2 septembre 2022, 16:50

VOIVOD

Interview Michel Langevin (Away)

Blogger : Clément
par Clément


A l’origine de la création du légendaire VOIVOD en 1982 avec ses compères Snake, Piggy et Blacky, Michel Langevin alias "Away" fait partie de ceux qui ont traversé toutes les époques sans sourciller, portant VOIVOD toujours plus loin. Avec son style unique à la croisée du thrash, du hardcore et du rock progressif, le groupe demeure encore aujourd’hui une référence pour bon nombre de formations aux quatre coins du globe. Et c’est à l’occasion de la sortie fin juillet dernier du coffret Deluxe en édition limitée « Forgotten In Space » (dont vous trouverez les détails ici) que Michel a pris le temps avec HARD FORCE de revenir sur la carrière de VOIVOD. Et en quarante ans d’existence, vous imaginez bien qu’il avait beaucoup de choses à nous dire !
 

Michel, avant de rentrer dans le vif du sujet, notamment la sortie du coffret « Forgotten In Space », peux-tu nous dire quel est ton état d’esprit actuel ? 
Mon état d’esprit actuel ? Il est très bon ! Nous revenons d’une tournée nord-américaine de plus de deux semaines qui a démarré à Trois-Rivières, au Québec, pour se terminer à Boston en passant par Chicago, New York, Baltimore et plein d’autres endroits où le public s’est montré très enthousiaste. Cela était de très bon augure pour les quelques festivals auxquels nous avons participé au mois d’août (NDLR : VOIVOD était à l’affiche notamment de l’Alcatrazz Festival en Belgique et du Brutal Assault en Tchéquie). Mais c’est aussi prometteur pour l’ensemble de nos dates européennes qui se dérouleront du 10 au 26 novembre en compagnie d’OPETH. Une très belle affiche en perspective !

Oui, j’imagine ! La sortie de ce coffret "historique" est aussi un bon prétexte pour revenir sur les débuts du groupe quelque part en novembre 1982 lorsque Snake a rejoint le groupe avec toi, Piggy et Blacky...
Et oui cela fait quarante ans, déjà, que VOIVOD est vivant ! Nous avons commencé à jouer ensemble avec Denis d’Amour (alias "Piggy") et Jean-Yves Thériault (alias "Blacky") dès 1981 mais c’était juste pour le fun, sans véritable projet de groupe derrière. Puis en janvier 1983, nous avons décidé de passer la vitesse supérieure en auditionnant des chanteurs pour ce qui allait devenir VOIVOD. Nous avons alors fait la rencontre de Denis Bélanger (alias "Snake") qui a livré une prestation mémorable lors de ces auditions. Nous lui avions demander de chanter le morceau "The Ripper" de JUDAS PRIEST comme s’il était Johnny Rotten des SEX PISTOLS. Je te laisse imaginer le résultat, c’était incroyable !

Tu évoques JUDAS PRIEST, qui fait partie des groupes que VOIVOD a repris lors de votre tout premier concert en juin 1983, tout comme MOTÖRHEAD et VENOM, influences du groupe à ses débuts. Est-ce que tu les écoutes toujours aujourd’hui ?
Oui je les écoute toujours. Un grand oui même pour JUDAS PRIEST qui est indémodable. J’écoute toujours ce groupe avec grand plaisir tout comme IRON MAIDEN d’ailleurs. Peut-être un peu moins MOTÖRHEAD et surtout VENOM mais ce sont deux formations incontournables qui ont tenu un rôle déterminant dans l’orientation musicale de nos premières années. En fait, j’achète souvent les derniers albums des groupes que je suis depuis leurs débuts. C’est à ce titre que je me suis régalé avec le « Firepower » de JUDAS PRIEST ou le « Book Of Souls » d’IRON MAIDEN... même si ce n’est pas leur dernier album en date. Cela me fait penser d’ailleurs que je n’ai toujours pas écouté « Senjutsu », il va falloir que j’y remédie (rires). Dans un style plus progressif, MAGMA ou VAN DER GRAAF GENERATOR proposent toujours de très belle choses qui me font encore vibrer ! Je me rends compte aussi que j’écoute des musiques plus actuelles dans le cadre de festivals où VOIVOD est amené à jouer. J’adore fureter en backstage pour discuter avec les groupes qui viennent de se produire, d’échanger avec eux sur l’expérience qu’ils ont vécu. Et le dernier qui m’a impressionné à ce sujet est GOJIRA, sans aucun doute !

