26 février 2022, 19:08

Einar Solberg

@ Kolbotn - "The Congregation" Acoustic (Kolben)

Einar Solberg est décidément un  artiste hors-norme. Non content d’avoir proposé avec LEPROUS un nombre important de livestreams, tous plus différents les uns que les autres, il a décidé suite à l’annulation de quelques dates de concert en février, de surprendre ses fans une fois encore. La question qu’il s’est posée a été la suivante : « Que vais-je donc pouvoir proposer que je n’ai pas déjà fait ? », et la réponse était toute trouvée : un livestream acoustique piano/voix de l’un des albums les plus techniques, complexes et rythmés de LEPROUS, « The Congregation ». Non seulement le frontman aime les challenges mais surtout, il ne cherche jamais la facilité et n’aime pas se répéter non plus. Et histoire de se compliquer la tâche un peu plus, il a demandé aux fans ayant acquis un ticket VIP de voter pour une chanson dans tout le répertoire de LEPROUS (hormis « The Congregation », cela va de soi, puisque l’album allait être interprété dans son intégralité), pour proposer un rappel qui allait s’avérer... pimenté !

Nous retrouvons donc le chanteur au soir de ce dimanche 20 février, seul, assis devant un superbe piano à queue, dans un décor sobre et intimiste, animé d’un jeu de lumières parfaitement adapté à l’ambiance du moment. La qualité du son est assurée par le maître en la matière, le très talentueux Chris Edrich (également responsable, dans un tout autre registre, du son de l’excellent dernier album de CELESTE, dont vous retrouverez la chronique ici, mais aussi de l’album live de KLONE, « Alive »), qui a fait le déplacement spécialement pour cette soirée. Et il a bien fait. La pureté des notes s’égrènent dans l’air comme des milliers de joyaux. Einar Solberg se montre, dès les premiers accords de "The Price", très en voix. Très concentré aussi. Il faut dire que le challenge est de taille. Comment réussir à réarranger des chansons fondamentalement metal comme "Third Law", "Rewind" ou "Slave", sans les dénaturer ? "The Price" est une chanson qui s’adapte bien à cette configuration, et le rendu est très beau. Dès le deuxième morceau, "Third Law", on doit se rendre à l’évidence : Einar Solberg est un génie ! La puissance du titre ne se délite pas, mais est, a contrario, renforcé par ces notes de piano profondes et la voix habitée du chanteur. Les frissons ressentis ne s’arrêtent pas de sitôt. "Rewind" est revisité d’une manière extraordinaire, gagnant, si cela était encore possible, en intensité dramatique. Epoustouflant ! 

"The Flood" est traité tout en délicatesse et la version est émouvante au possible. Certaines chansons s’en retrouvent même carrément améliorées, comme c’est le cas pour "Triumphant" et "Red", dont le réarrangement met en valeur la musicalité et la sensibilité. Einar Solberg avoue de lui-même s’être lancé dans le projet sans avoir réellement songé aux conséquences, notamment celles de devoir apprendre "Within My Fence" en acoustique. Pari gagné haut la main : la chanson est l’une des très belles réussites de cette soirée, acquérant une profondeur à donner la chair de poule. Einar profite d’une petite pause pour remercier toutes celles et ceux qui ont soutenu le groupe depuis le début de la pandémie, même si la vie normale a repris ses droits en Norvège, et que LEPROUS s’apprête à partir pour une tournée nord-américaine. Puis il s’attaque à "Slave", qui est l’un des plus beaux morceaux de leur répertoire, et il faut bien avouer que l’artiste a superbement retravaillé le titre en lui conférant une tension théâtrale poignante. "Moon" est subtile et touchante, tandis que "Down" est saisissante de beauté. Le dernier morceau de l’album, "Lower", est bouleversant de la première à la dernière note, sombre, triste et mélancolique. Quel dommage qu’il y ait eu une micro-coupure, probablement due au serveur, qui nous a privé d'une petite partie du premier couplet. Rageant, sur une chanson aussi poignante !


​Le concert s’achève pour les détenteurs de l'accès classique au livestream, sous les applaudissements nourris et mérités, du public présent, mais les VIP vont avoir largement de quoi satisfaire leur insatiable appétit, avec un rappel pour le moins épicé, composé des quatre chansons qui auront obtenu le plus de votes. Surprenant choix pour Einar Solberg, qui reconnaît n’avoir jamais imaginé que "Phantom Pain", issue de « Tall Poppy Syndrome » en 2009, puisse être choisie. Einar commentera, avec un brin de malice : « Je pense qu’il doit y avoir des fans hardcore dans les VIP, car jamais de ma vie on ne m’a réclamé cette chanson. Je ne pensais pas que qui que ce soit s’en rappelait. Je me souvenais à peine qu’elle existait, à vrai dire. Ça doit être une conspiration ! » Les "conspirationnistes" sont effectivement aux anges et leur choix s’est avéré extrêmement judicieux. Le morceau est transfiguré, magnifié. Un plaisir auditif intense. "Stuck" est le deuxième, et de la même manière que pour la précédente, la version acoustique, précieuse et délicate, lui sied à merveille. Et cette note de tête finale qui transperce le silence est un pur moment de poésie. Mon cœur bondit dans ma poitrine lorsque les premières notes de la suivante retentissent.

