30 avril 2021, 18:30

LE JOUR OÙ...

Jason Newsted quitte METALLICA


Vu de l'extérieur, Jason Newsted avait le meilleur poste de bassiste du monde. Dans les faits, ce n'était pas tout à fait le cas. Sad but true...


Le 17 janvier 2001, après 14 années de bons et loyaux services, Jason Newsted annonce officiellement son départ de METALLICA. A la stupéfaction générale. « C'est la décision la plus difficile de ma vie, mais si je l'ai prise, c'est parce que c'est le mieux pour ma famille, moi-même et l'évolution continue de METALLICA, peut-on lire dans son communiqué de presse officiel. Toute mon amitié, tous mes remerciements et mes meilleurs vœux de bonne continuation à mes frères James, Lars et Kirk, ainsi qu'au reste de la famille METALLICA, ses amis et ses fans qui ont rendu ces années inoubliables. »

La réponse (mode "Sortez vos mouchoirs" enclenché), signée Lars Ulrich, ne tarde pas : « James, Kirk et moi sommes impatients d'ouvrir le prochain chapitre de METALLICA avec à la fois énormément de gratitude pour les 14 années passées avec Jason et l'enthousiasme de relever les défis qui nous attendent pour faire briller encore davantage METALLICA. C'est avec plus d'amitié, de respect mutuel et de compréhension que jamais que nous nous séparons de Jason. » « Jason est notre frère. Il va nous manquer » conclura Kirk Hammett, le soliste.
 

"Quand on regarde des vidéos des années 90, on comprend comment je me suis abîmé les cervicales. 200 jours par an, je m'infligeais le coup du lapin." - Jason Newsted


A l'époque, pour expliquer ce qui paraît tout bonnement inexplicable (comment peut-on de son plein gré quitter le plus grand groupe de metal du monde ??!), Newsted se retranche derrière des blessures au dos et à la nuque, résultats de son headbanging pour le moins généreux, et annonce qu'il a besoin de repos. « Quand on regarde des vidéos des années 90, on comprend comment je me suis abîmé les cervicales, dira-t-il. 200 jours par an, je m'infligeais le coup du lapin (NDJ : “whiplash” en anglais). En 1990, le docteur m'a dit d'arrêter. J'ai continué pendant 10 ans et voilà où j'en suis. Je ne peux plus performer comme avant, comme un fou furieux. En l'état actuel des choses, je ne peux pas partir en tournée. » Un problème également rencontré par Tom Araya de SLAYER qui, après des décennies de "danse des cheveux", a dû subir début 2010 une fusion des vertèbres cervicales antérieures et s'est vu poser une plaque en titane.


On l'ignore à ce moment-là, mais on tient un bel exemple de langue de bois telle que la pratiquent couramment les groupes à l'heure des séparations, et encore un peu plus quand ils ont la notoriété de METALLICA. Où tout n'est que bons sentiments et langage policé quand, en coulisses, les avocats s'entretuent pour leurs clients. Car si, vu de l'extérieur, Newsted avait directement atteint le Graal en intégrant les rangs de l'une des plus grandes formations de thrash de l'époque, propulsée plus grand groupe de metal du monde avec le « Black Album » en 1991, sa situation est pourtant loin d'être aussi idyllique qu'on l'imagine.

Engagé trois semaines seulement après la tragique disparition de Cliff Burton dans un accident de tour-bus, le 27 septembre 1986, Jason, qui évoluait alors à petite échelle avec FLOTSAM AND JETSAM, se retrouve directement plongé dans le grand bain. Mais malgré son implication sans faille et le fait que les fans l'adoptent rapidement, il restera toujours aux yeux des trois autres musiciens une pièce rapportée, une espèce de bizut qu'ils se font un plaisir d'humilier. Un souffre-douleur en quelque sorte. Témoin les parties de basse quasi inaudibles sur « ...And Justice For All », quatrième METALLICA et premier enregistré avec le bassiste sorti en 1988.
En 2019, à l'occasion d'une interview avec So What!, leur webzine officiel, James Hetfield expliquera que cette "basse fantôme" était avant tout due au fait qu'exténués par le rythme concert/mixage et les oreilles explosées (ils ne portaient pas de bouchons en live à l'époque), ils n'entendaient plus les aigus qu'ils avaient donc montés au maximum, jusqu'à faire disparaître la basse. Non sans rajouter : "Ce n'était pas juste pour faire chier Jason qu'on a baissé la basse"... » Voilà qui en dit long sur leurs relations.

« Ils n'ont jamais respecté Jason comme il le méritait » confirmera des années plus tard Flemming Rasmussen, le producteur. A croire, même s'il ne lui aurait pas fait cet honneur, que c'est de Jason dont parle Hetfield dans "The Unforgiven" (“l'impardonné”), un des titres de « Metallica »…


Il semblerait que le seul tort de Newsted ait été d'avoir remplacé Cliff Burton que les trois autres admiraient tant. Qu'il ne soit évidemment pour rien dans son décès ne semble leur être jamais apparu. Pas plus qu'il leur a d'une certaine façon sauvé la mise en leur permettant d'enchaîner après la tragédie alors qu'ils étaient lancés à plein régime avec « Master Of Puppets », leur troisième album et pierre angulaire de leur discographie sorti 10 mois plus tôt. A l'époque, Internet n'existait pas et seules les interminables tournées permettaient aux groupes comme METALLICA d'aller chercher leurs fans jusque dans les villes les plus reculées. Et un break trop long aurait certainement cassé cette dynamique. En plein trip alcool et came, Hetfield, Ulrich et Hammett, dans leur monde, ne trouveront rien de mieux pour faire leur deuil que de faire payer au malheureux Jason sa présence au sein de METALLICA. Pas très brillant…


