2 septembre 2016, 13:51

INTER ARMA

"Paradise Gallows"

Blogger : Clément
par Clément
Album : Paradise Gallows

Avec une première partie fraîchement décrochée sur la tournée américaine de CARCASS et DEAFHEAVEN, il y a fort à parier que le quintet de Richmond s'ouvre les portes d'une reconnaissance, tout du moins d'une exposition, plus large que celle où il était confiné jusqu'alors. Pourtant ses deux premiers albums, « Sundown » et surtout l'épique « Sky Burial » avait révélé aux masses un groupe qui n'a pas froid aux mirettes, capable d'unir dans une sauvage maestria ce qui se fait de mieux en matière de metal extrême. Appelez cela comme vous voulez, "Blackened Sludge" semblant être ce qui s'en approche le plus, les faits sont là, INTER ARMA excelle dans le mélange des genres. Mais la concurrence s'est intensifiée ces deux dernières années, le style étant porté en étendard par un paquet de formations aux dents longues et il faut désormais faire preuve d'initiatives pour espérer sortir du lot.

Et sur ce point, INTER ARMA ne manque pas d'arguments. Côté visuel, cela commence par un artwork somptueux signé Orion Landau, responsable du design de nombre de ses collègues de label, de BLACK TUSK à CEPHALIC CARNAGE en passant par MINSK ou REVOCATION. Sacré tableau de chasse. Côté son, le frisson se fait à peine attendre avec une intro mélodique aux leads larmoyants qui installe une ambiance fascinante sur laquelle vient se greffer sans crier gare le double coup de boule qui laisse K.O. debout. Tout d'abord, "Archer In Emptiness", une mise en bouche cataclysmique, vicieuse et rampante comme le chaos qu'elle distille dans chacune de ses attaques maléfiques empreintes de death et de doom, la tension s'installe... le malaise aussi. Celui-la même qui plante définitivement ses griffes sur "Transfiguration", une montagne russe de neuf minutes aux rythmiques vertigineuses dans laquelle on embarque avec le coeur qui s'emballe, persuadé que l'on va vivre là une expérience que l'on s'empressera de raconter, haletant encore sous le coup de l'émotion, à ceux et celles qui sont restés en bas. Et Mike Paparo de déclamer en prophète maudit : "Man has transfigured Earth, now we must transfigure ourselves". Oui, se réinventer, se dépasser, voilà ce qu'est bien décidé à faire INTER ARMA sur cet album.

A peine remis de cette déflagration qu'il faut déjà se préparer à encaisser un "Primordial Wound" monolithique, tombant comme un bloc de béton sur nos pauvres esgourdes déjà endolories par deux coups de semonce meurtriers. Les riffs sont puissants, acérés, la batterie se révèle teigneuse, presque tribale. L'ombre des premiers NEUROSIS et RED HARVEST plane ici, la gorge est nouée, les tripes gisent à l'air. Le type de climax idéal pour savourer ensuite ce "Summer Drones" qui calme le jeu et ralentit le tempo, avec ses ambiances en apparence presque paisibles mais c'est pour mieux frapper sans sommation dès que les vocalises viriles viennent reprendre leurs droits. Un  morceau de bravoure subtil et maîtrisé, tout en nuances, qui fait place au magnifique instrumental "Potomac", qui vous tirera une larmiche à coup sûr avec ses harmonies de toute beauté.

Juste ce qu'il faut pour se mettre en condition avant l'assaut final. A ma gauche, "The Paradise Gallows", d'une lourdeur à faire pâlir n'importe quel expert doom, un véritable tour de force de plus de onze minutes où une nouvelle fois le fantôme de NEUROSIS plane tout du long, que ce soit dans sa structure progressive ou ses ambiances presque rituelles et libératrices. Un assaut d'une beauté vénéneuse, impénétrable, où Mike Paparo se plaît à ruminer un "Laughing all the way to my grave" lourd de sens. C'est ici déclamé avec une telle force que l'on aurait presque envie de le croire. A ma droite, "Violent Constellations" repart pleine balle avec sa batterie déchaînée qui augure d'une tempête, de celles, destructrices et vengeresses dont William Turner aurait pu s'inspirer sur son célèbre "Naufrage". Un aller simple pour les portes de l'enfer noyé dans un metal visqueux et dissonant qui réclame tripes, coeur et entrailles pour nourrir le feu divin allumé en l'honneur de l'ogre Baal. Affûtez les couteaux et réjouissez-vous : la fin est proche. A moins qu'il ne soit déjà trop tard... mais non. Le finisher de toute beauté, "Where The Earth Meets The Sky", aux vocalises suaves et à l'ambiance de fin de règne, se charge de clore dignement cette heure dix de roadtrip dans un univers riche en mystères et en rebondissements.

«Paradise Gallows » est un vrai labyrinthe truffé d'indices retors, de fausses pistes et de frénésies rythmiques. Un puzzle à l'apparente simplicité mais aux structures travaillées dont le but avoué est de happer l'auditeur dans son cosmos. Un cosmos aux allures de trou noir, mis en relief par une imposante production réalisée par un inconnu aux doigts de fées, Mikey Allred, qui sculpte ici pour le quintet un son organique, profond et dense. Où chaque coup de baguette infligée sur les peaux résonne comme une claque, sourde et punitive. Où les guitares, acérées et tournoyantes, renvoient en permanence d'inquiétants échos à une basse dantesque. 

Grandiose, tout simplement.

Blogger : Clément
Au sujet de l'auteur
Clément
Clément a connu sa révélation métallique lors d'un voyage de classe en Allemagne, quelque part en 1992, avec un magazine HARD FORCE dans une main et son walkman hurlant "Fear of the Dark" dans l'autre. Depuis, pas une journée ne se passe sans qu'une guitare plus ou moins saturée ne vienne réjouir ses esgourdes ! Etant par ailleurs peu doué pour la maîtrise d'un instrument, c'est vers l'écriture qu'il s'est tourné un peu plus tard en créant avec deux compères un premier fanzine, "Depths of Decadence" et ensuite en collaborant pendant une dizaine d'années à Decibels Storm, puis VS-Webzine. Depuis 2016, c'est sur HARD FORCE qu'il "sévit" où il brise les oreilles de la rédaction avec la rubrique "Labels et les Bêtes"... entre autres !
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