"Echo", ma chanson préférée et mon vote personnel, est un joyau sombre, plongeant l’auditeur dans les détours et les affres de la solitude, couleur noir charbon. Souffrances laissant un goût de suie, cendres d’une vie errante et consumée, cicatrices creusant de profonds sillons dans des chairs à jamais meurtries… « Never seen the night so dark, I lack the will to care. All alone in city lights, Where you absorb the echo » (« Je n'ai jamais vu la nuit si noire, je n'ai pas la volonté de m'en soucier. Tout seul dans les lumières de la ville, où l’on absorbe l'écho »). Tristesse infinie, pas la moindre lueur à l’horizon, espoir anéanti...  « Taste the layers of my heart. See it shatter. Mute the voice. No direction. No final call. Alone to make the right choice » (« Goûte les couches de mon cœur. Vois-le se briser. Mets la voix en sourdine. Pas de direction. Pas d'appel final. Seul pour faire le bon choix »). Un morceau d’une intensité remarquable, exceptionnellement mis en valeur par la voix au comble de l’émotion du chanteur, touché par la grâce. La soirée s’achève sur "Castaway Angels", une Chanson plus lumineuse, une bulle de fraîcheur dans la discographie du groupe (sans aucun doute, la chanson la plus porteuse d’espoir, avec "The Shadow Side"). Rien d’étonnant, donc, qu’elle ait été choisie pour clore la soirée, même si elle est devenue récurrente dans les set-lists du groupe. Einar Solberg, ému, quitte la scène sous une brassée d’applaudissements chaleureux.

Il nous retrouvera 20 minutes plus tard pour une hilarante et informelle session sur Zoom, qui durera une bonne heure, pendant laquelle, jovial, il va interpréter pas moins de 54 très courts extraits de chansons, réclamées par les fans, aussi variées que "Exit Music" (RADIOHEAD), "Unintended" (MUSE), "Skyfall" (Adele), "Money Money Money" (ABBA), "Lotus" (SOEN), ainsi que plusieurs morceaux issus du répertoire de LEPROUS : "On Hold", "He Will Kill Again", "Not Even A Name", "Leashes", "Distant Bells", "MB Indifferentia", "Salt"... Ainsi qu'une version à hurler de rire de "SMS" (que je n’avais pas entendue depuis deux ans, au concert de Savigny-Le-Temple, live-report ici), avec TorO (Tor Oddmund Suhrke - guitare) faisant une incursion pour chanter la partie rap du morceau. Sans oublier (comment serait-ce possible ?), les 11 fois où Einar Solberg, déchaîné, a joué "White", sa chanson honnie, celle qu’il « aime et déteste le plus », nous faisant une démonstration de ses talents d’humoriste. Mais, Très cher Einar, sache que si tu pensais nous dégouter définitivement de "White", c’est raté ! Nous continuerons à la réclamer, ne serait-ce que pour avoir le plaisir de te voir aussi détendu, souriant et épanoui.

Einar Solberg nous a offert, ce dimanche, la plus belle des soirées avec son infini talent, sa voix inimitable et sa générosité à nulle autre pareille. Une soirée qui restera gravée dans nos cœurs à tout jamais.
 

Blogger : Sly Escapist
Au sujet de l'auteur
Sly Escapist
Sly Escapist est comme les chats : elle a neuf vies. Malgré le fait d’avoir été élevée dans un milieu très éloigné du monde artistique, elle a réussi à se forger sa propre culture, entre pop, metal et théâtre. Effectivement, ses études littéraires l’ont poussée à s’investir pendant 13 ans dans l’apprentissage du métier de comédienne, alors qu’en parallèle, elle développait ses connaissances musicales avec des groupes tels que METALLICA, ALICE IN CHAINS, SCORPIONS, SOUNDGARDEN, PEARL JAM, FAITH NO MORE, SUICIDAL TENDENCIES, GUNS N’ROSES, CRADLE OF FILTH, et plus récemment, NIGHTWISH, TREMONTI, STONE SOUR, TRIVIUM, KILLSWITCH ENGAGE, ALTER BRIDGE, PARKWAY DRIVE, LEPROUS, SOEN, et tant d’autres. Forcée d’abandonner son métier de comédienne pour des activités plus «rentables», elle devient tour à tour vendeuse, pâtissière, responsable d’accueil, vendeuse-livreuse puis assistante commerciale. Début 2016, elle a l’opportunité de rejoindre l’équipe de HARD FORCE, lui permettant enfin de relier ses deux passions : l’amour des notes et celui des mots. Insatiable curieuse, elle ne cesse d’élargir ses connaissances musicales, s’intéressant à toutes sortes de styles différents, du metalcore au metal moderne, en passant par le metal symphonique, le rock, le disco-rock, le thrash et le prog. Le seul maître-mot qui compte pour elle étant l’émotion, elle considère que la musique n’a pas de barrière.
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