6 novembre 2025, 17:05

GRANDMA'S ASHES

Interview Myriam El Moumni, Eva Hägen, Edith Seguier


​Depuis ses débuts, le trio GRANDMA'S ASHES se distingue dans le paysage musical français. Largement acclamés par la presse française, l'EP "The Fates" et le premier album "This Too Shall Pass" explorent le stoner et le rock progressif en y mêlant des éléments singuliers. Avec son deuxième album "Bruxism", GRANDMA'S ASHES redéfinit les contours de son identité musicale. Nous nous sommes entretenus avec les trois membres du groupe, Myriam El Moumni, Eva Hägen et Edith Seguier, pour explorer l'univers et les thématiques de cet album.
 

Votre album « Bruxism » parle beaucoup des souffrances du quotidien et de notre passivité face au monde qui nous entoure : "Sufferer" raconte comment les micro-agressions nous atteignent en permanence, "Cold Sun Again" traite de la dépression et l’absence de sensations qu’elle entraîne, "Neutral Life Neutral Death" parle de la vie comme d’un passage bref et neutre avant que la mort nous emporte. Qu’est-ce qui vous a inspiré les titres de cet album ?
Eva Hägen : Nous. (Rires) On s’est inspiré de notre quotidien dans une grande ville. Ça fait douze ans qu’on vit à Paris toutes les trois et le fait de travailler, enchaîner la vie de groupe, les petits boulots à côté pour pouvoir subsister et d’être dans une société très stressante qui nous fait sentir que, si tu ne donnes pas l’entièreté de ta personne, tu es très remplaçable. Il y a beaucoup de stress dans nos carrières de manière générale et aussi dans notre vie, dans le monde qui s’accélère énormément et nous demande d’être ultra productifs. On nous demande tellement de l’être qu’on n’a plus le temps de passer des bons moments avec les gens qu’on aime ni de se reposer.
Il y a aussi le côté de broyage machinal du quotidien, le célèbre métro-boulot-dodo. Même quand on est artistes et qu’on vit dans une grande ville, encore plus quand on est une femme, on subit beaucoup le côté très capitaliste du système dans lequel on est où il faut tout le temps produire et être au maximum de ses capacités, ne jamais être malade ni aller mal, être toujours beau, bien maquillé et présentable, fort, résilient, souriant, etc. Mais c’est si peu humain ! Il y a vraiment dans cet album et dans les thématiques abordées une opposition entre le corps et la machine, comme si on était un poulet en train de se faire broyer dans un abattoir, donc c’est l’enfer ! J’ai l’impression d’être accrochée à quelque chose avec plein d’autres personnes. On défile et on se fait broyer, hacher menu et mettre dans des petites barquettes standardisées mais ça n’est pas du tout humain, ça n’a plus de sens de vivre comme ça.
Je pense aussi que c’est une forme de réalisation qui nous arrive parce qu’on approche toutes les trois de la trentaine. On se demande si tout ça a vraiment du sens, si on a envie de déménager, si, une fois rentrées de tournée et broyées par le rythme des mails, des coups de fil, des réseaux sociaux, des réseaux tout court aussi, de la politique, du gouvernement, des manifestations, etc., on voit encore notre famille, si on a encore des ami.e.s, si on aime encore quelqu’un, si on va bien, si notre psy va bien (rires). C’est un peu un album qui se demande : « Putain mais qu’est-ce que c’est que cette machine ? Pourquoi on se fait ça ? Pourquoi est-ce que je suis docile et je courbe l’échine ? Est-ce que je ne referais pas une deuxième crise d’adolescence pendant laquelle j’aimerais tout envoyer bouler ? ».
Edith Seguier : C’est aussi la question de savoir ce qu’il y a quand on dit « Merde ! » à tout ça. Qu’est-ce qu’il se passe quand on reprend le contrôle de sa vie ? Est-ce qu’on peut reprendre le contrôle de nos corps ? Est-ce qu’il y a de la liberté derrière toute cette violence ? Que sommes-nous si nous ne nous définissons pas par notre travail, notre statut social, etc. ? ». C’est l’ensemble de ces questions qui nous a permis de nous réunir toutes les trois et de nous dire qu’on allait parler de ces thématiques.

