30 septembre 2020, 19:00

POGO CAR CRASH CONTROL

• "Tête Blême"

Album : Tête Blême

Dans un monde normal, avec leurs jolis petits minois, les quatre musiciens de POGO CAR CRASH CONTROL devraient être figurants pour des publicités Kinder. Blonds aux yeux bleus, sourires éclatants, les gendres et belles-filles idéaux, aucun besoin de retouche, peau nickel, limite aryen. On organiserait même les shootings dans leur propre environnement naturel tant le cadre est parfait, casting premium réussi : pavillon à Fontainebleau, journée ensoleillée, papa est chef d’entreprise prospère, maman est une douce mère au foyer attentionnée pour ses enfants qui lui rendent si bien – ils sont premiers de la classe et sont engagés dans des associations caritatives. Toute l’équipe est en place et fin prête pour immortaliser le goûter de 16h – les gros plans de barres de Kinder Pingui en train d’être lascivement rompues ont déjà été tournés en studio, il ne manque plus qu’à immortaliser toutes ces mines réjouies réunies autour du mobilier de jardin pour cet instant de partage.

Sauf que tout ne se passe pas exactement comme prévu. Gâtés par la nature, Olivier, Simon, Louis, et la douce ingénue Lola sont des monstres, vos enfants, nos enfants, ce que nous en avons fait : en guise de fratrie idéale vitrine sur papier glacé, les POGO CAR CRASH CONTROL seraient le crachat verdâtre et solide raclé et soufflé au milieu du plat de maman le soir du réveillon. Ou de son anniversaire, en pleine ménopause. Tout semblait a priori si parfait, mais ils n’ont qu’un seul souhait : le détruire. Ou pire, l’enlaidir, et ramener les choses à leur vraie nature, hideuse, honteuse, monstrueuse, pleins projos, blafards. Des bébés parfaits de la famille royale d’Angleterre, pomponnés et déjà costumés pour les couvertures des Gala et autres catalogues de l’apparat ? Les POGO CAR CRASH CONTROL, eux, exposeraient tous les clichés des bâtards défigurés par la consanguinité et l’inceste.

Et tout ça en musique s’il vous plaît ! J’ai toujours rêvé d’un groupe comme POGO CAR CRASH CONTROL, dont le moteur, fait de bile, de sang et de sueur, n’est autre qu’un postulat d’irrévérence. Dans notre monde parfait, POGO CAR CRASH CONTROL aurait dû prendre en otage les plateaux TV des Drucker et autres lèche-culs figés dans leurs rictus hypocrites et balancer leur purée au vitriole devant des millions de ménagères affolées, terrorisées et pleurantes, pendant qu’un complice saboterait la régie en entrecoupant leur set terroriste avec un montage hystérique de visions de chaînes d’abattage bovin, de vivisection, de films de zombies italiens, de cannibalisme sur obésité morbide tiens, ou encore de scènes de porno hardcore amateur allemand. Plus que le proverbial "poil à gratter", POGO CAR CRASH CONTROL est bien pire : le mauvais goût assumé, le besoin urgent de choquer avec autant d’insolence. Et croyez-moi, si jamais leur entreprise dégueulasse devait sortir des cercles initiés, le monde tremblerait d’effroi et d’indignation – face à lui-même.

