11 mai 2022, 18:30

IRON MAIDEN

"Fear Of The Dark" (1992 - Rétro-Chronique)

Album : Fear Of The Dark

Nous sommes (déjà) en 2022 et cet album fête ses... 30 ans !

« Fear of the dark ! Fear of the daaaaaark ! I have a constant fear that something’s always near ! » Voilà déjà trente ans que tout un chacun entonne à tous leurs concerts et juste avant les rappels ce qui est devenu plus qu’un hymne pour IRON MAIDEN. Un rite tout bonnement incontournable en ce qui concerne le titre-éponyme de son neuvième album studio, le dernier avec le chanteur Bruce Dickinson avant quelques années, et son retour en fanfare dans le "meilleur des mondes". Voilà pourquoi on ne s’attardera pas plus avant sur ce classique parmi les classiques et que tous, fans de MAIDEN ou non, connaissent. Mais revenons-en à nos moutons. Paru le 11 mai 1992, les douze titres composant ce disque ont été enregistrés "à domicile" (un terme footballistique non choisi par hasard, le bassiste Steve Harris étant un fervent supporter du West Ham United FC, pour lequel il a failli devenir joueur professionnel) dans les Barnyard Studios alors tout neufs du susnommé, construits dans l’immense propriété qu’il avait à cette époque dans le comté de l’Essex. Un choix judicieux si l’on en croit le guitariste Dave Murray et dûment motivé : « Avant, quand on enregistrait à Londres (ou ailleurs), tu avais toujours une femme de ménage qui débarquait alors que tu étais au beau milieu d’un solo ou un chauffeur de taxi qui cherchait quelqu’un. Cette fois, nous nous sommes isolés et au lieu d’aller au bar du coin en sortant du studio, nous rentrions chez nous pour décompresser, ce qui fut beaucoup plus agréable et relaxant » comme il l’expliqua à Raw Magazine en avril 1992. Et c’est encore une fois, mais pour la dernière, que s’est assis sur le siège du producteur le sempiternel Martin Birch, affublé dans les crédits de l’album pour sa dernière contribution du surnom de "The Juggler" (le jongleur), une tradition immuable sur chaque pochette pendant onze ans. Grande première cependant, le dessinateur historique Derek Riggs et créateur de l’iconique Eddie a cédé sa place à un nouvel illustrateur, Melvyn Grant, qui collaborera à nouveau avec le groupe à plusieurs reprises (pour les albums « Virtual XI », « Death On The Road », « The Final Frontier », la compilation « From Fear To Eternity » et le single "The Reincarnation Of Benjamin Breeg").