Comme une séance de thérapie collective !
Myriam El Moumni : Exactement ! (Rires) Comme chaque album et comme toutes nos répétitions ! (Rires)

J’ai l’impression que vos inspirations musicales se sont diversifiées depuis le premier album : sur celui-ci, on entend davantage de grunge, un peu de metal industriel notamment sur "Flesh Cage" et du metal gothique sur l’ensemble de l’album. Vous avez choisi de regrouper l’ensemble de ces influences sous le terme d’alternative goth rock. Pouvez-vous nous dire comment vous avez élaboré ce style et nous en parler davantage ?
Eva Hägen : On a beaucoup de mal à correspondre à un style en particulier. On partait du principe qu’on faisait du stoner / rock progressif mais plus le temps passe, plus on se dit : « Ce n’est pas vraiment stoner, ce sont juste des riffs lourds. » et « Ce n’est pas vraiment prog, c’est juste un peu narratif. ». Donc c’est un peu tout et rien en même temps. Pour le terme « alternative », c’est pratique parce que c’est fourre-tout et c’est aussi bien pop que metal si on en a envie, « goth » pour l’esthétique qui est très gothique et pour toutes les thématiques qui sont des thèmes tabous et sombres comme la mort, le deuil, la dépression, la rébellion, etc. Pour le style musical, ça peut aller d’influences très new wave à des influences très nu metal et très grunge, ce qui rentre dans l’étiquette gothique. Donc on a trouvé ce nom en se disant qu’on avait enfin un nom suffisamment large pour contenir tout cet album et toutes nos influences de manière générale. Quand on se demande ce qu’on écoute toutes les trois, l’une écoute de la musique classique baroque et une autre écoute DEFTONES, donc il nous fallait quelque chose qui résumait tout ça. C’est gothique, alternatif, il y a des passages ambient, d’autres qui sont instrumentaux, du growl, du chant lyrique, un peu de tout finalement, donc c’est une étiquette très pratique.

Combien de temps avez-vous mis à trouver cette étiquette ?
Myriam El Moumni : Pas si longtemps ! On se posait la question du côté new wave à cause des sonorités plus froides et des chorus plus nombreux de l’album. Certains morceaux sont un peu gothiques donc on s’est dit que le new wave était trop réducteur et trop codifié pour nous. Ça faisait longtemps qu’on pensait au rock alternatif parce que c’est le plus populaire des genres de rock pour le côté presque pop rock : on écrit des chansons avec la volonté de faire des mélodies relativement catchy, mais dans le même temps, on va prendre plein d’éléments de plein de genres différents, d’où le terme « alternatif ».
Edith Seguier : Mais en même temps, on s’est dit qu’on était un peu plus que du rock alternatif et qu’on est un peu gothique aussi. On avait envie d’ajouter la saveur « dark », l’épice sombre, le petit chocolat. (Rires)

