Le premier album, « Days Of The Lost » (2022), avait fait l’effet d’une petite bombe pour les aficionados du melodeath de Göteborg. Alors, il est bien évident qu’avec sa nouvelle production, « March Of The Unheard », THE HALO EFFECT est attendu au tournant. Inutile de laisser planer les interrogations, de bombe il est encore question ici. Ce nouveau disque confirme et renforce tout le bien que l’on pensait déjà du quintette, capable de retranscrire l’esprit du death metal mélodique des années 80/90, tout en le modernisant pour un résultat qui bute du début à la fin.
Le groupe est composé des ex-IN FLAMES, Jesper Strömblad (guitare), Niclas Engelin (guitare), Peter Iwers (basse), Daniel Svensson (batterie), ainsi que de l’incontournable Mikael Stanne, chanteur du groupe de 1993 à 1995 et actuel DARK TRANQUILLITY, CEMETERY SKYLINE, GRAND CADAVER... Et si vous êtes passé à côté de toute l’activité foisonnante du chanteur ces derniers mois, c’est que vous vivez au fin fond de la Lozère, en élevant paisiblement vos chèvres, loin du fracas de la société, et que vous n’êtes donc pas en train de lire cette chronique. On pourrait aisément appliquer l’adage selon lequel "c’est dans les vieux pots qu’on fait la meilleure confiture" à ces gars-là, tant ils se bonifient avec le temps. Quand on aimerait que certains raccrochent les gants tant ils frisent le ridicule, c’est tout le contraire avec THE HALO EFFECT qu’avec une telle qualité d’albums, on espère voir mener une longue et florissante carrière. Ces musiciens possèdent l’expérience acquise avec les années mais aussi la fraîcheur du renouveau. Il est clair que ce projet stimule leur imagination, comme des gosses qui viennent de monter leur premier groupe. Ils maîtrisent la science du riff qui tue (on va pouvoir concurrencer les fans d’Amérique Latine en chantant les mélodies à tue-tête) mais tout ici respire la spontanéité et l’effervescence du plaisir de la création.
D’entrée de jeu, on se prend le riff de "Conspire To Deceive" en pleine face, et ça fait du bien par où ça passe. Mélodicité irrésistible des guitares, soli en adéquation, agressivité dans le chant de Mikael Stanne, qui privilégie la voix saturée sur une majorité des morceaux de l’album. Le rythme est soutenu, l’urgence est palpable. Et elle monte encore d’un cran avec l’excellent "Detonate", révélé au public comme premier single. On a l’impression d’une course contre la montre, que la menace gagne du terrain et que tout va nous péter à la gueule, comme en témoigne la vidéo. Image forte et symptomatique d’une société sous pression où tout semble sur le point de basculer dans un précipice sans fond : « We reach out to the inside / Begin the journey back wherever it ends / Break the chains of this deadlock / Before we detonate / What is left of our minds » (« Nous tendons la main vers l'intérieur / Nous commençons le voyage de retour là où il se termine / Nous brisons les chaînes de cette impasse / Avant de faire exploser / Ce qu'il reste de nos esprits »). "Our Channel To The Darkness", s’emballe également après une intro faussement calme à la guitare acoustique. On se voit bien chanter le riff en concert tant il est accrocheur, tout comme avec le génial morceau suivant, "Cruel Perception", et sa mélodie irrésistible. Certes, le groupe ne réinvente pas la poudre, mais ce qu’il propose explose aux oreilles comme un feu d’artifice et l’on ne peut qu’adhérer. "What We Become" reste sur un rythme trépidant, quoiqu’un peu moins énervé que les précédentes chansons.
En milieu de parcours, on trouve le morceau-titre précédé d’une intro militaire avec un chœur de voix claires, "The Curse Of Silence", propice à nous plonger dans l’ambiance de révolte de la suivante. En effet, "March Of The Unheard" est comme un cri de ralliement pour toutes celles et ceux qui luttent au quotidien et n’ont pas le pouvoir de se faire entendre, celles et ceux qui sont pourtant le moteur de la société et qui la font avancer. Les titres au format court s’enchaînent, comme autant d’uppercuts dans les gencives. La production est moderne et dynamique, pour un rendu clair et cohérent. Il faut attendre "Forever Astray", la huitième piste, pour entendre la voix claire de Mikael Stanne sur le refrain, ce qui n’enlève rien au côté percutant de la chanson, bien au contraire. Alors que la cavalcade est effrénée depuis le début, soudainement, le rythme devient très lourd sur "Between Directions", excellent morceau qui allie chant clair et voix saturée, orchestrations symphoniques, où les violons sont de sortie, couplets vindicatifs, ambiance sombre, voire menaçante et refrain accrocheur. Clairement l’un des moments forts de cet album qui n’en manque pourtant point. La mélancolie, et l’on pourrait même dire une impression de fatalité, règne sur ce titre. Retour d’une rythmique véloce avec "A Death That Becomes Us", une chanson qui porte l’ADN de DARK TRANQUILLITY dans sa mélodie, et même si elle est fort agréable à écouter, elle n’est pas la plus mémorable du disque, précisément à cause de cette sensation de déjà-entendu. On lui préfère la bien plus convaincante "The Burning Point", efficace en diable.
On referme ce deuxième chapitre de la vie de THE HALO EFFECT avec un instrumental, "Coda", qui reprend en mode acoustique et orchestral le riff mélodique ainsi que les chœurs de "The Curse Of Silence". Final certes sympathique qui présente une autre facette du groupe, mais pas aussi percutant que ce que l’on pouvait espérer au vu du contenu de cet album. Mais pour les insatiables dont nous faisons partie, nous ne saurions trop vous conseiller l’édition Digipak du disque contenant les trois singles publiés indépendamment, "Path Of Fierce Resistance", "The Defiant One" et "Become Surrender", histoire d’être pleinement rassasié.
« March Of The Unheard » est une vraie réussite, un album ultra qualitatif qui risque fort de cartonner dans les chaumières et marquer durablement les esprits. Nous n’en attendions pas moins de ces cinq talents. Le melodeath à son plus haut niveau, avec cette inimitable "Swedish touch" que beaucoup envient mais n’ont jamais réussi à égaler, et nous ne saurions trop vous conseiller de vous jeter dessus sans tarder. D’ailleurs ne vaut-il pas mieux privilégier les produits d’origine labellisés que les pâles imitations ?