On les avait découvert en préparant en amont le programme du Download 2018 – et je n’attendais alors rien d’un énième groupe estampillé punk français... Comment avais-je pu sous-estimer la possibilité qu’une telle entité, aussi effrontée, morveuse et bruyante, puisse voir le jour. Amis metalleux rassurez-vous : si vous trouverez évidemment votre dose de provoc à crête dans « Tête Blême », ce nouvel album attendu, n’imaginez pas qu’ils puissent ne reproduire que le punk bas-du-front et engagé des BERURIERS NOIRS jadis : il y a suffisamment de metal au menu de ce deuxième opus pour satisfaire votre appétit pour les riffs épais, les rythmiques viriles le temps de quelques breaks fugaces, voire même quelques solo étourdissants et tout aussi brefs. Attention, c’est donc produit par l’expert Francis Caste, l’assurance d’un très très gros son – et honnêtement, la première chose qui me vient à l’esprit pour qualifier une telle décharge de violence, c’est une partouze entre SLIPKNOT, LOFOFORA, et GG Allin. La fureur sonique des premiers (beaucoup de titre up-tempo boostés par une énergie colossale), les racines punk-metal urbaines et hybrides des seconds, et cet irrespect presque profanateur et crasse du dernier. Quant à ces hurlements, ils sont proprement terrifiants : en tant que fan absolu de KILLING JOKE, j’y perçois ici les mêmes qu’un Jaz Coleman qui découvrirait des abominations lovecraftiennes au fond de son placard – on croirait l’entendre cracher du sang après avoir avalé des poignées de gravier : dès l’excellent single "Qu’est-ce qui va pas ?", brutal et dédaigneux à souhait, la comparaison est évidente sur ces vagissements aussi caverneux.

Ah ! J’en rie encore quand je me remémore l’autre qui présentait ses BB BRUNES comme l’avenir du rock'n'roll francais, rien de moins en réalité qu’une bande de fils à papa qui faisaient de la pop inoffensive pour snifer de la poudre et se taper des putes comme tous les poseurs des Bains Douches dans les années 80 – mais en mode trajectoire Gibus-The Voice. L’arnaque. La honte. Le punk-rock de bonne famille version Charenton-le-Pont ou La Varenne. Pas vraiment le TRUST de Nanterre en 1978 avec ses terrains vagues et ses casses auto. 

Et POGO CAR CRASH CONTROL n’est rien de tout cela, même si les textes ici signés n’ont rien à envier à la charge poético-prolo de Bernie, la violence gratuite et la vulgarité en sus, pour quelques paroles extraordinaires – j’en retiens tout particulièrement « j’ai fait le tour de la Terre, plus rien ne m’inspire » sur 'L’intérieur de ton Corps", véritable sommet de désenchantement, et « J’te crache ma rancune à la gueule » sur "L’Ego dans les Chiottes", mon doigt d’honneur musical préféré de cette année, qui en méritait au moins un de cette taille.

Voilà. Mademoiselle et messieurs, je vous aime. Vous êtes à l’heure actuelle le seul remède musical contre le politiquement correct et l’über-sécurisation intellectuelle qui sclérose notre pays. Par pitié restez aussi jeunes et cons. D’ailleurs je vous somme d’une mission : merci de virer à coup de Docs ces gros bouffons de SHAKAPONK de ce piédestal quasi-monopolistique du soi-disant rock énervé hexagonal. Cocorico, et allez tous vous faire foutre – ce qui est à peu près le propos principal, anyway.

Blogger : Jean-Charles Desgroux
Au sujet de l'auteur
Jean-Charles Desgroux
Jean-Charles Desgroux est né en 1975 et a découvert le hard rock début 1989 : son destin a alors pris une tangente radicale. Méprisant le monde adulte depuis, il conserve précieusement son enthousiasme et sa passion en restant un fan, et surtout en en faisant son vrai métier : en 2002, il intègre la rédaction de Rock Sound, devient pigiste, et ne s’arrêtera plus jamais. X-Rock, Rock One, Crossroads, Plugged, Myrock, Rolling Stone ou encore Rock&Folk recueillent tous les mois ses chroniques, interviews ou reportages. Mais la presse ne suffit pas : il publie la seule biographie française consacrée à Ozzy Osbourne en 2007, enchaîne ensuite celles sur Alice Cooper, Iggy Pop, et dresse de copieuses anthologies sur le Hair Metal et le Stoner aux éditions Le Mot et le Reste. Depuis 2014, il est un collaborateur régulier à HARD FORCE, son journal d’enfance (!), et élargit sa collaboration à sa petite soeur radiophonique, HEAVY1, où il reste journaliste, animateur, et programmateur sous le nom de Jesse.
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