11 avril 2020, 13:00

MUTHA'S DAY OUT

• "My Soul Is Wet" [1993 Retro-Chronique]

Album : My Soul Is Wet

Avec le confinement une chape de plomb s’est abattue sur le monde en général, et celui de la musique n’est pas épargné. Quelques sorties d’albums sont repoussées, les concerts annulés. J’en profite pour monter dans ma De Lorean et repartir vers le passé à la recherche d’un son à même d’égayer nos journées moroses. Une chronique que j’avais reléguée un peu trop longtemps. Au moins 15 ans que j’en parle. L’histoire d’un groupe et d’un album que je souhaite vous faire découvrir. Suivez-moi jusqu’en 1993. Mettez une chemise ample et coiffez-vous avec un pétard. Voici MUTHA'S DAY OUT et « My Soul Is Wet ». 
MUTHA'S DAY OUT c’était 5 gamins énervés, entre 16 et 21 ans, très influencés par la scène fusion. Ils choisirent d’ailleurs d’avoir trois chanteurs, Mikal Moore, Randy Cros et Brice Stephens. A la façon des BEASTIE BOYS. Pour dégager l’énergie metal nécessaire ils s’allient à Lance Branstetter (guitare) et Jeff Morgan (basse). Juste avant l’enregistrement de leur premier (et hélas unique) album, Lance est remplacé par Chuck Schaaf à la guitare. Quant à Randy il décide de quitter l’aventure. Reste donc 2 vocalistes.

Mais sommes-nous là pour un cours d’histoire ?  « On veut du son qui arrache » clament les zozios du fond de l’amphi… ok, alors j’envoie "Locked". Le riff est minimaliste mais efficace. Il y a du groove bien infecté dans la basse. Si les couplets sont rappés, le refrain monte haut vers un chant hurlé (qui a dit screamo ? dehors !). Une bonne variation du rythme nous scotche façon papillon sur une lampe 4000 watts.  La sauce prend magnifiquement bien mon cher Jean-Pierre !
On reste dans la fascination avec "My Soul Is Wet". De l’émotion contenue, un spirit très teen. Lors du refrain ça s’emballe, l’énervement gagne humain et instrument. Instruments qui deviennent humains, et vice et versa. Une boule d’énergie nirvanesque ce morceau. Puis tu enchaînes sur "Green". Bifurcation radicale vers un style moins frontal, avec une guitare chatouillée à la RED HOT CHILI VENER, très vite ça s’encanaille vers le riff bien rageux. La voix oscille, entre mélancolie et colère. Du metal o-rageux dans le ciel de l’Arkansas, comme un soir shooté au spleen.

« I could not see where my words all wrong
was my sight so blind »

Cet album est l’écho d’une époque. Une ère de grande richesse musicale dans le metal. DOG EAT DOG, SUGAR RAY, BODY COUNT, BEASTIE BOYS et autres FAITH NO MORE. Voilà ce que je ressentais en 1993 quand j’écoutais MUTHA'S DAY OUT !
12 titres. Tous ont leur âme propre, tout en partageant un esprit metal enragé. "What U See/Wee All Bleed Red" est un morceau monumental, qui tel Janus offre 2 faces. La 1ère partie hurle, se débat et g-riffe avec la grâce d’un PANTERA et des déclamations rap dotées d’une rapidité pompée chez Lucky Luke. Après un intermède composé d’un chant rayé redneck, les guitares hurlantes nous giclent en pleine figure un deuxième round, un peu plus groovy et rapcore, mais toujours puissant, où les voix de nos jouvenceaux portent loin le vent de la colère. Je pense que si vous avez la flemme de lire ma chronique, malgré le temps que vous offre le confinement, prenez 5min56 et écoutez juste ce titre.

