6 juillet 2019, 15:55

OCTAVIA SPERATI

• Interview Silje Wergeland & Trine C. Johansen


Depuis qu'elle a rejoint THE GATHERING voici maintenant dix ans, Silje Wergeland est essentiellement connue comme la chanteuse du groupe batave. Mais cette norvégienne est aussi une activiste de la scène metal de Bergen où elle s'occupe notamment du festival Beyond The Gates qui a lieu tous les ans fin août. Au cours des années 2000, elle a aussi été la chanteuse du groupe gothique/doom metal OCTAVIA SPERATI (auparavant OCTAVIA) qu'elle a fondé avec quelques amies et qui a réalisé deux albums et un EP chez Candlelight Records. Pour cet entretien, la bassiste Trine C. Johansen a eu la gentillesse de se joindre à son ancienne comparse pour répondre à nos questions.


Comment OCTAVIA SPERATI a vu le jour ? Qui sont les membres fondateurs du groupe ?
Trine : Le groupe a vu le jour à Bergen (Norvège) en 2000, le résultat de nouvelles amitiés issues d'intérêts musicaux communs. Certaines d'entre nous étaient en relation depuis longtemps, des camarades d'école, et nous assistions aux mêmes concerts ou travaillions ensemble dans la scène musicale de notre région.
Silje : L'aventure a commencé quand Gyri, Bodil et moi nous sommes retrouvées chez moi et après quelques verres nous avons décidés de former un groupe. Nous avons rencontré Trine peu de temps après et elle s'est jointe à nous. Rapidement, nous avons trouvé notre première batteuse grâce à un ami commun, Horgh (IMMORTAL, HYPOCRISY...). C'est ainsi que sa femme, Silje Røyseth Horghagen a rejoint l'aventure. J'ai ensuite rencontré Tone avec qui je faisais parti du conseil d'administration d'une organisation musicale sur Bergen.
Trine : A l'exception du va-et-vient de nos quatre batteurs, les membres du groupes sont restés les mêmes. Ivar Alver a été notre dernier batteur permanent, et le seul garçon, jusqu'à ce que le groupe ne suspende son activité.

A l'époque, ce que nous appelons le Female Fronted Metal était assez nouveau et les formations, exclusivement féminines, exceptionnelles. A-t-il été difficile de vous imposer en tant que groupe féminin ?
Silje : Nous avons reçu un soutien massif de la scène norvégienne et de celle de Bergen en particulier.
Trine : Cette difficulté dont tu parles, nous ne l'avons pas rencontrée à l'exception des interviews dans lesquelles cette question était posée de façon récurrente.

Si Bergen n'est pas une ville très peuplée, la scène metal est devenue très importante et populaire au milieu des années 90. Silje, je me souviens avoir lu que Ivar Bjørnson d'ENSLAVED a été d'une grande importance pour te décider à devenir chanteuse. A-t-il contribué, ou d'autres musiciens autour de toi, à la naissance d'OCTAVIA ?
Silje : A cette époque Ivar était mon compagnon et il m'a encouragée à chanter et aussi à écrire mes propres textes. Nous avions toutes nos compagnons et amis proches dans le milieu de la musique et nous en faisions déjà partie, soit en y travaillant et en fréquentant régulièrement le Garage. (NDLR : Le Garage est un lieu emblématique de la scène de Bergen créé en 1990 et qui a fermé ses portes en septembre 2018).

Octavia était la sœur de l'empereur romain Auguste. Voyant l'attachement de la scène de Bergen à l'esprit des ancêtres vikings, pourquoi n'avaient vous pas préféré choisir le nom d'une héroïne ou d'une déesse viking ?
Trine : Le nom était en fait mon idée. Comme tu le mentionnes, elle était la sœur bien-aimée de l'empereur romain Auguste. Octavia était intelligente, belle et forte, "une perle parmi les femmes" selon son frère. Rivale de Cléopâtre, elle était tout aussi belle, voir plus, et l'histoire raconte qu'elle était aussi intelligente que son frère. Octavia était aimée et admiré par les peuples de l'empire romain qui s'étendait sur l'ensemble de l'Europe à cette époque. Nous aimions l'idée d'utiliser le nom d'une femme qui symbolise à la fois la force et l'intégrité dans la grandeur de l'époque dont elle faisait partie. Nous nous sommes peut-être éloignées de la tradition viking largement utilisée dans la scène metal extrême dont nous avons fait partie, mais nous n'avons jamais fait ce genre de musique.

