21 février 2014, 23:23

VULTURE INDUSTRIES @ Paris (La Boule Noire)

Act I : l’Orakle ne se trompe jamais.

Dès le premier coup de caisse claire, le ton est immédiatement explicite. Le style pratiqué par ORAKLE, groupe formé en 1994, est sans hésitation Black Metal mais a la particularité d'incorporer des claviers ainsi que des chant clairs de façon régulière. "Encore un ?" direz-vous... mais non. Plus le set avance, plus le relief musical laisse entrevoir une multitude de strates. La musique proposée ici ne cesse de varier : autoritaire, mais qui garde une certaine latitude mélodique, du progressif de qualité en quelque sorte. A noter que les paroles sont dans la langue locale...

Les discrètes nappes de claviers donnent une profondeur et une atmosphère maculée d'une subtile noirceur à ces longs morceaux. Autre point notable, le niveau technique des Français est déconcertant. Les titres tiennent en haleine le mince auditoire que nous formons, tel un bouquin dont on désire feuilleter les pages pour en savoir plus.
Avant dernier morceau au chant élancé et pour finir avec le dernier, faisant preuve de mysticisme. Rapide, précis, un public satisfait et une belle découverte pour certains. Selon les dires d’Achernar, l’honorable bassiste-chanteur, leur prochain album devrait être disponible d'ici peu, alors avis aux amateurs, c’est que du bon.

 

Act II : hymne à la démence.

Les ténèbres s’abattront de nouveaux quelques minutes plus tard. Le quintet arrive silencieusement, se tient dans un premier temps face à nous, immobile, muet, il est totalement imperturbable. Seul le prologue d’une voix émanant de nulle part est audible. Bjørnar Erevik Nilsen, le chanteur, se trouve sur un petit piédestal, comme un chef d’orchestre à l’allure martial, il est pour l’instant calme. Un étrange personnage chauve et luisant l’accompagne de près, tel un esclave, dépourvu d'émotion, presque nu et intégralement recouvert d'argile, mains et pieds enchaînés, celui-ci le toise bizarrement et surtout de façon insistante…
Les autres sont pieds nus sans exception et en costume militaire gris, de très vieux modèles mais classe. Le batteur fait figure d’exception avec sa chemise noire et ses bretelles. Notons aussi une insolite créature, plutôt pas très grande, fine, cachée par une cape blanche, qui nous tourne le dos, devant à un drap lui aussi blanc où sera projetées diverses animations vidéos (de leurs prestations passées). Un ange passe, mais quand ça débute avec le titre "The Tower", plus rien ne les arrêtera ensuite.

Justement, et la musique dans tout ça ? Même si les deux sont liés, il est limite difficile de se concentrer dessus tellement le symbolisme est intrigant et captivant. Contrairement à la pièce de théâtre qui se déroule devant nous, le son de VULTURE INDUSTRIES est moins barré que leur mise en scène, il est même très accessible. Mélange de Jazz avec du Metal extrême (avant-gardiste ?), à la fois brute et raffiné, les compositions sont de bon aloi. L’étiquette Black de leur début est désormais obsolète. Le chant est épais, baroque, combiné avec des mimiques à faire frémir Jack Nicholson. Le coté sombre ne prendra jamais le dessus et sera généralement suivi d’une mélodie plus entraînante, donnant l'envie de se prendre par la main, descendre parmi les fans et de parcourir joyeusement la fosse dans tous les sens (ils le font).

 

Revenons sur cette curieuse personne n’étant plus cachée à présent, elle ne tardera pas à se poster au milieu de la scène et se courber le corps, la tête positionner en arrière telle une possédée puis... elle va finalement s'effondrer par terre. Son âme-sœur crasseux se placera derrière une petite table et entrechoquera, plutôt mollement, des briques entre-elles, à une cadence curieusement réglé comme du papier à musique. L’onde produit un nuage de poussière et formera bientôt de petit morceau s'étalant aux alentours.
Tel un malade en pleine crise de délire, Bjørnar giera au sol longtemps pour le pourtant élégant "Lost Among Liars", enchaîné et asservi à son tour, se débattant comme un beau diable, soufrant et hurlant tout son mal-être. Pendant ce temps, un autre acteur, plus discret, portant une combinaison anti-radiation, modèle 1986, semble être le témoin de cette scène, il se baladera de droite à gauche tout en filmant ce happening complètement fou.

Act III : l’union fait le chaos.

L’épilogue de la jeune femme en blanc au crâne argileux annonce t’il le rappel ou un tournant dans le spectacle ? Pour ce premier point il est encore trop tôt, pour le second, il semblerait que l’espace scénique n’appartienne plus qu’aux cinq travailleurs de l’ordre dans le désordre (pour le coup dans le vrai sens du terme à en juger le capharnaüm régnant sur les planches).
Pendant l’intense "The Bolted Door", Bjørnar semble souffrir, grimaçant, à deux doigts de pleurer, sa voix limpide reste agréable, il baisse le regard tout en battant la mesure avec son tambourin. Après le salut de clôture, on croit que c'est terminé... et bien non ! Ils reviennent subitement, presque une surprise, "marcel" blanc et bretelles pendouillantes pour deux ultimes titres. Toutes les bonnes choses ont une fin (comme son leader le dira si bien), ce morceau nous est dédicacé avec en prime un petit bain de foule. Les applaudissements résonneront longtemps.

Groupe singulier, tourmenté, au visuel et concept fort (quasiment plus que la musique en elle-même), possède un vrai talent d'expression artistique, la Norvège ne fait jamais dans la demie-mesure c'est bien connu. J’invite alors ceux qui ne connaissent pas ces Messieurs, à se pencher attentivement sur le cas VULTURE INDUSTRIES, peut-être une future conversion ? J'aurais juste, pour finir, une petite pensé aux personnes chargées de nettoyer la scène...

Blogger : Jérôme Graëffly
Au sujet de l'auteur
Jérôme Graëffly
Nourri dès son plus jeune âge de presse musicale, dont l’incontournable HARD FORCE, le fabuleux destin de Jérôme a voulu qu’un jour son chemin croise celui de l'équipe du célèbre magazine. Après une expérience dans un précédent webzine, et toujours plus avide de nouveautés, lorsqu’on lui propose d’intégrer l’équipe en 2011, sa réponse ne se fait pas attendre. Depuis, le monde impitoyable des bloggers n’a plus aucun secret pour lui, ni les 50 nuances de metal.
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