Le black metal français est aujourd’hui largement plébiscité et un groupe en porte fièrement l’étendard en ce début d’année : c’est A/ORATOS. Avec un premier album intitulé « Ecclesia Gnostica », il délivre un son puissant mais aussi largement fouillé avec une profondeur dans les textes et un visuel captivant. Sa tête pensante et guitariste Wilhelm a répondu à quelques questions afin de présenter ce projet inspiré et qui devrait ravir les fans d’une musique sombre et ésotérique.
Tout d’abord tous nos vœux pour cette nouvelle année. D’ailleurs, qu’est-ce qu’on peut souhaiter à A/ORATOS ? Quelles sont vos attentes ?
Merci beaucoup ! Et bien une belle et large réception de l’album auprès du public ! J’ai écrit cet album avec une passion dévorante ces dernières années avec l’objectif de réaliser une œuvre qui soit originale, saisissante et puissante tout à la fois. Le processus d’écriture et d’enregistrement ayant été long et éprouvant, je souhaite donc que cette sortie nous ouvre les portes nécessaires pour voir les choses en grand par la suite.
Peux-tu nous présenter un peu le groupe, ses membres et son origine ?
A/ORATOS a démarré presque sous forme de projet solo en 2016. A cette époque, je voulais créer un groupe de black metal qui suive mes inspirations. Après avoir écrit mes premières maquettes, je suis parti à la recherche de musiciens pour donner vie au projet. J’ai alors rencontré Aharon qui a été séduit par mon projet et qui m’a aidé à recruter d’autres musiciens pour compléter le line-up. Nous avons ensuite sorti en 2019 « Epignosis », un EP autoproduit, et réalisé notre premier concert de lancement à "Et il n'y aura plus de Nuit" à Audierne en Bretagne, un événement de qualité organisé par notre graphiste Vincent Fouquet du Studio graphique Above Chaos.
La crise sanitaire étant arrivée peu après, je me suis concentré de façon éperdue sur l’écriture de notre premier album, avec une vraie obsession. Je me suis également séparé à cette époque de mes musiciens - hormis mon chanteur - pour des raisons diverses et variées, la période de COVID n’ayant pas été propice à la stimulation d’une vie de groupe. J’ai alors recruté Léo Dieleman à la basse et Romain Kampen à la batterie pour enregistrer l’album. Enfin, pour assurer nos futurs concerts, j’ai engagé récemment Thomas Ménudier avec qui je suis très heureux de pouvoir travailler, étant un guitariste talentueux.
Vous évoluez dans un black metal à la fois mystique et mélodique. Quelle est votre marque de fabrique selon toi, qu’est-ce qui vous distingue d’autres entités, notamment de la scène française ?
Je pense que nous avons notre propre signature musicale et notre identité thématique qui créent de fait notre singularité dans le paysage de la scène française. Aimant les concepts, les mystères et les symboles, nous avons essayé de faire une œuvre globale, aussi bien soignée dans la forme que dans le fond, au travers de la musique et des visuels. La pochette est d’ailleurs le prolongement singulier de notre musique et en saisit toute l’essence ésotérique. Au niveau de l’écriture, j’ai essayé de concilier l’intensité haletante qu’on peut ressentir dans nombre de classiques du black metal suédois tout en incorporant des atmosphères solennelles, acoustiques et ritualistes pour mieux porter notre message spirituel. Il y’a également une petite tendance baroque dans l’écriture des guitares et sur certains passages, peut-être notre forme de french-touch !
Comme tu le disais, vous avez sorti un premier EP en 2019 « Epignosis ». Comment a été accueillie cette autoproduction ?
Pour un EP auto-produit et sans effort de promotion, j’ai trouvé la réception encourageante ! Elle m’a donné l’envie et la force de concrétiser cet élan avec « Ecclesia Gnostica ».
2024 marque donc la sortie de ce premier album chez Les Acteurs de l’Ombre. Comment s’est créée la collaboration avec le fameux label français ?
La collaboration s’est faite assez naturellement, nous étions à l’époque en recherche active d’un label, les premières pistes que nous avions avec d’autres maisons de disques n’ayant pas abouties pour des raisons principalement de timing. Gérald Milani nous a alors contactés à ce moment-là pour nous proposer une collaboration avec Les Acteurs de l'Ombre.
« Ecclesia Gnostica » se compose de sept titres, à la fois brutaux, mais aussi bourrés de belles atmosphères et de passages éthérés. Quelles sont vos influences musicales ?
J’ai une vénération sans limite pour EMPEROR, DISSECTION et les premiers albums d’OPETH. J’ai également beaucoup écouté les classiques du black metal mélodique suédois ainsi que des groupes d’avant-garde comme ARCTURUS. Enfin, je suis aussi amateur de la scène black metal grecque, notamment pour la capacité de certains groupes à développer des atmosphères rituelles tout à fait prenantes.
