Explications de Textes METALLICA : "Enter Sandman"

Après avoir proposé des explications de textes d'albums dans leur intégralité, de « Master Of Puppets » de METALLICA à « Operation: Mindcrime » de QUEENSRŸCHE, en passant par « Opus Eponymous » de GHOST ou « Ten » de PEARL JAM (la liste complète est à la fin de l'article, après les vidéos), j'ai décidé que je me pencherai désormais plus modestement sur les paroles d'un morceau célèbre d'un groupe. A tout seigneur, tout honneur : après la diffusion au cinéma de M72 World Tour Live From Arlington, TX, c'est "Enter Sandman" de METALLICA, présent sur « Metallica » (1991), qui inaugure cette rubrique new look. Un titre phare de sa discographie devenu un incontournable de ses prestations live puisqu'il n'a jamais quitté sa set-list depuis 32 ans...

Premier morceau du « Black Album » composé par METALLICA, ce sera le dernier dont James Hetfield écrira les paroles, du moins dans leur version définitive. Et ce sera également la première fois de l'histoire des Four Horsemen que le reste du groupe (enfin, Lars Ulrich et sans doute, timidement, Kirk Hammett, Jason Newsted, l'éternel bizut, n'ayant de toute façon pas voix au chapitre) se permettront d'émettre une quelconque réserve sur ces dernières. Au départ, il est en effet question de la mort subite du nourrisson, un drame qui se produit généralement durant le sommeil (d'où le titre "Enter Sandman" : "le marchand de sable est passé") quand un bébé, sans que l'on sache pourquoi, cesse de respirer…

« Tu as écrit d'excellents textes au fil des années, mais je pense que le sujet ne correspond pas au ton général et à l'ambiance de la chanson » lui fera diplomatiquement remarquer le batteur. Avant de confier le bébé (c'est le cas de le dire) à Bob Rock. Le producteur, qui y va aussi avec des pincettes, d'autant plus que le groupe montre une certaine défiance à son égard, explique au frontman qu'il est à l'évidence capable de proposer un texte plus abouti… et moins direct. « J'étais furieux, avouera James à Guitar World en 2008. Je leur ai dit d'aller se faire foutre, que c'était moi le parolier… » Il relève toutefois le défi et propose des lyrics retravaillés moins sombres, même si l'on ressent le malaise de l'enfant qui rechigne à éteindre la lumière à l'heure de se coucher, de peur d'affronter les monstres certainement tapis dans l'obscurité de sa chambre. Car la peur du noir est vieille comme le monde (« Fear of the daaaarrrkkkk ! » comme chante un certain Bruce D.).

Le début des lyrics semble directement inspiré de l'enfance et de l'adolescence de James Hetfield, élevé dans une famille de fervents pratiquants de la Science Chrétienne ou Science du Christ.

Même si les Américains sont dans l'ensemble nettement plus portés sur la religion que les Français, on ne peut s'empêcher de penser que le début des lyrics (« Say your prayers, little one, don't forget, my son/ To include everyone/ I tuck you in, warm within, keep you free from sin/ 'Til the Sandman, he comes », soit : « Récite ta prière mon petit/ N'oublie pas, mon fils, de citer toute la famille/ Dans ton lit, bien bordé, tu es bien au chaud, tu es protégé du péché/ Jusqu'à ce que le marchand de sable passe ») est directement inspiré de l'enfance et de l'adolescence du frontman, élevé dans une famille de fervents pratiquants de la Science Chrétienne ou Science du Christ (cf. "The Unforgiven"), et dont le père est parti sans se retourner quand il avait 13 ans.

Quant à sa mère, emportée par un cancer trois ans plus tard, quand James n'avait que 16 ans, elle refusera toujours de se soigner. La doctrine morale et religieuse dont elle est adepte est en effet un système thérapeutique uniquement basé sur la prière, appelé d'ailleurs "prière scientifique", qui interdit l'usage de tout médicament. Ce dont il parle dans "The God That Failed" sur le même album, mais aussi dans "Until It Sleeps" et le beau "Mama Said", sans la moindre connotation religieuse cette fois, que l'on retrouvera cinq ans plus tard sur « Load ». Fin de l'aparté.

Au lieu de calmer l'enfant, les paroles ambivalentes et vaguement menaçantes du père renforcent son malaise et il fait de mauvais rêves (« Tu n'es pas détendu ce soir/ Tu ne penses pas à Blanche-Neige/ Tu rêves de guerre, de menteurs/ De dragons qui crachent du feu/ Et de choses qui mordent »). Autre référence à l'univers des personnages de l'enfance, le "Neverland" de Peter Pan (le "Pays imaginaire" en français) du refrain (« Exit light/ Enter night/ Take my hand/ We're off to never-never land » : « La lumière s'éteint/ La nuit fait son entrée/ Prends ma main/ Nous partons au pays imaginaire »). A noter que dans sa version initiale où il était question de la mort subite du nourrison, James avait écrit : « Disrupt the perfect family » ("Pertube la famille parfaite") à la place de « We're off to Never Neverland ».

Sur le passage parlé, le chanteur a mélangé une prière du 18e siècle et une berceuse américaine pour une ambiance étrangement pervertie...

Quant au passage parlé, enregistré par le fils de Bob Rock (« Now I lay me down to sleep/ Pray the Lord my soul to keep/ If I die before I wake/ Pray the Lord my soul to take » : « A présent je m'allonge pour dormir/ Je remets mon âme au Seigneur/ Si je meurs dans mon sommeil/ Je prie le Seigneur pour qu'il protège mon âme »), il s'agit d'une prière du 18e siècle, "Now I Lay Me Down To Sleep", que récitaient les enfants avant de se coucher. Avant que Papa Het ne cite une berceuse américaine, "Hush Little Baby", qui, si elle est normalement utilisée pour calmer un petit enfant qui a fait un cauchemar, se retrouve étrangement pervertie (« Chut, petit bébé, ne dis pas un mot/ N'aie pas peur du bruit que as entendu/ Ce sont juste les bêtes cachées sous ton lit/ Dans ton placard, dans ta tête »).

Devenu un classique du groupe dans sa version post-« …And Justice For All », ce premier single sortira le 30 juillet 1991, soit deux semaines avant l'album, et pavera la voie (royale) pour le « Black Album » qui a passé le cap des 30 millions de ventes dans le monde. "Enter Sandman" sera même certifié disque d'or (soir 100 000 copies écoulées) en France, c'est dire ! Un coup de maître(s), surtout quand on sait que Bob Rock avait lourdement insisté pour que ce soit "Holier Than Thou" qui ouvre l'album et qui soit le premier single. Mais Lars, qui sentait qu'ils tenaient là une excellente entrée en matière pour le METALLICA nouveau, s'était montré intraitable. Bien vu.