5 juillet 2023, 17:09

MOTÖRHEAD

"Live at Montreux Jazz Festival '07"

Album : Live at Montreux Jazz Festival '07

C’est forcément avec MOTÖRHEAD à bloc la tête entre deux enceintes et en train de déguster un Lemmy (comprendre un Jack&Coke - « l’abus d’alcool est... » / fuck off !!!) que je m’attelle à un énième papier sur MOTÖRHEAD. Des soirées comme ça, c’est quasiment mon quotidien : boire un coup à la santé de Lemmy, avec le goût, le parfum, et le son de notre héros, telle une petite communion solennelle. C’est simple, mais comme expérience sensorielle, c’est toujours l’assurance d’un moment savoureux.

Combien en ai-je écris en 21 ans, d’ailleurs, des articles sur ce groupe ?

Aucune idée : honnêtement, je ne me fends pas systématiquement d’un article sur lui à CHAQUE FOIS qu’il sort un album live. Parce que, pour être honnête, en-dehors du monstre « No Sleep 'Til Hammersmith », il n’y a par conséquent rien de foncièrement extra-ordinaire à systématiquement raconter à leurs sujets. D’autant qu’en ce moment, des lives subitement officiels, il en pleut deux fois par an - ce qui ne nous empêche pas de les collecter amoureusement.

Sauf que pour celui-ci, c’est différent : j’y étais.

Comme j’étais aussi là avant que chaque nouveau concert de MOTÖRHEAD à la capitale ne devienne un évènement où il FAUT aller - et pire, un item à cocher dans une liste de trucs à faire dans sa vie avant qu’il ne soit trop tard, comprendre avant que le mec ne casse sa pipe.

Pendant longtemps, les concerts du trio au Zénith de Paris étaient loin d’être complets. Et on n’y croisait que des fans, purs et durs - pas des touristes en goguette. Mais au fur et à mesure que la légende grossissait, conjuguée aux retombées populaires du film-documentaire ainsi qu’à un excès de marketing où le merchandising allait faire du Snaggletooth une marque branchée, et caution obligatoire de tout apprenti rocker qui s’en parerait l’effigie quelque part, eh bien ces Zénith se sont remplis. A ras bord, chaque hiver. Et l’été, le groupe s’est hissé à des créneaux de festivals de plus en plus honorifiques.

Jusqu’à ce mois de juillet 2007 notamment : après l’avoir vu pour la dernière fois quelques mois plus tôt, en décembre, à Paris sur la tournée Kiss Of Death, c’est ce fameux samedi 7 juillet 2007 (777 !!!) que je retrouvai MOTÖRHEAD en première partie, cette fois, de HEAVEN & HELL, entre les murs feutrés de l’extraordinaire Auditorium Stravinsky de Montreux, Suisse - oui, pour l’une des dates du célèbre Festival de Montreux qui se tient chaque été pendant un mois.

Oh, le weekend avait été sympa : la veille, j’étais à Birmingham, assistant l’après-midi à l’intronisation d’Ozzy Osbourne sur le Board of Walk de sa ville, soit la remise de son étoile par le maire - et ceci aux premières loges, entre musiciens et famille proche. Le soir même, c’était concert : toujours Ozzy, à domicile, dans la big arena de la cité des Midlands, avec BLACL LABEL SOCIETY en ouverture. Et le lendemain, avion aux aurores, destination Genève via CDG - et transfert en limousine jusqu’à l’autre extrémité du Lac Léman : non seulement pour assister aux deux concerts des monstres sacrés du hard rock, mais également pour interviewer Geezer Butler et Ronnie James Dio. C’est en redescendant des backstages, encore tout chamboulé par cette incroyable rencontre, que je tombai sur un tout petit attroupement au bar en bas : une magnifique journaliste black était en train de poser des questions à Lemmy pour Canal+, et le chanteur s’avérait complètement sous le charme de son interlocutrice, dentier éclatant de vieux beau hâbleur. Une fois l’entretien express achevé, quelques personnes restèrent auprès de lui, et j’osai à peine m’approcher, pour trinquer avec lui. Deux bières qui s’entrechoquent, un regard, une poignée de main, trois mots d’admiration, et puis basta.