On peut entendre davantage d’expérimentations vocales sur cet album : du chant lyrique polyphonique, du Vocoder et du growl. Eva, tu publies régulièrement des vidéos sur les réseaux sociaux dans lesquelles tu fais des reprises chantées à plusieurs voix. D’où vient cette volonté d’avoir une identité musicale aussi diversifiée, qui puise aussi bien dans le médiéval que l’électronique, en passant par le metal ? Comment ces expérimentations se sont-elles inscrites dans l’identité musicale de GRANDMA’S ASHES ?
Eva Hägen : C’est un album sur lequel on a eu envie d’être beaucoup plus libres. Le fait de changer d’étiquette était aussi pratique pour qu’on arrête de se restreindre à un genre en particulier : on se disait que si on en sortait, ça ne ferait pas plaisir au public de cette niche musicale. Par exemple, les gens qui pensent qu’on fait du stoner vont probablement péter des câbles en entendant du Vocoder. (Rires) Donc c’est une façon de dire qu’il y a un peu de tout, que le public peut piocher dans ce qu’il aime et pour le reste, il peut faire avec. Donc beaucoup de liberté dans la voix, mais aussi instrumentalement parlant : les effets joués par Myriam, les influences d’Edith et la place de la basse par rapport à la guitare, qui change un peu puisqu’elle monte davantage dans les aigus, elle est un peu mélodique et parfois moins rythmique.
Par rapport à tout ça, il manquait un élargissement de la palette vocale pour qu’on puisse piocher dans absolument tous les styles. Par exemple, on n’avait encore jamais beaucoup exploré le black metal et on le fait dans "Dormant", la dernière chanson de l’album. Avec Myriam, on s’est dit : « Peut-être que tu pourrais faire un solo un peu black metal et qu’on pourrait rajouter du growl ? ».
Myriam El Moumni : Ça sert toujours le propos de faire ça. Le texte a été écrit par Edith et il parle de l’acceptation du deuil et du passage à la mort, on y parle notamment du fleuve de l’enfer. Quand on me parle de fleuve de l’enfer, j’ai envie de faire un solo de black metal ! (Rires) C’est une évidence ! On ne se refuse rien : si le texte en parle et qu’Eva choisit de l’interpréter en growlant, pourquoi ne pas faire ça ? En plus, il nous manquait un closing d’album donc on s’est dit que ça serait parfait.
Edith Seguier : Il y a aussi d’autres groupes qu’on adore comme AMENRA et CULT OF LUNA qu’on écoute beaucoup et on n’avait pas encore osé s’en rapprocher. Puis Eva s’est mise au growl, on avait envie d’aller dans cette esthétique et maintenant, on a envie de continuer à l’explorer.
Eva Hägen : On assume aussi d’être moins catchy sur certains titres. Je connais peu de groupes, mis à part KORN et quelques-uns de nu metal, qui font sauter les gens sur une énorme partie de growl. On a vu AMENRA quand on a joué avec le groupe aux Francofolies de la Rochelle (édition 2024 des Nuits Collectives, ndlr) et je me suis dit que si les gens ne tapaient pas dans leurs mains ni ne faisaient d’immenses circle pits mais qu’à la place, ils préféraient pleurer dans le mosh pit, c’était aussi une vibe.
On ne sera pas un groupe nul si les gens ne chantent pas des chansons paillardes en étant bras dessus bras dessous pendant nos concerts. On peut aussi faire des musiques pendant lesquelles les gens sont concentrés et réfléchissent, voire lâchent une larme. On le faisait déjà sur le premier album mais on ne l’assumait pas à chaque concert. Parfois, on avait envie que les gens fassent la fête alors que ça n’était pas vraiment le cas. Cet album a donc été conçu, autant pour les influences que le déroulé des titres et la scène, comme une expérience de A à Z avec les titres forts dans un premier temps et ensuite, on est bras dessus bras dessous pour resserrer l’étreinte : on a commencé en faisant la fête ensemble et maintenant, on est ensemble pour les sujets durs. On a passé toutes les phases du deuil jusqu’à arriver à l’acceptation. C’est une forme de thérapie express finalement !

