2 novembre 2019, 17:30

LES ACTEURS DE L'OMBRE

• NUMEN / MAIEUTISTE / MUR / ASPHODELE

Blogger : Clément
par Clément


Après un printemps ensoleillé au cours duquel le label nantais nous a régalé de collaborations aux petits oignons, (à lire ici), voici venu le temps des escapades automnales qui s'accompagne de quatre nouveautés fort recommandables, toutes sorties ces dernières semaines. Cette fois-ci ce sont NUMEN, MAIEUTISTE, MUR et ASPHODELE qui s'y collent, chacun proposant chacun une vision très personnelle du black metal, emplie de fougue et de démesure. D’ailleurs, à l’évocation du mot « black metal », l’on réalise que le terme est bien trop restreint pour y cataloguer les groupes signés chez Les Acteurs de l’Ombre, habitués aux dérapages contrôlés hors des limites imposées par le style, qui en ont d’ailleurs fait leur marque de fabrique. Gage de cet esprit frondeur et aventurier, le label est de retour aux premiers plans avec quatre formations gonflées à bloc….
 

NUMEN : « Iluntasuna Besarkatu Nuen Betiko »

Certainement le groupe le plus "traditionnel" de cette brochette, le clan basque NUMEN est spécialiste d’un black d’obédience nordique qui fleure bon les IMMORTAL et SATYRICON du milieu des années 90 : du blast à foison, des rythmiques guerrières, quelques mid-tempos pour aérer le tout couplés à des embardées folk du meilleur effet.
Classiques dans leurs approches, des morceaux comme "Lautada Izoztuetan", "Pairamena" ou "Behin Hilko Naiz" font mouche à chaque écoute, piqués de tremolos et d’accélérations du meilleur effet. C’est cependant lorsque le sextet se risque à expérimenter une approche moins frontale comme sur la deuxième partie de "Nire Arnasean Biziko Da Gaua" ou le magnifique acoustique de clôture "Itzaltzuko Bardoari" qu’il montre son visage le plus séduisant.
Une diversité bienvenue au sein des quarante-six minutes compactes de « Iluntasuna Besarkatu Nuen Betiko » qui peuvent laisser un sentiment d’abattage ininterrompu pouvant rebuter les moins téméraires lors des premières écoutes. Il faut dire que le batteur est plutôt du genre intraitable avec sa double pédale et que la section rythmique va droit au but.

Clair, net et précis donc, ce quatrième album, paru douze ans après le dernier en date, reste malgré tout dans la continuité de la musique que le groupe a proposé jusqu’alors : sauvage, épique, fièrement dressée comme le pic d’Ohry toisant les montagnes environnantes. Du black metal d’altitude !



MAIEUTISTE : « Veritas »

Le premier effort de ces Stéphanois, paru il y a déjà quatre ans, avait fait forte impression lors de sa sortie : atypique, dissonant et chaotique, le bougre avait su faire preuve d’un sacré doigté pour éviter le piège du fourre-tout indigeste.
Influences jazz, ambiances occultes, parties aériennes, plombées doom et embardées pagan conféraient à son black metal d’un autre monde des saveurs inconnues qui ont ravi plus d’une paire d’oreilles. C’est à peu près le même cadre qui permettra une nouvelle fois ici d’apprécier ce « Veritas » à sa juste valeur, avec six morceaux bien troussés qui font toujours la part belle aux dissonances et aux mélodies extraterrestres.
Et le tour de force réalisé par le quatuor est de conserver une homogénéité surprenante de la première à la dernière seconde avec des structures rythmiques complexes qui font merveille aux côtés de breaks impromptus. Un puzzle en apparence insoluble mais qui s'avère pourtant évident au fil des écoutes tant celui-ci distille ses surprises avec parcimonie.

Chaque écoute révèle de nouveaux détails ("Vocat" est à ce titre une petite merveille) mis en relief par une production claire et équilibrée, qui font de « Veritas » un trésor de créativité qui se joue de toutes les étiquettes, death, black, prog, doom pour accoucher d'un monstre metallique protéiforme et attachant.