Point de vue textes, vous offrez un réel parcours profond et réflexif. Est-ce important pour vous d’avoir un contenu le plus fouillé possible ?
Nous avons beaucoup travaillé sur les paroles pour essayer d’offrir une cohérence entre le propos ésotérique et spirituel de l’album et notre musique. C’est en effet important pour nous, et par respect peut-être aussi des sujets que nous abordons. Nous nous sommes appuyés notamment sur le Codice de Nag Hammadi, un corpus de textes gnostiques unique du IVe siècle après JC ainsi que sur un certain nombre d’autres sources. Travailler sur des textes aussi puissants datant de près de 2000 ans pousse à se dépasser.
L’ensemble des paroles des chansons est en français. Le choix de la langue de Molière a-t-il également un sens ?
Oui c’était un choix assumé. De par la nature des concepts abordés dans les morceaux, nous voulions que l'interprétation soit la plus authentique possible, ce qui était plus facile et cohérent dans notre langue maternelle. Nous ne voulions pas faire de compromis sur ce disque et nous soumettre au relatif diktat des paroles en anglais pour "faire bien à l’étranger". D’autant que le français convient très bien au chant black metal. Nous ne nous interdisons pas par la suite de faire autrement, mais c’était le choix le plus cohérent pour ce disque.
Seul le très lourd "Deuteros" arbore des paroles en grec. Peux-tu nous en dire plus sur ce titre, aussi puissant que mélodique ?
Décidément, ce morceau interpelle beaucoup ! Il s’agit d’un morceau dont les paroles sont issues des Institutions Divines de Lactance, un écrit lui aussi très ancien mêlant un certain nombre de concepts au cœur de l’album, à savoir la Gnose et l’Hermétisme. Deuteros signifie en effet le Deuxième Dieu, un concept par essence gnostique. L’idée derrière ce titre était d’offrir une expérience immersive vers la contemplation et l’introspection de ce qui nous dépasse. Le chœur polyphonique mêlant un peu de chant grégorien a été réalisé par Frédéric Gervais, un "guest" brillamment réussi de sa part.
La pochette de l’album est une pure merveille artistique réalisée par Vincent Fouquet (Above Chaos). A-t-il eu carte blanche pour cette réalisation ou lui avez-vous donné des pistes de sens ?
Merci d’avoir noté le travail effectué par Vincent sur cette magnifique pochette. Nous connaissons très bien Vincent, il suit notre projet depuis presque ses débuts et assure d’ailleurs un rôle de conseil et soutien pour lequel nous le remercions beaucoup. Ainsi, il connaissait bien nos concepts et notre démarche artistique. D’autant qu’il avait déjà réalisé la pochette de notre EP. Pour « Ecclesia Gnostica », mon brief a été simple, je lui ai donné les thématiques et les concepts abordés dans chaque morceau, en accompagnement des paroles ainsi que de quelques éléments visuels que j’avais en tête. Il a ensuite travaillé en ermite et est revenu vers moi environ un mois après avec la version quasi achevée de l’artwork... Il a su saisir en profondeur le mysticisme et la symbolique de notre musique. Son travail de photo manipulation est tout à fait intéressant car il faut savoir que tous les éléments que l’on observe sur la pochette proviennent d’objets authentiques que Vincent a en sa possession dans son studio photo, comme par exemple un reliquaire qui sert d’ornement sur la pochette. Il y’a beaucoup de choses à dire sur cette pochette, sur ses symboles et pourquoi elle semble si bien correspondre à la musique. Le symbole principal est peut-être les mains jointes tenant une pointe de lance vers le bas, vers l’ossement humain, signifiant un concept gnostique de rejet de la matérialité et de la chair humaine au profit du monde spirituel.
Avez-vous une tournée prévue afin d’assurer la promotion de l’album ? Vous devez avoir hâte de présenter vos titres en live...
Nous n’avons pas encore de tournée de prévue. Nous travaillons actuellement sur notre passage au live, avec tout ce que cela implique pour essayer de faire ressortir au mieux l’essence de notre album dans une configuration live. Nous avons effectivement une grande hâte, mais préférons fonctionner comme je l’ai fait pour l’album, c’est-à-dire prendre le temps nécessaire pour faire les choses bien en ne laissant rien au hasard.
On vous souhaite le meilleur à venir et un succès tout à fait mérité...
Un grand merci à toi pour cette interview et ces mots d’encouragement. Nous remercions tous ceux qui ont participé à ce bel élan lors de la sortie de notre album, et encourageons ceux qui ne nous connaissent à nous suivre pour de très prochaines actualités.