14 juillet 2022, 17:15

MINISTRY

"Psalm 69: The Way To Succeed And The Way To Suck Eggs" (1992 - Rétro-Chronique)

Album : Psalm 69: The Way to Succeed and the Way to Suck Eggs

De ses prémices remontant à 1978 à la fondation du groupe en 1981 et jusqu’à la parution de son premier album en 1983, voilà plus de quarante ans que MINISTRY gouverne (elle est facile, j’en conviens) au sein de la sphère metal industriel grâce à son leader-gourou-doux dingue Alejandro Ramirez Casas de son vrai nom, né à La Havane le 9 octobre 1958, juste avant la révolution ayant secouée Cuba l’année suivante, j’ai nommé bien sûr Al Jourgensen, chanteur-compositeur-producteur et multi-instrumentiste, authentique hydre à 69 têtes. Ce qui fait 138 narines et autant de bras pour sniffer et s’injecter de colossales quantités de drogues en tous genres et tester ainsi les limites de la résistance physique aux stupéfiants : « A cette époque, je me shootais, je prenais du crack et je mettais de l’acide dans mes bouteilles de Bushmill, tout ça en boucle dix fois par jour ». Bravo à lui car « Toujours debout ! », dixit Renaud, à bientôt soixante-quatre ans, bien qu’il ne soit pas passé loin de l’autre côté à plusieurs reprises, cette première descente aux enfers par la face nord aura permis d’enfanter ce merveilleux rejeton qu’est « Psalm 69: The Way To Succeed And The Way To Suck Eggs » qui parvient à nos oreilles le 14 juillet 1992, véritable feu d’artifice et – il en est encore question, décidément ! – révolution sonore.

L’album était initialement prévu de s’appeler « The Tapes Of Wrath » (« Les Enregistrements de la Colère ») mais il en fut tout autre. Précisons que l’on peut lire sur la pochette le titre ΚΕΦΑΛΗΞΘ (à prononcer képhalé), mot grec signifiant "tête" (ou "chef", autre nom pour la désigner) suivi du chiffre 69, également en chiffres grecs, et qui ne s’apparentent ni l’un ni l’autre à l’Ancien Testament mais au chapitre 69 du livre du chantre de l’occultisme Aleister Crowley, The Book of Lies. Que doit-on y comprendre alors ? Eh bien, que l’album s’appelle « Head 69 », l’expression give a head signifiant, dans la langue d’un Shakespeare outré, l’action de faire une fellation. Rajoutez à cela 69 et je ne vous fais pas de dessin, je pense que vous serez assez bon en arithmétique sur ce coup. Ah oui, le succeed dans le titre souligne un jeu de mots pour suck seed, littéralement sucer des graines et… euh, bon bref, ok ? L’album lui, est conjointement produit par Hypo Luxa et Hermes Pan, pseudonymes derrière lesquels se cachent respectivement Al Jourgensen et le bassiste Paul Gordon Barker.

Les sessions d’enregistrement débutèrent en mars 1991 à Chicago, soit presque un an et demi avant la sortie finale de l’album, mais comme évoqué plus haut, l’avance de 750 000 $ effectuée par la maison de disques partit droit dans les narines et les veines de Jourgensen ainsi que dans celles de sa femme de l’époque et du guitariste Mike Scaccia (décédé prématurément en 2012). Sommés par Sire Records et Warner Music de leur fournir de la matière, Al rameute en studio son pote Gibby Haynes, chanteur des BUTTHOLE SURFERS. Celui-ci enregistre alors le morceau "Jesus Built My Hotrod" mais le chanteur est dans un tel état d’ébriété que Jourgensen mettra des semaines à remettre dans l’ordre ses parties afin d’envoyer quelque chose qui se tient : « Ce qui est marrant, c’est que malgré mon état de délabrement à ce moment, j’avais encore des mains capables de pratiquer de la microchirurgie et j’ai édité le truc chez moi sur un deux-pistes. Gibby lui, était arrivé au studio tellement défoncé qu’il ne tenait pas debout et on a dû le caler sur une chaise dans le caisson d’enregistrement avec une bouteille de Jack pour l’entendre ensuite ânonner des paroles sans queue ni tête, "Bing, bang, dingy, dong, wah, wah, ling, a bong! ". Il n’arrêtait pas de tomber et on n’avait de cesse de retourner le rasseoir. A la fin, on a pu quand même distinguer quelques mots dans ce qu’il disait avant qu’il ne s’évanouisse. »


