BUCKCHERRY, pourtant présent depuis plus de quinze ans sur la scène rock et metal internationale, reste chez nous une obscurité relative et méconnue, un petit challenger quelque peu négligé, pour être honnête à la hauteur de toute l'attention qu'il a daigné porter sur notre pays - et sur l'Europe en général. Bien sûr, chez le peu d’initiés dont nous faisons au final réellement partie, le premier album éponyme de BUCKCHERRY en 1999 fut une bombe, une bombâsse défiant les lois depuis longtemps dégringolantes du sleazy-rock.
Petite leçon sleaze rock : dérivé du rock’n’roll à cheval entre le glam rock des NEW-YORK DOLLS, le punk des STOOGES, des DEAD BOYS et des HEARTBREAKERS de Johnny Thunders (toujours lui), ainsi que le hard-rock d’AEROSMITH, popularisé par le heavy-rock de GUNS N’ROSES en 1987 et le mètre-étalon absolu du genre « Appetite For Destruction ». Plus qu’accessoirement, les groupes pratiquant le sleaze rock ont pour dénominateur commun une addiction à la sexualité des plus débridées, et l’usage aussi interne qu’externe des aiguilles dans leur peau - héroïne et tatouages pour ceux qui ne comprendraient pas. L’âge maximum pour pratiquer le genre est de 27 ans, passé l’anniversaire, vous êtes soit mort soit inintéressant au possible. Ah, et les groupes de sleaze rock sont rarement écoutables passés leur premier album : le genre ayant tellement été associé au hair metal US de 1987 à 1991 que les groupes se sont complus dans une formule édulcorée après leur premier disque d’or.
Un peu le cas de BUCKCHERRY, à peu de choses près. Sexe, tattoos et héro’ : check. Premier album phénoménal, check, check. Deuxième album pas terrible, yep. Et à la trappe, split, exit, out. Jusqu’à ce qu’ils reviennent miraculeusement avec « 15 » en 2006, manifeste sleaze aussi dégueulasse que brillamment foutu, au point que leur hit-single « Crazy Bitch » (une histoire de nana un peu fofolle à faire rougir les mecs de STEEL PANTHER) détrône le "Girls Girls Girls" de MOTLEY CRUE sur tous les cat-walks des Nude Clubs de Sunset Noulevard et du Strip’ de Vegas, toutes les strippeuses s’effeuillant et bougeant leurs petits culs remplis de billets de $5 avec encore plus de ferveur sur ces BUCKCHERRY bien plus allumés.
Mais derrière « 15 », bof. « Black Butterfly » ? OK, trois chansons. Le concert « Live & Loud 2009 » ? Merdique, censuré, bippé, merde. « All Night Long » en 2010 ? Sympathique, mais vite rangé. Enfin, « Confessions » en 2013 ? Une chanson, « Gluttony », même pas le pêché le plus excitant, peut être validée, chanson potentielle que l’on pourra retenir. Le reste… pffff, on est déçu, déçu, déçu.
Déçu sur disque depuis huit ans, c’est trop, largement trop pour qu’un groupe continue néanmoins à nous émoustiller dès lors qu’on l’évoque. La complaisance de la nostalgie -déjà ?- nous gagnerait-elle, aux noms seuls de ces poignées de chansons issues des albums 1 et 3 ? Non, car sur scène BUCKCHERRY est absolument phénoménal, le groupe étant bien trop rare pour que l’on joue les blasés ou que l’on ressente la moindre lassitude - BUCKCHERRY a même gagné l’une de nos préférences lors du dernier Hellfest, même en y jouant moins d’une heure, sans la moiteur de la nuit, ni les gros seins affichés tels le gimmick du carnaval STEEL PANTHER. Josh Todd est une bête de scène, doublé d’une gueule à laisser des traces humides de gastéropode dans le slibard du plus borné des mâles burnés.
O surprise, moins de deux mois après les avoir vu sur scène, BUCKCHERRY sort un EP déjà culte répondant au doux nom de « FUCK ». Six titres ayant pour point commun le mot "fuck" subtilement usité dans chacun des titres, et donc des impayables refrains ornant cette galette turgescente.