Je mentionnais l’Arkansas et les touches redneck, en réécoutant 27 ans après ce skeud (celui d’origine, je ne m’en suis jamais séparé), je prends conscience que cela a son importance. En écoutant "Dry Water", ou "Get A Clue" on sent une atmosphère de cambrousse oubliée. On est bien loin de la fusion californienne. Ces riffs torturés et cradingues, cette batterie martelée, ces textes sombres... de l’Arkansas d’où est originaire MUTHA'S DAY OUT, il n’y a qu’un pas à franchir pour se retrouver en Iowa et cacher ses cicatrices derrière un masque grimaçant (sic !).

Mais l'aventure sera de courte durée. Mikal quitte le groupe en septembre 1994 ce qui va précipiter son split, aucun des autres membres n'ayant vraiment envie de continuer. Du coup, c'est Mikal qui va garder les droits du nom MUTHA'S DAY OUT. Une reconnaissance posthume aurait pu avoir lieu, avec l’apparition un an plus tard du titre "What U See" dans la B.O. du film Mortal Kombat. Mais cela ne relancera pas la carrière de ce groupe qui est le chaînon manquant entre grunge et fusion (écoutez le très curieux "Blank Page", on croirait entendre Flea faisant danser Eddie Vedder), ainsi que le lien avec le metal moderne.

Une écoute poussée devrait vous faire percevoir plus que de la fusion. Il y a une patte nouvelle, dans ce mélange des genres. Ce metal alternatif, composé de voix duales et de breaks, verse dans quelque chose de neo... SYSTEM OF A DOWN, LIMP BIZKIT, LINKIN PARK, DEFTONES et PAPA ROACH, parmi les plus célèbres, se pointeront une poignée d’années après, et fracasseront la baraque avec un son très proche de ce qu’a expérimenté MUTHA'S DAY OUT. Notamment ces breaks retenant, tels des barrages fragiles, des déferlements d’énergie, ainsi que l'affrontement de voix antinomiques. Le succès aura tenu à peu de choses, juste à quelques années. En 1993 nous devions être encore trop demandeurs de chemises à carreaux et de sons grungy, et pas assez affamés pour du metal complétement mis à nu(-metal).

MUTHA'S DAY OUT avec « My Soul Is Wet », son unique album, est passé complètement inaperçu, hormis en France (une fois n’est pas coutume). Le passage du groupe à l’Arapaho à Paris le 12 mai 1994 a été un grand moment. Ils sont sortis de nos esprits par la porte de service sur un prophétique "Memories Fade", morceau tout en langueur, un au-revoir hard rock old-school.
MUTHA'S DAY OUT, où la (brève) histoire du plus grand groupe inconnu des 90's.

Blogger : Christophe Scottez
Au sujet de l'auteur
Christophe Scottez
Chris est ethnologue à ses heures perdues, vétéran des pogo joyeux en maillots de core. Un explorateur curieux, grand amateur de riffs et de chants sauvages. Il a grandi dans les glorieuses années 80, bercé par les morceaux canoniques d’ACCEPT, SCORPIONS, MOTLEY CRUE et autres GUNS N ROSES. Traumatisé par le divorce entre Max Cavalera et son groupe, ainsi que par un album des Mets un peu «chargé» en n’importe quoi, Chris a tourné 10 ans le dos au hard rock. Puis, un jour, il a par hasard découvert qu’une multitude de nouveaux groupes avait envahi la scène … ces nouveaux sauvages offraient des sons intéressants, chargés en énergie. Désireux de partager l’émo-tion de ce style de metal sans la prétention à s’ériger en gardien d’un quelconque dogme, il aime à parler de styles de metal dit classiques, mais aussi de metalcore et de néo-metal. Des styles souvent décriés pour leurs looks de minets, alors que l’importance d’un album est d’abord le plaisir sonore que l’on peut en tirer, la différence est la richesse du goût. Mais surtout, peut-on se moquer de rebelles coquets alors que les pères fondateurs du metal enfilaient des leggins rose bonbon et pouponnaient leurs choucroutes peroxydées ?
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1 commentaire

User
omega_21
le 12 avr. 2020 à 09:11
Effectivement ce skeud est passé plutôt inaperçus à l'époque (même aujourd'hui remarque). Il est temps de pencher une oreille dessus.. Ce n'est pas comme si on avait pas le temps en ce moment !
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