​Les pontes de chez Sire Records et Warner Music ne sont pas convaincus mais sortent quand même le titre en single, engueulant au passage Jourgensen bien que celui-ci s’en foute royalement et leur disent de faire ce qu’ils veulent, même de le virer si ça les chante. Surprise, le morceau fait un carton plein et un nouveau chèque de 750 000 $ d’être envoyé à ces junkies patentés qui finissent tout de même par se mettre au travail. « C’est quand même cool de se dire que la maison de disques a lâché un million et demi de dollars pour ce putain de disque » conclura plus tard la tête (69) à penser du groupe. La vidéo de la chanson est réalisée par Paul Elledge (qui a également signé la pochette de l'album et du single) dont c’était le premier clip, dans lequel on peut voir des courses de hot rods entrecoupées d'images du groupe. Pour la suite des sessions, Mike Scaccia est toujours dans un état lamentable mais paradoxalement productif et il amènera sur la table des riffs très orientés thrash qui donneront naissance à "N.W.O." et "Just One Fix" notamment. Alors la drogue c’est mal mais putain, parfois ça débouche, outre les narines, sur de l’épique ! D’ailleurs, si l’on est attentif, on remarque qu’un bout de riff de "Just One Fix" rappelle furieusement le gimmick principal du "South Of Heaven" de SLAYER. Des titres qui figurent encore aujourd’hui en bonne place dans les set-lists du groupe auxquels on peut ajouter la lancinante et lugubre "Scarecrow" qui s’étale sur plus de huit minutes. Depuis, si l’increvable Al Jourgensen arpente les scènes du monde entier et celles du Hellfest en particulier lors de pratiquement toutes les dernières éditions, on déplorera la disparition en plus de celle de Mike Scaccia, du batteur Bill Rieflin en mars 2020, lui qui avait participé à l’enregistrement de « The Land Of Rape And Honey » (1988), « The Mind Is A Terrible Thing To Taste » (1989) et bien sûr, « Psalm 69: The Way To Succeed And The Way To Suck Eggs ». Musicien accompli et reconnu, il avait également enregistré un album avec R.E.M. et, depuis 2013, accompagnait KING CRIMSON.

Lors de la promotion du disque, MINISTRY passera le 12 novembre 92 à l’Elysée-Montmartre de Paris à la suite des nombreuses dates données aux Etats-Unis avec les autres groupes de la caravane Lollapalooza, festival initié par le chanteur de JANE’S ADDICTION et PORNO FOR PYROS, Perry Farrell. « Psalm 69: The Way To Succeed And The Way To Suck Eggs » fera une grosse percée dans les charts US, grimpant à la 27ème place et il fut certifié platine pour un million d’exemplaires vendus à partir de 1995. Un succès amplement mérité pour un disque dont les titres joués en live continuent et continueront d’affoler les fans à juste… titre.

Pour aller plus loin :
​« The Mind Is A Terrible Thing To Taste » (1989)
« Sphinctour » (2002) : album live enregistré sur la tournée de 1996 donnée à la suite de la sortie de « Filth Pig » la même année
« AmeriKKKant » (2018)
« Moral Hygiene » (2021)

Blogger : Jérôme Sérignac
Au sujet de l'auteur
Jérôme Sérignac
D’IRON MAIDEN (Up The Irons!) à CARCASS, de KING’S X à SLAYER, de LIVING COLOUR à MAYHEM, c’est simple, il n’est pas une chapelle du metal qu'il ne visite, sans compter sur son amour immodéré pour la musique au sens le plus large possible, englobant à 360° la (quasi) totalité des styles existants. Ainsi, il n’est pas rare qu’il pose aussi sur sa platine un disque de THE DOORS, d' ISRAEL VIBRATION, de NTM, de James BROWN, un vieux Jean-Michel JARRE, Elvis PRESLEY, THE EASYBEATS, les SEX PISTOLS, Hubert-Félix THIÉFAINE ou SUPERTRAMP, de WAGNER avec tous les groupes metal susnommés et ce, de la façon la plus aléatoire possible. Il rejoint l’équipe en février 2016, ce qui lui a permis depuis de coucher par écrit ses impressions, son ressenti, bref d’exprimer tout le bien (ou le mal parfois) qu’il éprouve au fil des écoutes d'albums et des concerts qu’il chronique pour HARD FORCE.
Ses autres publications
Cookies et autres traceurs

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de Cookies ou autres traceurs pour mémoriser vos recherches ou pour réaliser des statistiques de visites.
En savoir plus sur les cookies : mentions légales

OK