J’ai une question sur vos vies d’artistes respectives. Vous avez chacune d’autres projets musicaux en dehors de GRANDMA’S ASHES : Edith tu joues de la batterie dans le groupe pop ELEPHANZ, Myriam tu joues dans le projet hybride électronique KO SHIN MOON et Eva tu joues dans le groupe grunge rock JELLY DIVE. Comment tous ces projets s’équilibrent-ils et, éventuellement, nourrissent votre travail au sein de GRANDMA’S ASHES ?
Eva Hägen : Je ne joue plus dans JELLY DIVE depuis un mois : j’ai fait mon dernier concert avec le groupe le mois dernier en leur annonçant que la tournée avec GRANDMA’S ASHES allait être telle que j’avais envie de me concentrer sur ce projet, puisque c’est mon projet de vie. Je joue encore pour l’artiste qui s’appelle Shadi, un.e artiste chanteur.euse qui fait de l’électro. Je pense qu’on est toutes les trois d’accord sur le fait que la pluralité de nos projets respectifs nous a inspirées, notamment la pluralité d’instruments, d’autres façons de jouer qui sont plus modernes et d’autres styles qui sont très électro. J’ai appris à me servir d’un ordinateur sur scène, ce que je ne pensais jamais faire en tant que bassiste / chanteuse et c’est pareil pour Edith et Myriam.
Myriam El Moumni : C’est pareil avec KO SHIN MOON : on faisait de la musique traditionnelle arrangée de manière électronique. L’ordinateur a donc une place très importante dans le projet et ce que j’apprécie, c’est qu’on continue à jouer pour de vrai. En tant que power trio, on n’utilise aucune machine sur scène et on avait peur qu’avec l’ordinateur, le set soit figé et qu’on joue moins ensemble. Mais grâce à ce projet, j’ai appris comment on pouvait arriver à faire un live hybride qui fonctionne bien. On avait envie de le faire avec GRANDMA’S ASHES depuis longtemps, surtout avec les arrangements du deuxième album. Le fait d’avoir cette expérience nous a permis d’amener notre nouveau set : on continue à interpréter nos morceaux sur scène et à jouer tout en arrivant à intégrer nos arrangements et à produire le live pour le rendre plus moderne grâce à l’aspect plus électro.
Edith Seguier : Je pense qu’on l’a un peu vu comme une sortie d’une très longue relation monogame exclusive. (rires) On passait tout notre temps ensemble et, au bout d’un moment, on arrivait un peu à bout de souffle et on se demandait comment se renouveler. Il fallait donner un nouveau souffle à notre couple en l’ouvrant ! (rires) Ça m’a fait énormément de bien de voir comment bossent les autres. Les membres d’ELEPHANZ ont la quarantaine, ils font de la musique depuis longtemps et ils ont un style totalement différent. J’ai joué au Metronum (Scène de musiques actuelles de Toulouse, ndlr) et le fait de voir comment ils travaillent, écrivent et arrangent le live m’a beaucoup apporté. Par exemple, quand on a composé "Sufferer", je suis arrivée avec le rythme disco sur le couplet et tout le monde s’est dit : « On sent l’influence du disco. », notamment de "Four to the Floor" avec la croche au charlé et les rythmes disco très dansants. Ça a vraiment nourri mon jeu, j’ai senti une métamorphose à ce niveau-là, ça m’a aidée à être plus précise en tant qu’instrumentiste et ça a clairement nourri les compositions. On a toutes amené plein de choses et on s’est encore mieux retrouvées après la pause qui a suivi la tournée du premier album et qui a précédé la prochaine tournée, ça nous a beaucoup enrichies.


Vous avez sorti trois clips pour cet album, chacun avec une esthétique bien particulière qui témoigne de votre évolution et de vos choix artistiques. "Sufferer" a une esthétique plus simple dans le sens où on vous voit jouer toutes les trois dans un lieu abandonné, "Cold Sun Again" ressemble davantage à un court-métrage qui met en scène la dépression chronique de façon symbolique et "Saints Kiss" reprend le format et l’aspect de pellicule vieillie d’un clip des années 90 ou 2000s. Pouvez-vous nous parler des tournages de ces clips ?
Eva Hägen
: On a tourné les trois clips avec Julien Metternich avec qui on avait déjà tourné les clips de l’album précédent. C’est vrai que comme on a l’habitude de tourner avec lui, il est devenu très adaptable et ouvert à nos influences respectives donc on lui a parlé des sujets des chansons et il savait à peu près où il allait mettre les pieds. Il est vraiment très ouvert et quand on refuse une idée, il accepte tout de suite de partir sur autre chose.
Je pense que le grunge revient vraiment dans les trois clips. Pour "Saints Kiss", on a quelque chose de très inspiré par les nineties et MTV, très énergique et très proche de KORN avec les mains devant la caméra, mais aussi peut-être un peu plus classique et proche du cliché grunge rock qui fait plaisir et qui va vraiment avec la chanson, un peu bizarre, torturé et weird vraiment proche de KORN.
Pour "Cold Sun Again", on voulait quelque chose d’un peu saturé et qui soit un hommage à des groupes de grunge comme SOUNDGARDEN. On avait de nombreux clips des années 90 en tête comme ceux de STONE TEMPLE PILOTS et de SOUNDGARDEN, dans lesquels on voit des entités et des personnes qui représentent la dépression, le malaise, quelque chose qui ne va pas, des thèmes totalement grunges comme la rébellion et le mal-être de manière générale. On voulait quelque chose d’un peu vintage, passé, pastel et coloré mais brûlé, un peu dérangeant, y compris dans les lieux qu’on a choisis, puisque "Saints Kiss" et "Sufferer" se déroulent dans le même endroit. On voulait quelque chose de brut, éclaté, décharné et Julien a trouvé les endroits parfaits pour tourner tout ça. La carrière de sable aussi, qui est très surréaliste et un peu absurde : « Pourquoi y a-t-il un lit dans le sable ? Okay, bravo Dalí ! ».
Edith Seguier : On est allé dans un sanatorium aussi pour "Saints Kiss" et "Sufferer", un endroit où les tuberculeux étaient soignés il y a quelques années et qui est maintenant un lieu d’urbex avec des longs couloirs totalement désaffectés et des gens qui font du paintball. (rires)

