
Après l'excitation du ciel étoilé de « 7 » qui avait amené RED BEANS & PEPPER SAUCE à enregistrer dans le mythique Rockfield Studios, le nouvel album « Supernova » montre la volonté du groupe à poursuivre son exploration de l’univers blues-rock et soul. Entretien avec son capitaine de vaisseau Laurent Galichon.
A l’issue de la tournée promotionnelle de « 7 », quel bilan en fais-tu ? Quels en ont été les événements marquants ?
Pour l’album « 7 », nous avons fait énormément de dates, du nord de la France jusqu’en Allemagne, mais aussi jusqu’au sud de l’Espagne, à Marbella. Nous avons joué dans presque toutes les régions françaises, découvert la Galice pour la première fois, et sommes retournés en Suisse et en Belgique. Il y a eu une belle date parisienne avec Manu Lanvin en invité. Nous avons participé à de nombreux festivals et fait de nouvelles rencontres musicales. Ce fut une période intense et riche en expériences.
Avec 161%, on peut dire que la campagne de crowdfunding pour « Supernova » a été un succès. Peut-on dire qu’aujourd’hui RED BEANS & PEPPER SAUCE dispose d’une fan-base établie qui lui permet d’aborder l’avenir avec sérénité ? Y a-t-il cependant des choses que vous auriez aimé faire pour cet album mais auxquelles vous avez renoncé ?
Oui, notre fan-base ne cesse de grandir. Nous continuons à convaincre de nouveaux auditeurs en allant à leur rencontre sur scène, comme nous l’avons toujours fait. C’est cette proximité avec le public qui nous permet, à chaque nouvel album autoproduit, de rassembler de plus en plus de personnes et d’augmenter notre budget. Grâce à cela, nous pouvons offrir des bonus intéressants à notre public. Pour le précédent album, nous avions enregistré dans un studio mythique au Royaume-Uni. Cette fois-ci, nous avons multiplié les collaborations, ce qui a nécessité une organisation minutieuse et des sessions d’enregistrement complexes, mais nous sommes allés au bout du projet. Nous avons également pu proposer un visuel soigné avec une pochette travaillée et une belle édition vinyle. Grâce au soutien de nos fans, nous n’avons eu à renoncer à rien, et nous avons même déjà des idées pour le prochain album !

Le rouge semble s’imposer comme la couleur incontournable du visuel de vos albums. Tu nous disais alors pour « 7 » qu’il symbolisait "un peu l’état du monde dans lequel on vit, du moins tel qu’on le perçoit à travers les médias". Le personnage de « Supernova » donne à la pochette un côté zen qui contraste avec le rouge et le titre de l’album. Face à la pression, il faut savoir rester zen ?
Effectivement, le précédent album avait été écrit dans une période de grande instabilité. Le contexte n’a pas vraiment changé depuis, mais cette fois-ci, nous avons choisi de nous concentrer pleinement sur la musique et sur la confrontation entre nos influences classic-rock et soul. Le rouge, qui fait partie du nom du groupe, est aussi un élément clé de notre identité visuelle. C’est une couleur forte qui exprime la passion, mais aussi la vie, puisqu’elle est celle du sang. Quant au personnage au premier plan, face à la fusion de deux étoiles, son attitude zen peut être interprétée de différentes manières. Peut-être qu’il est impuissant face à ce phénomène cosmique, ou au contraire, qu’il est assez puissant pour y survivre. Il y a même d’autres interprétations. Chacun est libre d’avoir la sienne.
En voyant le visuel, on peut penser à Naruto. T'en es-tu inspiré ?
Pas spécialement, non. Mais j’imagine que ce type de visuel existe déjà dans d’autres œuvres, il a un côté cinématographique dans son format d’origine en cinémascope. On peut y voir une esthétique manga aussi, ça dépend sûrement de la génération dont on fait partie. Si j’avais découvert cette image par hasard, j’aurais plutôt imaginé un maître Jedi sur Tatooine face aux soleils couchant, avec la musique somptueuse de John Williams. Mais c’est sûrement parce que je suis un geek de Star Wars !
Tu es le seul crédité sur les compositions du groupe. Néanmoins quand on entend le résultat, on a du mal à imaginer que, même si les idées sont à la base de toi, ce soit uniquement ton œuvre. Comment travaillez-vous ensemble ?
Bien sûr que ce n’est pas uniquement mon œuvre. Le travail des autres musiciens du groupe est essentiel. Mais composer, dans notre style de musique, c’est avant tout créer les mélodies c'est-à-dire la ligne de chant et les riffs principaux. Tout le reste relève de l’arrangement : la façon dont le batteur va structurer le rythme, comment le bassiste va faire vivre sa ligne, comment le clavier va enrichir l’ensemble en soutenant la guitare ou en installant une ambiance. Enfin, il y a l’interprétation de Jessyka, qui donne toute son intensité à la mélodie que j’ai écrite. Tu peux constater tout ça en comparant notre version de "I Want To Take You Higher" avec l’originale. Le chant reste globalement le même, même si chaque chanteur s’est approprié l’interprétation. Le riff principal qui ouvre et revient plusieurs fois dans le morceau est également conservé, mais tout le reste a été réinventé. La composition demeure celle de Sylvester Stewart, alias Sly Stone, mais l’arrangement porte la signature de RED BEANS & PEPPER SAUCE et de ses invités.
Composer « Supernova » a-t-il été plus simple et plus naturel que pour « 7 » ou tu as mis du temps à t’y mettre à cause de la pandémie ?
Ce n’est pas vraiment le mot, mais disons que j’avais mieux anticipé. J’avais préparé certaines choses avant d’entrer dans la phase finale d’écriture et d’enregistrement. Ce n’était donc pas plus simple, mais plus fluide. Cela dit, c’est toujours un travail intense, avec mille questions qui se posent en permanence. On n’est jamais sûr de rien, alors recevoir un accueil comme celui que « Supernova » est en train d’avoir, c’est une vraie belle récompense.
Sur un titre comme "I’m A Woman", il est difficile de penser que Jessika n’en soit pas la parolière. Est-il aussi facile pour toi d’écrire que de composer ?
Oui, ça pourrait sembler surprenant, mais j’échange toujours beaucoup avec Jessyka avant d’écrire des morceaux qui la concernent directement. Mais c’est sûr que je préfère composer qu’écrire, parce que je suis plus adroit avec une guitare qu’avec un stylo.
Quels sont les thèmes qui t'ont inspiré pour l’écriture des paroles et pourquoi ceux-là en particulier ?
C’est très varié. Parfois, j’évoque directement Jessyka, pour raconter comment elle doit jouer des coudes pour se faire une place dans un milieu encore très masculin ou au sein d’un groupe où elle est la seule femme (rires). D’autres fois, j’aborde des thèmes plus universels, comme "Gone Tn The Sand", qui parle du temps qui passe et qui efface tout comme les sables du désert. Il m’arrive aussi de raconter des histoires, comme dans "Hel", où un viking s’apprête à passer dans l’autre monde. Il y a toutes sortes de sujets qui peuvent m’inspirer, mais je ne choisis pas vraiment, ça vient comme ça.