Il faudra patienter douze ans pour qu'à l'occasion d'une interview avec Scuzz TV, Newsted explique finalement les véritables raisons de son départ. De l'eau (de feu) a coulé sous les ponts et il peut enfin s'exprimer librement, même s'il est probable qu'il ait signé à l'époque une clause de confidentialité qui l'empêche de trop s'épancher. Il révèle alors que c'est parce qu'il était très frustré de ne pas pouvoir participer davantage aux compositions de METALLICA qu'il a fondé à l'époque ECHOBRAIN. Qui n'avait aucun rapport musical, de près ou de loin, avec les géants du metal. Ce qui ne posait aucun problème à Q-Prime, le management des Four Horsemen, qui était même prêt à les signer. Jusqu'à ce qu'Hetfield en ait vent et impose son veto.
 

"Je trouve stupéfiant que Jason ait tenu 14 ans. C'est un peu triste parce que c'est un mec bien, qui s'est donné à fond dans le groupe pendant des années. Mais on ne l'a jamais vraiment considéré comme un membre à part entière." - Lars Ulrich


« James devait considérer que cela affecterait d'une certaine façon METALLICA, expliquera Jason à Scuzz TV. Je pense qu'il protégeait ses valeurs, mais il est allé trop loin. Q-Prime m'avait dit : "On adore ton nouveau projet, on va t'aider". Deux jours plus tard, quand James l'a appris, le manager m'a appelé pour me dire qu'il ne pouvait finalement rien faire pour ECHOBRAIN. » Ce que confirmera Lars Ulrich dans une interview avec Metal Hammer en 2003 : « James a sa vision de la famille parfaite, et ça a un côté très mafia : tu fais partie de la famille et si tu mets un pied à l'extérieur, tu la trahis et tu seras mis sur la touche. (…) Jason s'est retrouvé prisonnier dans un no man's land. D'une certaine manière, il s'est sacrifié – ou il fallait qu'on le sacrifie – de façon à nous permettre d'aller de l'avant. Je trouve stupéfiant qu'il ait tenu 14 ans. (…) C'est un peu triste parce que c'est un mec bien, qui s'est donné à fond dans le groupe pendant des années. Mais on ne l'a jamais vraiment considéré comme un membre à part entière. Et quand il a monté un autre groupe pour pouvoir composer, on lui a dit – non, on lui a GUEULÉ plus exactement – que c'était impossible. »


Les relations de Newsted avec le reste du groupe atteignent le point de non-retour et, fatigué par ces perpétuelles brimades et aussi un peu amoindri physiquement, il décide alors de tirer un trait sur l'aventure METALLICA. Une décision évidemment difficile (il dira par la suite avoir fait une dépression dont il sortira pour se consacrer à ECHOBRAIN), mais il n'en peut tout simplement plus. « Ma famille m'a toujours soutenu. Ils étaient là, ils sont allés à suffisamment de concerts, ils ont vu assez de choses backstage » disait-il en février dernier à l'occasion d'une interview avec le Florida Daily Post. Non sans ajouter au passage que les trois autres se fichaient de lui à l'époque parce qu'il passait beaucoup de temps avec les fans. Certainement une façon de les remercier de leur soutien et de leur admiration, lui qui en trouvait si peu au sein de son groupe.

D'un point de vue purement factuel, le départ de Jason aura l'effet d'un électrochoc sur le trio et évitera la désintégration pure et simple de METALLICA. Ce que l'on découvrira dans l'édifiant Some Kind Of Monster, un film sorti en 2004.

Malheureusement pour le bassiste, depuis, il a beau avoir conservé une place de choix dans le cœur de la METALLICA family (enfin, du moins celle qui achète des albums et des places de concert), sa carrière solo n'a jamais décollé. Mais il a retrouvé ses "frères" en 2009 à l'occasion de leur cérémonie d'investiture au Rock And Roll Hall Of Fame…


...mais aussi deux ans plus tard à l'occasion des concerts célébrant le 30e anniversaire d'existence du groupe de la Bay Area au Fillmore, à San Francisco, devant un public uniquement constitué de membres du fan-club.


« Jamais je ne dirai du mal des mecs de METALLICA qui m'ont donné l'opportunité d'une vie » précisait Jason Newsted dans l'interview du Florida Daily Post. Vingt ans ont passé, sans doute le temps a-t-il fait son œuvre et effacé les blessures…


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Blogger : Laurence Faure
Au sujet de l'auteur
Laurence Faure
Le hard rock, Laurence est tombée dedans il y a déjà pas mal d'années. Mais partant du principe que «Si c'est trop fort, c'est que t'es trop vieux» et qu'elle écoute toujours la musique sur 11, elle pense être la preuve vivante que le metal à haute dose est une véritable fontaine de jouvence. Ou alors elle est sourde, mais laissez-la rêver… Après avoir “religieusement” lu la presse française de la grande époque, Laurence rejoint Hard Rock Magazine en tant que journaliste et secrétaire de rédaction, avant d'en devenir brièvement rédac' chef. Débarquée et résolue à changer de milieu, LF œuvre désormais dans la presse spécialisée (sports mécaniques), mais comme il n'y a vraiment que le metal qui fait battre son petit cœur, quand HARD FORCE lui a proposé de rejoindre le team fin 2013, elle est arrivée “fast as a shark”.
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