En 2002, vous décidez de changer le nom du groupe pour OCTAVIA SPERATI. Quelle en est la raison ?
Silje : Quand nous avons découvert qu'il existait un autre groupe qui s’appelait OCTAVIA, nous avons décidé d'ajouter le patronyme d'une autre Octavia pour devenir OCTAVIA SPERATI. C'était le nom d'une actrice qui se produisait dans un théâtre local et qui dorénavant hante le lieux. Nous utilisons couramment le diminutif OCTAVIA, mais officiellement c'est OCTAVIA SPERATI.

Les membres du groupe ont débuté la musique avec OCTAVIA SPERATI ou aviez vous suivi une formation musicale quand vous étiez plus jeunes ?
Silje : Certaines d'entre nous avaient une formation musicale. Tone et moi jouions du piano, mais en dehors de cela nous avions peu ou pas d'expérience avec nos instruments. Nous nous sommes vite rendu compte qu'il nous fallait apprendre rapidement. Nous avons donc répété intensivement individuellement et ensemble pendant plusieurs années.

Ceci explique qu'entre la naissance du groupe en 2000 et votre premier album « Winter Enclosure » en 2005, cinq années ce soient écoulées. Comment avez vous procédé pour faire connaitre le groupe ?
Trine : En 2002, nous avons réalisé une démo de 5 chansons intitulée « Guilty ». Elle n'est jamais sortie sur un label, seulement à travers nos réseaux. Nous avons aussi donné plusieurs concerts et passé beaucoup de temps dans notre local de répétition. En 2003, nous avons enregistré quatre titres et réalisé notre première vidéo « Lifelines Of Depths ». Ces titres ont été utilisés pour démarcher les labels et ont tous été repris sur notre premier album « Winter Enclosure ».



​Quand et comment avez-vous signé votre premier contrat avec Candlelight Records ?
Trine : En 2004 Silje travaillait pour le bureau norvégien d'export de la musique au  Midem à Cannes. A l'un des banquets, elle a été présentée a un représentant du label anglais Candlelight Records. Elle en a profité pour lui remettre un CD d'OCTAVIA SPERATI. Peu de temps après, nous nous sommes retrouvées en négociation avec la maison de disques et nous avons décidé de signer en août 2004. Avec elle nous avons réalisé « Winter Enclosure » en mai 2005 et « Grace Submerged » en juillet 2007.

J'imagine que cette signature a ouvert de nombreuses portes et obtenu l'opportunité de jouer avec des groupes emblématiques. Quels étaient ces groupes ? Dans quels pays avez-vous joués ?
Trine : Oui bien sûr nous nous rappelons de ces tournées. Nous y avons pris beaucoup de plaisir ! Nous avons beaucoup joué en Norvège et aussi à travers le Royaume-Uni. Nous avons tourné avec CRADLE OF FILTH, AMON AMARTH, PARADISE LOST, LEAVES' EYES, GREEN CARNATION, FINNTROLL et bien d'autres. Nous avons participé à plusieurs festivals, qu'ils soient spécialisés dans le metal ou mixant les genres musicaux.

La vie en tour-bus est plutôt spartiate et parfois la cohabitation peut être compliquée. J'imagine que dans un contexte de mixité cela ajoute une certaine complexité. Comment avez-vous vécue ces expériences.
Silje : OCTAVIA SPERATI n'a jamais tourné en bus, mais nous voyagions en camionnette et dormions à l’hôtel. Globalement les relations avec les autres groupes se sont bien passées. Une seule fois nous avons eu quelques difficultés et c'était vraiment très idiot comme situation.

