4 mars 2022, 19:33

Beth Hart

"A Tribute To Led Zeppelin"

Album : A Tribute To Led Zeppelin

Alors qu’elle a célébré ses 50 ans en janvier et qu’elle compte à ce jour 13 albums en studio, (14 avec « Beth Hart And The Ocean Of Souls » en 1993), Beth Hart revient en ce début d’année 2022 avec un disque de reprises, « A Tribute To Led Zeppelin ». Ce n’est pas la première fois que celle-ci se prête à l’exercice, ayant sorti également trois disques de ce genre en compagnie de Joe Bonamassa, un chanteur-guitariste que vous connaissez déjà bien si vous nous suivez, n’étant pas les derniers à parler de lui. Cette fois, Beth se la joue solo pour l’exercice et entend faire comprendre à quel point la musique de LED ZEPPELIN sied à sa voix et, surtout, à la façon dont elle s’allie à ce mal sournois qu’elle a toujours enfoui et tapi dans les entrailles, mais nous allons y revenir plus loin. Car il ne suffit pas de se placer derrière un micro pour reprendre les parties vocales d’un Robert Plant, non. Il faut être une chanteuse à voix, une vraie, et je ne parle pas là des ersatz de cantatrices lyriques que l’on retrouve dans le metal symphonique, en dépit du respect que j’éprouve à leur égard et du talent qu’elles peuvent avoir dans le style qui est le leur. Et l’incroyable Beth "The voice" Hart est l’homme de la situation, la femme pour le coup. Dans cette entreprise, ont été choisis pour elle douze morceaux légendaires, intemporels, et qui ont eu un tel impact dans le monde musical à leur sortie qu’ils ont écrit quasiment à eux-seuls le reste de l’Histoire du hard rock et, par conséquent, du metal.

En ce qui concerne le choix des titres, j’ai lu ci et là des avis sur le fait que les "évidences" avaient été retenues mais je souhaite poser ces simples questions : qui aurait eu envie d’écouter des reprises des morceaux les plus obscurs – et/ou moins bons – de LED ZEPPELIN ? A quoi bon tenter de faire revivre des compositions qui n’ont pas eu par elles-mêmes à leur sortie l’aura suffisante pour devenir des classiques ? Nous tomberons cependant d'accord pour dire qu'il y en a eu peu. Et ce, sans compter sur l’aspect commercial d’une telle démarche. Car la philanthropie n’est pas et ne sera jamais l’apanage des artistes, qu’on se le dise. Au-delà d’une passion, c’est un moyen de gagner sa vie. Et le but final de cet album est qu’il se vende pour sûr. Et s’il se vend, c’est qu’il aura parlé aux fans, que ce soient ceux de Beth Hart ou ceux de LED ZEPPELIN. Partant de ce postulat, il est ensuite impossible de critiquer la sélection de chansons que l’on retrouve sur ce disque. Et puis d’ailleurs, ce sont ses choix à elle parmi la liste proposée après tout et les morceaux que Beth a eu envie de revisiter. A partir de là si ce n’est même avant, toute critique personnelle dans les options retenues est vaine à mon sens et il est donc conseillé de les aborder comme des choix lui étant propres. Et dans ces revisites, c’est surtout par le traitement et l’utilisation de sa voix que le travail s’est fait, les structures n’ayant pas été saccagées ou remodelées pour la circonstance. Je dirais même "heureusement !" Un groupe d’indus ou de thrash l’aurait fait, question de styles oblige et pour le cahier des charges qu’ils charrient. Les seules grandes libertés qui ont été prises l’ont été en ce qui concerne les arrangements de cordes, orchestrés par le compositeur, arrangeur et chef d’orchestre David Campbell (MUSE, AEROSMITH, Beyoncé...) qui se veut être pour la petite histoire le père de Beck. Pour le reste, Beth va faire le job et le faire foutrement bien.

L’idée de ce disque remonte à quelques années alors qu’elle était en studio pour l’enregistrement des titres de ce qui allait devenir « War In My Mind » et qu’elle s’est mise à chanter spontanément ''Whole Lotta Love'' lors d’une pause. Pour le fun et sans la moindre idée en tête. Rob Cavallo, son producteur d’alors et le même qui officie aux manettes de cet album-hommage, l’encourage à faire un disque complet autour du groupe. Ce qu’elle refuse net, arguant selon ses dires que pour plier du LED ZEPPELIN, il faut y mettre de la rage. Et d’opposer fermement au producteur le fait que c’est ce qu’elle tente d’éradiquer chez elle depuis des années. Beth n’a en effet jamais caché, outre son ancienne toxicomanie, la maladie mentale dont elle est atteinte et contre laquelle elle se bat au quotidien depuis de nombreuses années. Ce trouble bipolaire dont elle souffre fait alterner des épisodes maniaques ou hypomaniaques (agitation, élévation de l'humeur, idées de grandeur) à des épisodes dépressifs pouvant aller à des tendances suicidaires, avec des moments de rémission. Cette maladie entraîne alors pour le patient, ou la patiente, une vulnérabilité chronique et reste diagnostiquée trop tardivement, selon la définition que l’on trouve sur le site de la Haute Autorité de Santé. La pandémie est heureusement – si l’on peut dire – passée par là et la frustration, alliée à l’impuissance globale ont fait remonter en elle suffisamment de colère maîtrisée on l’espère pour pouvoir s’attaquer, sérieusement cette fois, à onze autres chansons et donc à ce ''Whole Lotta Love'' qui ouvre le disque et met les points sur les i d’emblée.

