ne s'y méprenne pas, HORSEBACK ne ramollit pas du poignet sur cette nouvelle mouture, bien au contraire, jamais les percussions n'y ont tenu un rôle aussi important. Cela n'empêche pas ce bougre de Jenks Miller de faire toujours preuve d'une créativité bluffante (ce "Lion Killer" hypnotique, aux allures de rituel shamanique ou "The Cord Itself" et ses cinq minutes obsédantes gorgées de nappes de claviers féériques), il choisit cependant ici de lever la pédale sur le côté drone de la force. La distorsion y prend des allures plus discrètes, laissant la place aux rythmiques plus feutrées et aux envolées de guitares mélancoliques. Adieu aussi aux vocalises passées au papier de verre, ici seules ont droit de cité des lignes de chants épurées, intimistes.
Tout cela fleure bon le post-punk tout comme le rock prog' un brin psychédélique, ça touche à tout sans en avoir l'air mais au final, le résultat reste cohérent malgré une durée qui chatouille quand même l’heure de vol. Pas de panique cependant tant ces cinquante-sept minutes s’avèrent délicieuses, élevant l'esprit éclairé dans de sereines contrées au ciel bleuté invitant au rêve lucide. Nicolas Hulot, sors de ce corps !
Le long et classieux final "Descended From The Crown" illustre d'ailleurs mieux que quiconque cette sorte de nonchalance mêlée de nostalgie qui évoque les premiers efforts de GRAVENHURST ou dans ses moments les plus insondables la force tranquille d'un EARTH moins évasif. Un peu de ça, oui, mais tellement plus encore, ces dix-sept minutes où le temps s'étire prennent des allures de voyage introspectif. On s'y trouve perdu quelque part entre guitares discrètes, rythmiques effacées et bidouillages électro éthérés, le tout se savourant comme un plaisir esthétique narré par la voix délicate de son mentor, définitivement apaisé. Et qui propose ici son album le plus lumineux, écrit, enregistré et produit en autarcie dans son antre de Chapel Hill.
Une escapade salvatrice en ces temps troublés...