Avec "Lifelines Of Depths" qui figure sur votre premier album, et la chanson "Hunting Eye", vous aviez deux vidéos pour promouvoir « Winter Enclosure », c'est plutôt inhabituel pour un premier album. Avez-vous pu mesurer l'impact que cela à pu avoir sur la promotion de l'album ? Comment a-t-il été reçu ?
Trine : Oui parfaitement, les vidéos étaient une part importante de la promotion à cette époque. Les groupes et les labels faisaient beaucoup d'efforts dans la promotion des groupes dans la presse musicale en Europe et aussi aux Etats-Unis. « Winter Enclosure » a très bien été reçu à la fois par la critique et le public. OCTAVIA SPERATI a été comparé de façon assez flatteuse à entre-autre CANDLEMASS et THE THIRD AND THE MORTAL. Le magazine Kerrang! a qualifié notre album de « Doom dramatique et extravagant avec un cœur de rock'n' roll ». OCTAVIA SPERATI est aussi entré dans le top 10 des groupes espoir du très important Terrorizer. Chez nous, les lecteurs du journal Bergens Tidende ont choisi « Winter Enclosure » comme meilleur album de l'année parmi ceux des groupes locaux. Notre batteur de l'époque, Kikken, a reçu aussi l'honneur de découvrir, en temps que garçon, qu'il faisait parti du top 10 des "Femmes les plus Sexy". (Rires)


 


Votre second album « Grace Submerged » est sorti en 2007. Le titre "Moonlight" a fait l'objet d'une vidéo et le 20 juillet 2008 vous annonciez votre séparation. Après deux albums avec Candlelight Records et plusieurs tournées en compagnie de grands noms pourquoi arrêter l'aventure ?
Silje : la première raison s'appelle THE GATHERING, la seconde était que Gyri rejoignait TRISTANIA et la troisième était les enfants et le travail d'adulte. Toutes ces raisons mises bout à bout nous ont fait comprendre qu'il était temps de faire une pause.
Trine : Notre batteur Ivar et moi avions aussi déjà un autre projet, HUNTING LEAGUE.

Silje, sur « Grace Submerged » apparaît votre reprise de la chanson "Don't Believe A Word" de THIN LIZZY que tu chantes seule, accompagnée au piano. Est-ce Tone qui t'accompagne ou l'as-tu jouée seule ? Comment est venue cette idée de reprise et pourquoi THIN LIZZY ? Au regard de l'esprit musical d'OCTAVIA SPERATI qui est plutôt gothique et doom, THIN LIZZY peu surprendre...
Silje : "Don't Believe A Word" était mon idée parce que j'adore THIN LIZZY, nous devrions d'ailleurs tous les aimer, et cette chanson est une de leurs grandes chansons. Nous n'avons jamais fait une musique qui visait à suivre un schéma prédéfini. Nous faisions simplement ce que nous aimions, que ce soit influencé par le doom, le black metal, ou le rock ça n'avait aucune importance. Tone a réalisé et joué les arrangements au piano et j'ai vraiment aimé ce qu'elle a fait. Nous avons enregistré cette version sans savoir qu’initialement c'était une ballade. Il se raconte que Brian Robertson et Brian Downey ont réécrit le morceau pour en faire une chanson plus gaie parce qu'ils n'aimaient pas la version lente et bluesy. Nous sommes de toute façon très satisfaites de la tournure de notre version !

Quels sont les sujets abordés dans vos textes ? Sont-ils inspirés par la musique ? Sont-ils écris exclusivement par toi, Silje ?
Silje : Oui, tout est en lien avec la musique, tous les textes ont été écrits par moi à l'exception de "Without Air" qui a été fait par Gyri et "Dead End Poem" par Ivar Bjørnson. Ce sont des paroles personnelles et j'avais rarement un concept en tête quand j'écrivais, mais je peux remarquer qu'une fois les chansons regroupées sur l'album qu'il y avait une fil rouge dans ce que j'ai écrit. Les paroles sont très importantes pour moi et je pense que c'est parfois difficile d'expliquer à posteriori de quoi elles parlent. Tu t'assois un moment et tu écris ce qui te vient à l'esprit. Certaines fois ce que tu produis est formidable et parfois ça ne l'est pas autant que tu le souhaites. C'est comme si tu ouvres ton âme et ton cœur pour les exposer sur le papier à la vue de tous. Ça peut être difficile d'en parler par la suite. Bien que nous n'étions pas un groupe politisé, j'étais influencée par tout ce que je lisais ou voyais dans les journaux. Les conflits religieux, les changements environnementaux, les différences entre les pays aussi bien économiques que culturels... Avec le recul, nous y mettions un peu trop de détails personnels, donnant aussi trop de détails sur le contenu des paroles. Nous avons vécus des moments difficiles à l'époque. Un de nos amis proches s'est suicidé. De ce fait, une part importante de la musique et des paroles étaient le résultat de notre ressenti à travers cet événement. En particulier notre démo et notre premier album.