Vous avez enregistré votre deuxième album au studio ICP en Belgique en février dernier, vous en avez même fait des vlogs très drôles visibles sur les réseaux sociaux. Pourquoi avoir choisi ce studio ? Comment s’est passé l’enregistrement ? Et qu’est devenue la pédale en forme de crâne que vous utilisiez ?
Eva Hägen : La pédale en forme de crâne est malheureusement restée au studio. Elle est introuvable, mais on a imprimé une photo ! (rires) C’est une pédale Dr.no effects, une marque très compliquée à trouver et cette pédale l’est encore plus ! Les yeux changent de couleur à chaque fois qu’on appuie dessus, je ne la retrouverai malheureusement jamais.
Quand on était à ICP Studio, on a travaillé avec le réalisateur Jesse Gander qui a réalisé les albums de BRUTUS, un groupe qu’on aime beaucoup toutes les trois. On était très heureuses de pouvoir travailler avec lui parce qu’on avait eu un très très bon feeling quand on avait parlé à plusieurs personnes avec lesquelles on voulait travailler. Il nous ressemblait : il était tatoué et il avait une coupe de cheveux émo donc, malgré le fait qu’il ait 45 ans, on s’est dit qu’on allait très bien s’entendre avec lui et qu’il serait réceptif au côté un peu émotif de nos chansons. Il était très à l’écoute et très humble dans sa façon de travailler avec nous. Éthiquement, on était aussi sur la même longueur d’ondes.
Edith Seguier : On a eu beaucoup de chance parce qu’en signant chez notre nouveau label Verycords, on avait pris énormément de retard à la signature du contrat, au point où on pensait que l’album sortirait l’année prochaine. Et à la signature, ils nous ont dit : « On vous a réservé deux semaines à ICP à Bruxelles, on espère que ça vous va ! Vous allez pouvoir dormir sur place, il y a un hangar rempli de matériel alors vous pouvez faire ce que vous voulez. » C’est vraiment une chance, c’est la première fois qu’on se mettait aussi bien ! On avait aussi un chef cuisinier qui nous cuisinait le matin, le midi et le soir donc c’était le luxe absolu. C’était vraiment incroyable de créer dans ces conditions : quand on est arrivées, tout était prêt ! C’était assez royal de pouvoir enregistrer dans ces conditions-là et j’espère qu’on y retournera !

Parlons des tenues que vous avez choisies pour faire la promotion de cet album : la direction artistique est plus rouillée et métallique, elle est plus tranchée, plus tranchante et beaucoup plus affirmée. Quelles étaient vos inspirations pour ces tenues et quel est le lien avec les thématiques de l’album ?
Eva Hägen : Je pense qu’on a eu des inspirations qui étaient effectivement beaucoup plus tranchées. On s’est mises d’accord assez rapidement sur nos inspirations visuelles et fashion par rapport au nom de l’album. Je suis venue avec la carte « Hellraiser » donc beaucoup de choses métalliques et liées au body horror de manière générale : des épingles à nourrices, des vêtements un peu serrés, des choses qui brillent, reflètent des lumières étranges, un côté plus « créature » et aussi plus artistique. Pour ces tenues, on a travaillé avec différentes personnes : on a fait intervenir des créateur.ice.s qui étaient inspiré.e.s par la mode très grunge, très berlinoise, fashion et BDSM aussi. On avait envie de quelque chose de plus metal, un peu plus dérangeant, qui montre et valorise cette idée de contrainte physique, d’où les chaînes sur la pochette de l’album et les bandages que porte Edith sur le torse par exemple.
Pour les matières, on a utilisé du latex, du vinyle, des chaînes, plein d’éléments rouillés et d’autres qui nous ont piquées pendant les shootings photo. Je me suis embrochée de très nombreuses fois avec les épingles à nourrice pendant les tournages. Ça va très très bien avec le côté micro-agressions de l’album car ce sont des petites choses qu’on subit, des petits trucs rouillés et toujours avec l’idée de trois cénobites des enfers très torturés. On voulait quelque chose de plus metal, plus tranché, mais aussi plus gothique que l’esthétique précédente qui était gothique mais plutôt baroque. Là, comme l’album a des sonorités plus industrielles, il fallait le marquer avec des chaînes et des crochets pour évoquer l’aspect « à la chaîne ».