​A l’issue de l’écoute de « Fear Of The Dark » et ses 57 minutes, la première impression qu’il laisse à l’auditeur est qu’il se veut moins brut de décoffrage que le précédent « No Prayer For The Dying », tant dans ses compositions, plus arrangées, que dans le son, moins rugueux et plus généreux, ceci n’étant pas cependant une critique envers son prédécesseur. Si l’on ne présente plus "Be Quick Or Be Dead" (se classant numéro 2 des charts anglais avec une belle pochette montrant Eddie en train de saisir à la gorge le magnat de la presse Robert Maxwell qui, au centre d’un scandale, s’illustra piteusement dans cette même presse), "From Here To Eternity" ou "Wasting Love" (la "vraie" première ballade de MAIDEN), sortis en single et figures de proue si l’on peut dire de l’album, il est bon de s’attarder sur des chansons qui, écoutées aujourd’hui, se voient complètement validées dans le temps. "Afraid To Shoot Strangers" tout d’abord, qui traite de la première guerre du Golfe au début des années 90, et qui avait d’ailleurs fait un retour dans la set-list du "Maiden England 2012-2013", une attention appréciée par les fans qui ne s’y attendaient pas vraiment vu la thématique de la tournée. Le même article de Raw Magazine la compare à un mixage entre MAIDEN et JETHRO TULL, Steve en tant que fan du groupe de Ian Anderson (ils ont repris un de leurs morceaux, "Cross-eyed Mary" en 1983) se voyant ravi du compliment et indiquant que ce morceau à l’influence progressive des 70’s était une vraie continuité des diversités entendues en 1988 sur « Seventh Son Of A Seventh Son ». Témoin des tourments des jeunes adultes d’alors à la fin des années 80 et au début de la décennie suivante, "Fear Is The Key" évoque les risques liées au SIDA et à l’insouciance que l’on avait pu encore avoir vingt ans plus tôt, la révolution sexuelle étant achevée depuis belle lurette. Ce titre bénéficie de breaks et d’une construction atypiques pour la Vierge de Fer et est, rétrospectivement, une vraie réussite qui surprend lors de son écoute actuelle. Je dis rétrospectivement car il ne fut pas apprécié à sa juste valeur, sans compter les critiques qui fusèrent telles des fléchettes sur les cibles de pubs anglais, en partie "à cause" de la vague grunge que subissait le monde de la musique et le metal dans ses grandes largeurs. Vous connaissez la chanson, il était de bon ton – et cela a encore lieu à l’heure actuelle – de dénigrer la vieille garde au profit de jeune loups qui, pour certains, se sont vite cassés les dents. Faits assez rare pour être souligné, Dave Murray est crédité ici deux fois, sur les très mélodiques "Chains Of Misery" et "Judas Be My Guide", certes pas des intemporelles mais qui n’ont pas à rougir de leur présence, bien au contraire. Si son sujet est très marqué et fait référence au monde du football et des hooligans en particulier, "Weekend Warrior" est un (très) bon morceau, toujours dans cette veine mélodique qui fait véritablement office de fil rouge, si tant est que l’on y prête un peu attention. Après une pause sur « No Prayer For The Dying », les claviers de Michael Kenney (par ailleurs technicien basse de ‘Arry et claviériste en live) se font de nouveau entendre même si ce n’est parfois pas de façon très subtile, à l’instar des nappes pataudes présentes sur "The Fugitive", chanson dispensable signée Steve Harris. Et Steve Harris aime beaucoup tartiner de grosses couches de claviers. L’un des travers qui est souvent pointé du doigt chez IRON MAIDEN (à cet effet, le récent « Senjutsu » en a pris largement pour son grade) et l’on ne peut objectivement que se ranger parfois du côté de ces détracteurs. Le guitariste Janick Gers de son côté a pris du galon et, absent des crédits sur « No Prayer For The Dying », il cosigne cette fois cinq morceaux, montant à la deuxième place du podium des compositeurs, le "skip" Harris trustant évidemment la plus haute marche. Alors que les harmonies à deux guitares, ce fameux twin-lead, se font bien moins sentir que par le passé, Dave Murray s’en explique : « Je pense que l’on a déjà utilisé pas mal d’harmonies dans le passé et tout le monde y est habitué. Mais sur ce disque, ce n’est pas que l’on ait consciemment essayé de s’en débarrasser mais ça ne fonctionnait pas. Sur "Afraid to Shoot Strangers" par exemple, on aurait pu en coller partout mais cela nous a paru superflu alors on a tout enlevé. Parfois, les harmonies adoucissent trop le propos et il ne fallait pas que certains morceaux perdent de leur puissance, en dépit de l’utilisation de claviers qui apportent une texture. »

Bien que Bruce expliqua au journaliste Henry Dumatray dans une interview parue en juin 1992 dans le numéro 2 nouvelle formule de HARD FORCE qu’avec « Fear Of The Dark », IRON MAIDEN rentrait de plain-pied dans les années 90 et que ce disque faisait le break avec tous les anciens albums, tout ceci vola en éclats avec le séisme ressenti par la planète metal un an plus tard lors de l’annonce du départ du chanteur, suivie par quelques échanges fleuris par voie de presse interposée (mention spéciale au batteur Nicko McBrain en particulier, qui fut très affecté par cette "trahison" et qui ne manqua pas de le clamer haut et fort, lui qui n’était pourtant pas préposé aux interviews jusque lors). "Wasting Love" était d’ailleurs un cri du cœur, si l’on peut dire, de la part de Bruce qui exprimait ainsi son inconfort de la seule manière qui lui était alors accessible, ce que confirma l’intéressé quelques années plus tard auprès du journaliste de Kerrang, Mick Wall, propos que l’on retrouve dans le livret des rééditions en CD parues en 1998 : « J’étais toujours dans MAIDEN à 100 % pour cet album, sans nul doute ! Pour moi, j’avais fait mon album solo (NDR : « Tattooed Millionaire » en 1990, avec Janick Gers à la guitare) puis j’étais revenu avec le groupe avec la ferme intention de m’y investir totalement. Mais je crois qu’il devait y avoir des doutes dans mon esprit. Je n’étais pas convaincu d’avoir fait le bon choix et j’essayais de ne pas y penser. »

Mais avant cela, le club des cinq se lança dans une grande tournée mondiale couronnée de succès, avec vingt dates pour l’Europe dont quatre étapes en France (le 5 septembre à la Grande Halle de la Villette à Paris, le 7 à Mulhouse, le 8 à Annecy avec WARRANT comme première partie et le 10 pour une date rajoutée en dernière minute – car non inscrite dans le tour book – aux Arènes de Béziers avec cette fois uniquement, les français FACE TO FACE), faisant cette année-là de l’Hexagone le deuxième pays le plus visité après l’Espagne. Le point culminant de cette partie européenne fut bien sûr le concert donné pour la deuxième fois en tête d’affiche du festival Monsters Of Rock à Donington le 22 août 1992, immortalisé sur le double album live fort judicieusement appelé « Live At Donington » paru l’année suivante, avec l’apparition surprise du guitariste Adrian Smith, parti en 1990 et qui rejoignit le groupe pendant ce concert sur "Running Free", préfigurant ainsi la configuration à trois guitaristes qui allait se concrétiser sept ans plus tard lors du "The Ed Hunter Tour" de 1999. Mais ceci est une autre histoire...


