20 octobre 2021, 19:15

TRUST

"Marche ou Crève" (1981 - Rétro-Chronique)

Album : Marche ou crève

Nous sommes (déjà) en 2021 et cet album fête ses... 40 ans !

Lorsque sort le 20 octobre 1981 « Marche ou Crève », troisième album de TRUST, le groupe a déjà eu une année bien remplie. Une tripotée de dates en première partie d’IRON MAIDEN ou en compagnie de MOTÖRHEAD, une apparition outre-Manche au festival de Reading sans oublier une tournée en tête d’affiche bien sûr. Côté musiciens, c’est le départ du batteur Jean-Emile Hanela, laissant le siège libre à un certain Nicko McBrain qui, comme chacun le sait, rejoindra IRON MAIDEN en 1983 (switchant au passage avec Clive Burr sur l'album suivant), et qui est plutôt oisif depuis sa participation en 1977 à l’album « Puttin’ It Straight » du Pat Travers Band. On note également sur ce disque l’arrivée d’un deuxième guitariste, Mohamed "Moho" Chemlakh, qui restera dans le groupe jusqu’en 1984. Comme il est de coutume, c’est toujours lors du cap du troisième album que se joue la carrière d’un groupe et sur « Marche ou Crève », TRUST prend presque le contrepied de celui sur lequel on l’attendait, ce qui ne va pas manquer de diviser durablement les fans, un sentiment d’autant plus renforcé lorsque paraîtra « Trust IV » en 1983. Après, plus rien ne sera jamais comme avant...

Sur « Marche ou Crève », finis les brûlots bruts de décoffrage, au niveau production s’entend. Les moyens mis à la disposition du groupe sont sans commune mesure avec ceux auxquels il a pu prétendre sur ses deux premières réalisations (bien que « Répression » lui, ait déjà été pourvu d’un petit budget sympa, enregistré à Londres dans les studios Scorpio Sound). Sur ce troisième album, l’arrivée d’un deuxième guitariste déjà change la donne d’une façon flagrante et le tricotage effectué par Norbert "Nono" Krief et Moho forme un canevas plus serré qu’auparavant qui, curieusement, se veut un peu moins incisif que sur les deux premiers albums. Question de mixage. D’une guitare directe et presque sans fioritures où l’on avait l’impression qu’elle allait surgir des enceintes et nous éclater littéralement les tympans, on passe sur ce disque à des harmonies et un style que tous n’ont pas apprécié à l’époque, mais qui siéent pourtant bien aux compositions sur lesquelles elles sont le plus prégnantes. La basse souvent replète d’Yves "Vivi" Brusco est bien mise en avant tandis que le chant de Bernie Bonvoisin est mixé un peu en retrait et perd ainsi un peu en vindicte "directe dans la face de tes enceintes". Si on avait l’impression sur « Trust » et « Répression » de sentir le chanteur nous prendre à parti et nous postillonner en pleine face, il n’en est rien sur « Marche ou Crève ». Les sujets de discussion eux, n’ont pourtant pas été édulcorés et font mouche. Le constat d’un groupe qui avait alors une moyenne d’âge de 25 ans et était empli d’une fougue typique de la jeunesse, comme celle par exemple qu’avait eue Balavoine devant le futur Président Mitterrand lors d’un célèbre discours télévisé le 19 mars 1980. On entend que le groupe – Bernie du moins – évoque sa prise de conscience de plus en plus affutée et une désillusion plus accrue encore de la politique nationale ("La Grande Illusion"), creusant aussi du côté européen et international. On citera pour cela "La Junte", "Les Templiers", "Les Brutes" qui se veulent autant de constats sur des événements internationaux tandis que "Misère" elle, a été écrite en réaction à la politique menée d’une main de fer par la fort à propos surnommée "Dame de Fer", Margaret Thatcher, premier ministre du Royaume Uni ayant "sévie" entre 1979 et 1990.
 