Le vendredi 3 octobre, vous avez donné un concert presque top secret en première partie de Witch Club Satan au Petit Bain. Vous avez très peu communiqué dessus, mis à part sur votre canal Instagram. Pourquoi ce choix d’un concert presque confidentiel pour débuter la tournée de l’album ?
Edith Seguier : C’était la première date de la tournée, on voulait tester la scénographie et le nouveau set. On a travaillé dessus pendant une résidence de deux semaines et jouer avant WITCH CLUB SATAN représentait une opportunité de toucher un public qu’on ne connaît pas forcément. Il y avait aussi un aspect stratégique pour nous rapprocher de leur booker et on s’est dit qu’on ne prenait pas un gros risque parce qu’on connaît la salle du Petit Bain. Ça nous a aussi permis de renouer un peu avec notre public qu’on n’avait pas vu depuis deux ans et de présenter des places un peu en exclusivité aux vrai.e.s fans hardcore. (rires) Il y avait aussi des gens qui nous connaissaient dans le public mais qui venaient voir WITCH CLUB SATAN et qui ne savaient pas du tout qu’on allait jouer avant. C’était un plateau infernal ! Ça nous a permis de nous échauffer un peu avant la tournée qui débutait le lendemain avec trois dates par semaine jusqu’en décembre, ça va être super !


La scénographie des concerts pour ce nouvel album est très différente de celle de « This Too Shall Pass » : il y a des chaînes, des lumières très vives et très contrastées, elle est immersive et très impressionnante. J’ai trouvé qu’elle ajoutait un niveau de lecture à l’album. Comment l’avez-vous construite et quelles étaient vos inspirations ?
Eva Hägen : Au départ, on voulait poursuivre la vague industrielle et renforcer le propos sur le broyage du quotidien à la chaîne qu’on voulait exprimer dans l’album. On s’est dit qu’on parlait d’une boucherie et d’un véritable abattoir et cet album pose les questions du quotidien de la vie d’adulte et de ce qu’il contient, de savoir pourquoi on survit dans tout ça, de l’aspect capitaliste et sur-consommateur de ce qu’on fait. Donc l’imagerie metal et celle de la boucherie étaient parfaites pour ça. C’est une imagerie qui a été surexploitée par beaucoup de groupes indus comme RAMMSTEIN, POWERMAN 5000 et très certainement NINE INCH NAILS. On a voulu le faire à notre sauce, toujours de manière un peu colorée avec les rideaux rouges pour évoquer la violence, sans pour autant faire comme POGO CAR CRASH CONTROL dont l’une des anciennes scénographies comportait des amplis blancs sur lesquels on voyait des éclaboussures rouges façon accident de voiture très violent. Comme on a un côté plus contemplatif que violent et rapide, on voulait plutôt évoquer cette violence par des lumières rouges et des contrastes forts, ça nous semblait plus élégant que quelque chose de très violent, malgré les stroboscopes qui détonnent un peu. On voulait accentuer le côté indus et usine avec les chaînes qui pendent du plafond et des pieds de micro.
Edith Seguier : Je trouve que c’est une scénographie qui permet de dire : « Bienvenue dans la boucherie ! ». Il y a un moment où ça faisait beaucoup rire notre entourage parce qu’Eva et moi (Edith) sommes végétariennes donc on ne va pas souvent dans une boucherie, mais les gens cautionnent de la violence sur les animaux puisqu’ils cautionnent la violence entre nous, on se bouffe constamment les uns les autres ! On a fait une scéno cannibale finalement ! (rires) On est déjà dans tout ça sans s’en rendre compte, c’est juste qu’on ne le voit pas forcément avec ces éléments-là mais c’est le décor du quotidien quand même.

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