Et pourtant, ce n’est pas sur cette chanson qu’elle brille de mille feux. Beth va surtout s’atteler à redorer le blason d’hymnes galvaudés depuis des années sur d’autres albums de reprises plus ou moins bien ficelés, plutôt moins souvent, bien que l’on saura se montrer indulgents, tout le monde ne pouvant s’acquitter d’une telle tâche avec brio. Ou du moins avec les honneurs. Pour toucher à l’étincelant, il faudra plutôt aller chercher du côté d’un ''The Crunge'' (tiré de « Houses Of The Holy », paru en 1973), funky à souhait et dieu sait que la dame aime danser sur scène, ou vers ''Dancing Days'' sur lesquelles elle insuffle une dose de soul que n’ont pas les versions du Zeppelin de plomb. Une autre originalité tient en ce que cette dernière a été scindée en deux parties, servant d’écrin à l’écrasante ''When The Levee Breaks'', où la lionne peut laisser éclater la rage nécessaire dont elle parlait et qui apporte de facto du sang neuf. Alors ok, pour nuancer tout cela, Beth n’a pas transcendé ''Black Dog'' ni ''Good Times Bad Times'' par exemple. Mais attention, le niveau sur ces deux chansons est quand même bien supérieur à d’autres tentatives qui ont eu lieu avant les siennes. Par opposition, on ne peut être que profondément touchés par cette émotion qui nous prend à la gorge lorsqu’on l’entend moduler comme elle seule sait le faire et que résonne ''No Quarter'', un autre extrait de « Houses Of The Holy », ce qui en fait au passage l’album le plus représenté ici (quatre titres sur douze). Plus encore, la mélancolie et l’authenticité qu’elle apporte sur ''Babe, I’m Gonna Leave You'' sont palpables à travers nos enceintes. De par sa voix et les émotions qu’elle y insuffle, nous sommes ramenés toutes et tous à ce que l’on éprouve lors d’une rupture amoureuse, à la douleur que l’on a pu ressentir lorsqu’elles sont survenues et à l’attachement qui reste parfois longtemps après, sans que l’on sache bien trop pourquoi. Quand bien même ces séparations fussent de notre fait ou qu’elles aient été subies. Récentes ou anciennes, ces sensations restent bien souvent vivaces et savent se rappeler à nous comme si elles étaient vécues sur le moment. En cela, ''Babe, I’m Gonna Leave You'' sait parfaitement nous les faire revivre dans cette vision poignante qu'en a eue Beth Hart. Cette parenthèse dans le temps se referme au terme de 55 minutes sur ''The Rain Song'', pas la plus évidente des compositions à interpréter mais, de par les arrangements évoqués au début, s’avère une réussite ainsi qu’une bien belle façon de clore les retrouvailles avec des titres qui ont près de cinquante ans (comme Beth tiens) ou plus encore.

Entourée et choyée par le producteur Rob Cavallo (qui empoigne également la six-cordes) et l’ingénieur du son Doug McKean (GOO GOO DOLLS, Adam Lambert, Gerard Way...), Beth se voit mise en lumière et en son surtout par la crème des musiciens que sont Tim Pierce (BON JOVI, Bruce Springsteen, Tina Turner), le bassiste Chris Chaney (Rob Zombie, JANE’S ADDICTION, Slash), le claviériste Jamie Muhoberac (Bob Dylan, Iggy Pop, THE ROLLING STONES) ainsi que Dorian Crozier (Céline Dion, Miley Cyrus, Joe Cocker) et Matt Laug (Alanis Morissette, Alice Cooper) qui se répartissent tous deux les parties de batterie.

Alors, des albums de reprises de LED ZEPPELIN il y en a eu, il y en aura d’autres mais celui-ci est et restera indubitablement dans le haut du panier. En conclusion, on peut dire que l’essentiel est là pour se (re)faire plaisir sans que cela nous empêche à aucun moment de retourner vers les versions de LED ZEPPELIN. Et peut-être même que ce sera grâce à ces reprises que l’on y retournera plus tôt qu’on ne le pensait.

Blogger : Jérôme Sérignac
Au sujet de l'auteur
Jérôme Sérignac
D’IRON MAIDEN (Up The Irons!) à CARCASS, de KING’S X à SLAYER, de LIVING COLOUR à MAYHEM, c’est simple, il n’est pas une chapelle du metal qu'il ne visite, sans compter sur son amour immodéré pour la musique au sens le plus large possible, englobant à 360° la (quasi) totalité des styles existants. Ainsi, il n’est pas rare qu’il pose aussi sur sa platine un disque de THE DOORS, d' ISRAEL VIBRATION, de NTM, de James BROWN, un vieux Jean-Michel JARRE, Elvis PRESLEY, THE EASYBEATS, les SEX PISTOLS, Hubert-Félix THIÉFAINE ou SUPERTRAMP, de WAGNER avec tous les groupes metal susnommés et ce, de la façon la plus aléatoire possible. Il rejoint l’équipe en février 2016, ce qui lui a permis depuis de coucher par écrit ses impressions, son ressenti, bref d’exprimer tout le bien (ou le mal parfois) qu’il éprouve au fil des écoutes d'albums et des concerts qu’il chronique pour HARD FORCE.
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