D’un autre côté, on découvre une facette plus personnelle du chanteur, avec des textes plus personnels et fortement influencés par ce qu’il a expérimenté depuis quelques années ("Certitude... Solitude..." et l’éponyme "Marche ou Crève"). L’album se referme enfin sur un hommage à l’attention du défunt Bon Scott, chanteur d’AC/DC, avec qui TRUST avait noué de récents mais solides liens d’amitié, notamment lors de l’enregistrement de l’album « Répression ». Un hommage prenant la forme de la chanson "Ton Dernier Acte", au texte superbement écrit et dont on sent de la colère mêlée à de la tristesse, des sentiments typiques éprouvés lors de la perte injuste d’un proche et qui s’entendent ici dans l’émotion que transmet la voix de Bernie. En résulte au final un disque plus travaillé musicalement (trop selon certains), plus abouti que ses prédécesseurs à ces égards, et qui marque surtout un cap dans la carrière et l’orientation musicale du groupe.

L’album est également enregistré en version anglaise et sort sous le nom de « Savage », néanmoins amputé d’un morceau, "Misère". On y comprend alors les velléités d’une maison de disques qui souhaite exporter le groupe à l’international et le voir viser encore plus loin que des dates en Angleterre, les Etats-Unis étant la destination privilégiée avec des tournées envisagées en compagnie de DEF LEPPARD, JUDAS PRIEST ou IRON MAIDEN. Mais TRUST préfèrera se cantonner à faire de la répression dans l’Hexagone, ce qu’on ne peut pas vraiment lui reprocher, les textes ciselés par Bernie étant très fermement ancrés dans la politique française et les problèmes de notre pays, réduisant de fait leur portée. On imagine en effet assez mal les Américains et d’autres pays se sentir concernés et opiner du chef sur les problématiques que peuvent évoquer la majorité des sujets qui sont abordés, et ce en dépit du fait qu’ils sont parfois communs à plusieurs pays justement. Pas question en tout cas d’aller aux USA pour étinceler de paillettes et être sommé de diluer son rock dur. Non, TRUST restera au pied de la cité et continuera de shooter dans des canettes vides, les mains bien calées dans les poches du Perf’. D’aucuns – les mauvaises langues – diront qu’on y aura perdu au change, moi pas.

Pour aller plus loin :
​« Trust » (ou « L’Elite ») (1979) : est-il nécessaire de développer ?
« Répression » (1980) : est-il là aussi nécessaire de développer ?
« Trust IV » (ou « Idéal » et « Man’s Trap » pour la version anglaise) (1983) : avec le regretté Clive Burr (ex-IRON MAIDEN) à la batterie
« En Attendant » (1988) : rien que pour la reprise de "Petit Papa Noël", ach
« Paris By Night » (1988) : parce que Bercy, parce que les Monsters Of Rock avec MAIDEN et pis c’est tout !
« Live 1980 ! - Répression Live Sur Nantes » (2017) : « Dynamite ! » Tuerie, point.


Blogger : Jérôme Sérignac
Au sujet de l'auteur
Jérôme Sérignac
D’IRON MAIDEN (Up The Irons!) à CARCASS, de KING’S X à SLAYER, de LIVING COLOUR à MAYHEM, c’est simple, il n’est pas une chapelle du metal qu'il ne visite, sans compter sur son amour immodéré pour la musique au sens le plus large possible, englobant à 360° la (quasi) totalité des styles existants. Ainsi, il n’est pas rare qu’il pose aussi sur sa platine un disque de THE DOORS, d' ISRAEL VIBRATION, de NTM, de James BROWN, un vieux Jean-Michel JARRE, Elvis PRESLEY, THE EASYBEATS, les SEX PISTOLS, Hubert-Félix THIÉFAINE ou SUPERTRAMP, de WAGNER avec tous les groupes metal susnommés et ce, de la façon la plus aléatoire possible. Il rejoint l’équipe en février 2016, ce qui lui a permis depuis de coucher par écrit ses impressions, son ressenti, bref d’exprimer tout le bien (ou le mal parfois) qu’il éprouve au fil des écoutes d'albums et des concerts qu’il chronique pour HARD FORCE.
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