Enregistrer un album avec dix invités, c’est plutôt ambitieux. Cela a-t-il été facile de les convaincre ? Avant de les contacter, connaissaient-ils RED BEANS & PEPPER SAUCE ?
Oui, c’était un défi ambitieux, mais les difficultés étaient surtout d’ordre organisationnel. Il n’y a pas eu de réel obstacle pour convaincre les invités, car nous avons fait appel à des musiciens que nous avons eu la chance de croiser ces dernières années. Avec certains, nous avons même tissé des liens d’amitié, et l’envie de transformer ces rencontres en musique est venue naturellement. Ce n’est pas juste une accumulation de noms, mais une véritable alchimie artistique et humaine qui s’est créée autour de cet album.

On imagine que la technologie a été une alliée important pour réaliser cela et notamment pour le clip de "I Want To Take You Higher". Penses-tu que quelques années plus tôt cela aurait été possible avec les moyens qui sont les vôtres ? Pourquoi avoir choisi ce titre ?
Oui, sans la technologie actuelle, ce projet aurait été bien plus compliqué à réaliser, et surtout beaucoup plus coûteux. Aujourd’hui, on peut obtenir des images d’excellente qualité avec des smartphones de dernière génération. Le choix du titre, lui, vient de moi. J’ai proposé "I Want To Take You Higher" et le groupe a immédiatement suivi. C’est l’un de mes morceaux préférés de SLY AND THE FAMILY STONE. Il incarne parfaitement leur énergie incroyable et ce riff d’introduction, qui revient plusieurs fois dans le morceau, a un côté très rock que j’adore. D’ailleurs, ce n’est pas le seul titre du groupe à avoir cette légère touche "rock", "Sing a Simple Song", une autre de leurs pépites, repose sur un super riff de guitare que Prince a lui-même repris, et ils symbolisent parfaitement ce mélange d’influences qu’on voulait explorer pour cet album. Et puis ce morceau-là a une importance particulière pour moi, il a été une de mes portes d’entrée vers la soul music à une époque où j’écoutais plutôt du heavy blues anglais.
A l’heure où l’intelligence artificielle apparaît comme une révolution technologique majeure, penses-tu qu’elle pourrait se révéler utile dans ton processus de composition ? Une sorte d’assistant qui pourrait te proposer des idées que tu peaufinerais et donc t’aider à augmenter ta création ? J’entends par là un outil auquel tu pourrais soumettre tes références musicales, comme la discographie de RED BEANS & PEPPER SAUCE et tes influences et lui demander de te faire des propositions.
Je suis assez friand de nouvelles technologies et j’utilise de plus en plus l’intelligence artificielle. C’est effectivement un assistant, mais je ne m’en sers pas pour trouver des idées musicales. De toute façon, je ne sais composer qu’avec une guitare à la main. En revanche, elle m’est très utile pour apprendre. Par exemple, si tu veux en savoir plus sur un groupe ou un style de musique, tu peux évidemment taper son nom dans un moteur de recherche, mais tu peux aussi demander à l’IA de te faire une présentation détaillée, de te fournir des liens vers des vidéos, etc. On utilise aussi des logiciels pour produire les albums et réaliser les clips qui sont quand même assez complexes et tu peux remplacer des heures à chercher des tutoriels avec un moteur de recherche par une simple question à une intelligence artificielle qui va te guider pas à pas pour trouver la solution. A condition de bien savoir s’en servir, c’est un outil puissant pour apprendre et explorer plus efficacement.
Maintenant que Mbappé a signé au Real de Madrid, penses-tu toujours qu’il a fait le bon choix ?
Il a bien fait de m’écouter hein ? (rires) En tous cas, il a bien fait galérer Nathan Aké, le cousin de Jessyka, hier soir en collant un triplé à City ! (NDLR : match retour de la ligue des champions de football du 19 février, opposant le Real de Madrid à Manchester City).