Voilà donc ce qu’il s’est passé une petite heure à peine avant que ne démarre "Snaggletooth" dans les enceintes de cette salle mythique au son parfait - avec ce rare extrait de la compilation « No Remorse », 1984, sur cette tournée-là. Si HEAVEN & HELL était clairement identifié comme la tête d’affiche de cette soirée de juillet (777 bordel !!!), MOTÖRHEAD ne faisait pas simple figure d’apéritif - mais plutôt de guest de choix, et de luxe. Comme vous pouvez le découvrir à l’écoute de ce nouvel album live, pas moins de dix-neuf morceaux avaient été décochés ce soir-là. Soit une set-list digne d’un headliner : le trio, forcément composé de Mikkey Dee et Phil Campbell, est insolent. Dans ce hall dédié au Festival de Jazz de Montreux, et qui a vu passer Miles Davis à de nombreuses reprises, BB King, Ray Charles - et tout ce que l’histoire de la musique a de plus précieux -, MOTÖRHEAD est ici est autant une consécration qu’une provocation. Sous mon nez, accrédité d’un pass photo, je suis au pied des bottes de Lemmy lorsqu’il grimpe sur scène, plus international que jamais devant ce public hétéroclite : « Guten haben, bonsoir, buogiorno » - et good evening. Forcément suivi par « We are Motörhead, and we play rock'n'roll ». T’as raison ! Dès ce "Snaggletooth" entamé, ce fut une descente aux enfers pour qui est sensible de la feuille. Parce que, que l’on soit en Suisse ou ailleurs, chez Lemmy, ça joue fort, et on ne tolère pas les lopettes dans le pit. Sur cette tournée, la setlist est très équilibrée : non seulement jouent-ils trois morceaux de leur dernière offrande « Kiss Of Death », mais également autant de titres du précédent « Inferno », dont ce fameux "Whorehouse Blues" en premier rappel, et en mode blues acoustique, comme un heureux baume après une heure de laminage. Mais au-delà des sempiternels et obligatoires classiques, inamovibles (peut-on faire l’impasse sur "Metropolis" ? Sur "Going To Brazil" ? Sur "Ace Of Spades" ou "Bomber"), le groupe gâte alors les vrais fans avec quelques pépites de la trempe de "I Got Mine" (tiré de « Another Perfect Day » - une future réédition pour le 40ème anniversaire cette année ?), l’extraordinaire "Just ‘Cos You Got The Power", ainsi qu’une reprise du "Rosalie" de Bob Seger, popularisée par THIN LIZZY. Putain, ce soir là y a pas eu le feu au lac, mais ça a gueulé à Montreux !!! Et tout cela n’a toutefois aucun sens sans la frénésie rock’n’roll de l’atomique et inusable "Killed By Death" (LE morceau préféré du petit garçonnet qui découvrit le groupe en 3ème), et enfin du définitif "Overkill", qui détruit une assistance de festivaliers dont le parquet ciré de l’auditorium change un peu de la gadoue habituelle.

Bon courage à messieurs Butler, Iommi, Appice et Dio qui passaient derrière - mais ça c’est une autre histoire. Reste aujourd’hui cet énième album live au son impeccable et qui offre un aperçu assez dantesque de ce qu’il s’est passé ce soir-là, dans un paisible comté suisse...

Blogger : Jean-Charles Desgroux
Au sujet de l'auteur
Jean-Charles Desgroux
Jean-Charles Desgroux est né en 1975 et a découvert le hard rock début 1989 : son destin a alors pris une tangente radicale. Méprisant le monde adulte depuis, il conserve précieusement son enthousiasme et sa passion en restant un fan, et surtout en en faisant son vrai métier : en 2002, il intègre la rédaction de Rock Sound, devient pigiste, et ne s’arrêtera plus jamais. X-Rock, Rock One, Crossroads, Plugged, Myrock, Rolling Stone ou encore Rock&Folk recueillent tous les mois ses chroniques, interviews ou reportages. Mais la presse ne suffit pas : il publie la seule biographie française consacrée à Ozzy Osbourne en 2007, enchaîne ensuite celles sur Alice Cooper, Iggy Pop, et dresse de copieuses anthologies sur le Hair Metal et le Stoner aux éditions Le Mot et le Reste. Depuis 2014, il est un collaborateur régulier à HARD FORCE, son journal d’enfance (!), et élargit sa collaboration à sa petite soeur radiophonique, HEAVY1, où il reste journaliste, animateur, et programmateur sous le nom de Jesse.
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