© Jérôme Sérignac

  


Comme d’habitude, pour le plus grand bonheur des fans et de leurs banquiers, IRON MAIDEN décompose l’album et ses trois singles en multiples supports vinyles 7" et 12" (picture-disc ou non) et/ou CD avec pochettes poster, ouvrantes, en cassettes audio, bref de quoi largement contenter la collectionnite aiguë de certains (ne me regardez pas comme ça s’il vous plait, merci...). Agrémentant ses faces B de reprises diverses et variées, démarrons par "I Can’t See My Feelings", presque une évidence avec ce morceau de BUDGIE, un groupe-référence pour Steve Harris. Composée par le guitariste Ronnie Montrose et le chanteur Sammy Hagar (ex-VAN HALEN et CHICKENFOOT) au sein du groupe MONTROSE, "Space Station No.5", extraite de l’album éponyme du groupe paru en 1973, est une belle surprise rock'n'roll qui prouve qu’IRON MAIDEN a une vraie identité sonore, même en se frottant à un style différent du leur. Mais ce qui fait la particularité de cette reprise est une pochade qui arrive ensuite sur certaines versions vinyle 12" de l’édition anglaise en tant que titre caché, intitulée "Bayswater Ain't A Bad Place To Be", dans laquelle Bruce se fend d’une nouvelle imitation du manager Rod Smallwood (cf. précédemment le titre "Sheriff Of Huddersfield" en face B du single "Wasted Years"). On n’y dénombre ainsi pas moins d’une centaine de "bloody" (à traduire dans la langue de Molière par "satané" ou "foutu") dans ce monologue seulement agrémenté d’une guitare acoustique blues. Hilarant pour qui connait un tant soit peu la personnalité de Smallwood et qui maîtrise la langue de Shakespeare. Café gourmand enfin sur "From Here To Eternity" avec trois mignardises live selon les supports, extraites de la tournée et album précédents ("No Prayer For The Dying", "Public Enema Number One" et "Hooks In You"). Côté chiffres, « Fear Of The Dark » se classera à sa sortie directement à la première place des charts anglais, sera certifié or dans la foulée et atterrira en nos contrées à une très honorable sixième place, là encore certifié or avec plus de 100 000 exemplaires écoulés.


© Jérôme Sérignac


Amateurs de bootlegs d’IRON MAIDEN, nous vous conseillons d’aller jeter vos deux oreilles sur les captations soundboard des concerts donnés en Argentine au Ferro Caril Oeste Stadium de Buenos Aires le 25 juillet 92 et sur celui du 12 septembre de la même année qui s’est tenu en Italie à l’Arena Festa Nazionale Dell’Unita de Reggio Emilia. Peu connu des fans car ne leur étant pas destiné en premier lieu, vous pouvez retrouver ci-dessous l’EPK (Electronic Press Kit) video d’une durée de quatorze minutes, envoyé à l’époque au format VHS à l’intention des journalistes (et diffusé à la télévision anglaise) ainsi que le clip officiel de "Fear Of The Dark", comprenant des images extraites de la date de Donington. Enfin, pour retrouver les références culturelles et historiques de « Fear Of The Dark » en cliquant sur ce lien : « Please Professor Maiden, teach me! (Part 9) », pour accéder à un article qui analyse en détail les chansons de cet album.




Blogger : Jérôme Sérignac
Au sujet de l'auteur
Jérôme Sérignac
D’IRON MAIDEN (Up The Irons!) à CARCASS, de KING’S X à SLAYER, de LIVING COLOUR à MAYHEM, c’est simple, il n’est pas une chapelle du metal qu'il ne visite, sans compter sur son amour immodéré pour la musique au sens le plus large possible, englobant à 360° la (quasi) totalité des styles existants. Ainsi, il n’est pas rare qu’il pose aussi sur sa platine un disque de THE DOORS, d' ISRAEL VIBRATION, de NTM, de James BROWN, un vieux Jean-Michel JARRE, Elvis PRESLEY, THE EASYBEATS, les SEX PISTOLS, Hubert-Félix THIÉFAINE ou SUPERTRAMP, de WAGNER avec tous les groupes metal susnommés et ce, de la façon la plus aléatoire possible. Il rejoint l’équipe en février 2016, ce qui lui a permis depuis de coucher par écrit ses impressions, son ressenti, bref d’exprimer tout le bien (ou le mal parfois) qu’il éprouve au fil des écoutes d'albums et des concerts qu’il chronique pour HARD FORCE.
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