​MUR : « Brutalism »

Surprenant. C’est le premier mot qui m’est venu à l’écoute du premier album de MUR. Des maçons fort aguerris issus de formations reconnues (d’anciens membres de TODAY IS THE DAY, MASS HYSTERIA, GLORIOR BELLI et COMITY rôdent dans les parages) qui livrent ici une collection de brûlots hardcore-punk que l’on aurait plus volontiers imaginé sortie de l’antre d’un label comme Throatruiner.
Véritable OVNI au sein des formations hébergées par Les Acteurs de l’Ombre, MUR ouvre les hostilités avec un "Sound Of a Dead Skin" à la section rythmique frondeuse et entêtante, généreusement arrosée de parties de batterie bûcheronnesques.
Les tripes sont vomies avec hargne, la bile coule, les émotions à fleur de peau et en moins de cinq minutes, MUR balance toute sa science de la sauvagerie contrôlée. Mais derrière ses aspects bourrus de prime abord, cet album livre ses secrets au fil d'écoutes attentionnées : une mélodie insidieuse qui s'étale toutes en nuances ici, quelques mid-tempos disséminés là pour calmer le jeu et le tour est joué.

Enfin, le tour est joué c'est vite dit puisque les onze morceaux proposés ici forment un kaléidoscope de sensations qui font de « Brutalism » une oeuvre complexe et délicate à assimiler. On vous aura prévenu !
 


ASPHODELE : « Jours Pâles »

Fruit de la rencontre entre Spellbound (AORLHAC) et Audrey S. (AMESOEURS), ce premier album va lui aussi en surprendre plus d’un ! Et peut-être rappeler des souvenirs à ceux qui ont connu FORBIDDEN SITE, cultissime formation grenobloise qui oeuvrait à la fin des années 90 dans un black gothique et théâtral aux déclamations et vocalises emplies d’une insaisissable mélancolie.
Ce parallèle, évoqué par Gérald Milani (patron du label), est juste même si ASPHODELE se détache du modèle historique par une approche post-punk, presque new wave par moment qui le rapprocherait plus, par exemple, de ses compères de VARSOVIE.
Pas vraiment un hasard puisque les fondateurs de ce groupe, Grégory Catherina et Arnault Destal, sont passés dans les rangs de… FORBIDDEN SITE : la boucle est ainsi bouclée.
Pour en revenir à ASPHODELE, le duo s’est vu prêter main forte en studio avec l’arrivée de Stefan et Sébastien (membres actuels d’AU CHAMPS DES MORTS) préposés à la guitare et batterie ainsi que Christian Larsson (SHNING, GLOSON) à la basse. Et le résultat de cette association est probant : mélodies entêtantes, refrains enivrants, guitares à vif, batterie pecutante et basse pêchue, la recette est bien connue mais elle tape en plein dans le mille.

L’on sent que le groupe ainsi constitué a pris le temps d'affiner cette fameuse recette pour proposer des atmosphères glaciales et prenantes. Des atmosphères qui font de « Jours Pâles » un disque idéal en ces temps de Toussaint…


Blogger : Clément
Au sujet de l'auteur
Clément
Clément a connu sa révélation métallique lors d'un voyage de classe en Allemagne, quelque part en 1992, avec un magazine HARD FORCE dans une main et son walkman hurlant "Fear of the Dark" dans l'autre. Depuis, pas une journée ne se passe sans qu'une guitare plus ou moins saturée ne vienne réjouir ses esgourdes ! Etant par ailleurs peu doué pour la maîtrise d'un instrument, c'est vers l'écriture qu'il s'est tourné un peu plus tard en créant avec deux compères un premier fanzine, "Depths of Decadence" et ensuite en collaborant pendant une dizaine d'années à Decibels Storm, puis VS-Webzine. Depuis 2016, c'est sur HARD FORCE qu'il "sévit" où il brise les oreilles de la rédaction avec la rubrique "Labels et les Bêtes"... entre autres !
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