« Fuck » ou bien les couilles de tendre un beau majeur humecté de salive à la face des détracteurs, des mous, des cons, des insensibles, des moutons et des mal-baisés. Une leçon bien punk de rendre à César : BUCKCHERRY se réapproprie la couronne sleaze en un revers discographique doublé d’un bras d’honneur aux labels, aux médias, à son public branché et peut-être même à lui-même, trop coupable d’avoir joué le jeu de la sécurité pendant presque dix ans de succès douillet aux US exclusivement. Même les princes du sleaze rock, les GUNS N’ROSES ou Slash n’auraient jamais osé franchir le Styx imposé par les limites du « Parental Advisory » - et encore moins les jadis odieux MOTLEY CRUE (jadis = 1984) qui, au pire, ont publié il y a deux ans UNE seule chanson soi-disant scabreuse, euh, « Sex » - que tout le monde a oublié, si ce n’est écouté. Oooouh-lààààà !!!
Non. BUCKCHERRY en 2014 ose le EP, là où SKID ROW n’ose même pas les albums mais foire quand-même ses propres EPs anecdotiques - seul DOWN les réussit, mais dans un autre genre…
Six ambiances assez distinctes pour ce « FUCK » dévastateur : « Somebody Fucked With Me » fait dans le sleaze classique, tout le monde en prenant pour son grade (parents, profs, système, religion, politiciens, avocats : c’est un peu la fête à ta mère façon punk à chien, ode adolescente envoyant chier à peu près tout autour). Dans la veine de l’album solo complètement méconnu de Josh Todd (le très rageur et énervé « You Made Me », parfois limite hardcore !), « Somebody Fucked With Me » s’impose, balls tout devant et jouit de la production du guitariste Keith Nelson, associé au mixage bien credo de l’inattendu Joe Barresi derrière la console (QUEENS OF THE STONE AGE, FU MANCHU, MELVINS, BACKYARD BABIES, CLUTCH, BAD RELIGION, KYUSS, TOOL, AMEN, SATYRICON, oh, des broutilles).
« The Motherfucker » poursuit dans le genre sleazy, un poil plus pop et radio-friendly malgré son titre et, quand même, les grosses guitares ! « I Don’t Give A Fuck » joue sur un terrain groovy et funky, que pourrait occuper les Stones ou Aerosmith, mais à leur façon, sale, sexuelle, encore une excuse pour faire bouger les fesses de n’importe quelle demoiselle, avant ou pendant le coït. « It’s A Fucking Disaster » joue le rôle de la power-ballad déchirante et virile, oscillant entre énervement punk et chanson d’amour vache façon Vilnius. « Fist Fuck », après tout ça, vous la met donc profond et large en même temps, glaviot punk mêlant sang, foutre et chique, 2’22 de verve animale et antisociale déclamée comme un gamin éraillé de 17 ans - et pas comme un quadra végétarien et yogi master vivant dans les collines d’Hollywood, bien au-dessus et au-delà des cendres du club Cathouse de Sunset, popularisé par les FASTER PUSSYCAT en 1987.
Cerise sur le cake, la chanson N°2, que nous dévoilons à la fin tant la surprise est bonne : « Say Fuck It » n’est que la reprise du tube dance-pop « I Love It (I Don’t Care )» du duo de DJs suédois Icona Pop : depuis plus d’un an, vous l’avez tous entendu, écouté, et vous vous êtes tous dit « ça, avec des guitares et un mec qui beugle, ça aurait de la gueule ». Voilà, BUCKCHERRY l’a fait pour vous, façon sleaze et guitares très AC/DC style, époque « Thunderstruck ».
Leçon terminée.
Ah si : personne n’ayant encore commercialisé ni distribué cet EP outrageux, les BUCK’s s’en chargent eux-même en créant leur label F-Bomb. Et comme personne n’a encore eu l’idée ou les cojones de le défendre, on se l’est procuré nous-même.