Je ne sais pas ce qui se trame chez Relapse depuis quelques temps mais j’ai bien l’impression que le directeur artistique du label se fait un devoir d’ouvrir le champs des possibles au-delà du cercle restreint du metal extrême. Les exemples ne manquent pas, que ce soit le post-black mièvre et éthéré du one woman band danois de MYRKUR, l’electro retro déjanté de SURVIVE ou le heavy à l’ancienne typé années 70 de SUMERLANDS, tous cohabitent avec ces monstres que sont DYING FETUS, AGORAPHOBIC NOSEBLEED, DEVOURMENT, EXHUMED et bien d’autres formations du même acabit. Mais, avec cette signature récente de THE ALBUM LEAF, Relapse frappe un grand coup là où personne ne l’attendait puisque le quatuor américain emmené par Jimmy Lavalle officie dans une sorte d’electro/pop intimiste qui lorgne aussi sur le post-rock à ses heures perdues. Bien loin des turpitudes gore et autres diatribes revanchardes habituellement vociférées par certains des poulains les plus acariâtres du label de Pennsylvanie. Un changement de crémerie qui importe peu finalement puisqu’une nouvelle fois THE ALBUM LEAF fait le job. Et le fait bien. Un peu à la manière de ses camarades Nord-Caroliniens d'HORSEBACK sur leur dernier méfait, « Dead ringers », THE ALBUM LEAF se fout des conventions. Il a bien raison, tiens.
Sur ce sixième album, distant de près de six ans du dernier en date (le superbe « A Chorus Of Storytellers » sorti chez le mythique Sub Pop), la bande à Jimmy la joue toute en retenue sur ce « Between Waves » curieux et intrigant. Avec en toile de fond, un travail toujours remarquable sur l’utilisation mélancolique du piano, sur les ambiance feutrées délivrées par une section rythmique d’une clarté presque cristalline et toujours et encore cette voix. Sorte de mélopée faussement doucerette qui révèle en son for intérieur une sensibilité amère, à fleur de peau. Le tout forme ici de véritables "vagues", comme l’indique un titre fort à propos, des vagues qui emmènent l’auditeur loin, très loin. Que ce soit sur ce "False Dawn" d’ouverture, admirable de simplicité et bourré d’émotions ou sur un "Lost In The Fog" mystérieux et presqu’abstrait dans ses errances électroniques, la patte Lavalle reste omniprésente à chaque instant.
Ambiances façonnées avec délicatesse, enchevêtrements électro couplés aux sorties de guitares acoustique pertinentes, le quatuor de San Diego délivre une nouvelle fois une lecture presque cinématographique de son œuvre où de grands espaces apaisés côtoient des collines verdoyantes, où le silence dispute sa place aux incantations de la nature. D’ailleurs, les aspects délicieusement retro et minimalistes de "Glimmering Lights" le prouvent sans retenue, tout comme les mélodies lumineuses de "Back To The Start", THE ALBUM LEAF, c’est la liberté, l’absence de frontières.
Ce « Between Waves » est une vision délicate et raffinée de quatre esthètes, une nouvelle fois bien inspirés…