En 2015, Silje tu as publié une photo du groupe en la commentant comme la réformation d'OCTAVIA SPERATI. Bien que cette photo n'avait rien d'officiel et apparaissait plus comme les retrouvailles d'une bande d'amies, plusieurs sites internet ont relayé cette information comme la reformation du groupe. Depuis, rien. Quelle est la vérité ?
Silje : (rires), Vraiment désolée pour cela ! Nous voulions simplement faire une blague en postant cette photo de toutes les filles du groupe à l'occasion d'une soirée. Ça n'avait en effet rien d'officiel si ce n'est seulement les retrouvailles de bonnes vielles amies le temps d'une soirée.

Quoi qu'il en soit avec le retour de THE GATHERING tu redeviens une femme surbookée devant jongler entre vie de famille, vie professionnelle et aussi celle de ton mari qui est entre-autre batteur de SAHG. Si je ne me trompe pas, tu es l'une des responsables du festival Beyond The Gates qui a lieu tous les ans fin août à Bergen pendant trois jours. Comment fais-tu pour concilier toutes ces facettes de ta vie ?
Silje : En effet, c'est une vie trépidante. J'ai un travail a plein temps, j'ai deux adorables enfants et un partenaire qui dirige sa propre compagnie et fait partie de plusieurs projets musicaux. Je suis aussi présidente du conseil d'administration et responsable du festival Beyond The Gates. Avec celui ci et précédemment le festival Hole In The Sky (NDLR : un festival organisé en la mémoire de Grim, batteur d'IMMORTAL, GORGOROTH et BORKNAGAR, avant de mettre fin à ses jours en octobre 1999), depuis 2003 j'ai acquis des automatismes. La courte pause de THE GATHERING nous a permis d'avoir un peu de temps pour nous installer dans notre vie de famille, construire une nouvelle maison et concevoir un second enfant. C'est une vie bien remplie, mais avoir un partenaire qui comprend et possède la même passion que toi aide beaucoup. Nous avons aussi une famille formidable qui nous aide de temps à autre.


Membres du groupe OCTOAVIA SPERATI :
Silje Wergeland : chant
Trine C. Johansen : basse
Gyri Smørdal Losnegaard : guitare
Bodil Myklebust : guitare
Tone Midtgaard : claviers
Ivar Alver : batterie

Discographie :
2002 : « Guilty » (Démo)
2005 : « Winter Enclosure »
2007 : « And Then the World Froze » (EP)
2007 : « Grace Submerged »


Retrouvez Silje Wergeland avec THE GATHERING en concert le 16 novembre à Paris, Petit Bain, pour les 30 ans du groupe.


Blogger : Bruno Cuvelier
Au sujet de l'auteur
Bruno Cuvelier
Son intérêt pour le hard rock est né en 1980 avec "Back In Black". Rapidement, il explore le heavy metal et ses ramifications qui l’amèneront à devenir fan de METALLICA jusqu'au "Black Album". Anti-conformiste et novateur, le groupe représente à ses yeux une excellente synthèse de tous les styles de metal qui foisonnent à cette époque. En parallèle, c'est aussi la découverte des salles de concert et des festivals qui le passionnent. L'arrivée d'Anneke van Giersbergen au sein de THE GATHERING en 1995 marquera une étape importante dans son parcours, puisqu'il suit leurs carrières respectives depuis lors. En 2014, il crée une communauté internationale de fans avant que leur retour sur scène en juin 2018 ne l'amène à rejoindre HARD FORCE. Occasionnellement animateur radio, il aime voyager et faire partager sa passion pour la musique.
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