Te souviens-tu de l’époque des premiers concerts joués par le groupe, de la sortie des deux premières démos avant « War and Pain » ? Quelles ont été les premières difficultés rencontrées à ce moment-là ?
Oui, je m’en souviens très bien. Nous étions quelque peu isolés dans notre région de Saguenay, située à plus de 200 kilomètres au nord de la ville de Québec. A cette époque, il était difficile de me projeter et d’envisager une carrière longue de quarante ans puisqu’il y avait peu de concerts programmés, peu de relations avec d’autres groupes et surtout peu d’opportunités de sortir de nos frontières. Il faut se rappeler qu’au milieu des années 80, personne ne jouait dans un style comme le nôtre au Québec, nous étions uniques ! Ce qui pouvait constituer un avantage pour se démarquer du reste de la scène mais cela était aussi un frein quand il s’agissait d’organiser des concerts avec d’autres groupes. Nous devions nous rendre hors du Canada pour trouver des concerts avec du thrash à l’affiche parce qu’à l’époque il fallait jouer du rock des années 70 à la LED ZEPPELIN ou du punk/hardcore à la MINOR THREAT ou DISCHARGE pour avoir le vent en poupe...

Et quel a été inversement le premier moment où tu t’es dit : « Là, ça y est, il est en train de se passer quelque chose pour VOIVOD » ?
Le déménagement à Montréal en 1985, juste après la sortie de l’album « War and Pain », a marqué un tournant pour chacun d’entre nous. J’ai stoppé mes études universitaires pour me lancer à 100% dans l’aventure VOIVOD. Les premiers albums que nous avons sorti pour Noise Records à partir de 1986, réédités dans le coffret « Forgotten In Space », ont également accéléré le mouvement. C’est à partir de ce moment que nous avons effectué nos premières tournées dignes de ce nom. Nous sentions alors que le vent était enfin en train de tourner !

Voilà une transition toute trouvée pour aborder la sortie de ce fameux coffret. Qu’est-ce qui vous a donné l’idée de ressortir ces albums avec ces inédits dans un packaging comme celui-ci ? Sachant que Noise Records les avait déjà réédités en 2017 avec un remastering dans une édition Deluxe ?
Concernant les rééditions de 2017, cela faisait déjà plusieurs années que je travaillais sur une digitalisation des archives de VOIVOD. A ce moment-là, j’avais déjà fait le tour d’une quantité incroyable de vidéos et d’enregistrements audio pour agrémenter ces rééditions. Et ce sont les responsables du label Noise Records qui ont tapé à notre porte en nous expliquant qu’ils avaient retrouvé de nouvelles archives. Il faut savoir que dans les années 80 nous disposions d’une boîte postale sur laquelle nos fans envoyaient par la poste des cassettes VHS enregistrées lors de nos concerts. Je m’en suis servi et je pensais avoir tout reçu. Sauf que Noise a donc retrouvé lui aussi des archives de son côté, notamment un concert que nous avions donné à Chicago en compagnie de VIO-LENCE en 1988. Je ne connaissais même pas l’existence de cet enregistrement (rires). Mais ce n’est pas tout puisqu’en 1985 nous avons participé à un très gros festival à Montréal, le "World War III", avec CELTIC FROST, DESTRUCTION, POSSESSED et NASTY SAVAGE entre autres à l’affiche. Et c’est ce fameux concert qu’un fan a enregistré avec son walkman dans la poche de sa veste... d’où ce son très "bootleg" ! Et tout cela nous a permis d’aller encore plus loin en proposant dans ce coffret des bonus comme cette clé USB en forme de Korgull ou ce livre qui comport de nouvelles photos en plus de tous ces inédits. J’ai passé des dizaines et des dizaines d’heures à compiler, couper et digitaliser tout ce matériau pendant la pandémie et je suis très fier du résultat final que nous proposons aujourd’hui à nos fans.

  


Un livre de 40 pages, « Cosmic Drama », figure au menu de ce coffret. Dans celui-ci, tu reviens sur les débuts de VOIVOD avec des photos rares et inédites, peux-tu nous le présenter ?
Jerry Ewing, éditeur de Prog Magazine, a décerné en 2017 à Londres le "Visionary Award" au groupe pour l’ensemble de sa carrière. C’était une très belle récompense pour VOIVOD mais aussi une occasion en or pour moi de rencontrer certaines de mes idoles lors de la cérémonie. Imagine ! Steve Hackett (GENESIS), Peter Hammill (VAN DER GRAAF GENERATOR) et Carl Palmer (EMERSON, LAKE & PALMER) réunis dans la même salle, quel bonheur ! C’est également lors de cet évènement que BMG m’a demandé si j’étais d’accord pour réaliser une entrevue afin de concevoir un ouvrage rétrospectif sur la période Noise Records du groupe. J’ai accepté en essayant de me rappeler de ces années turbulentes, entre 1986 et 1988, où nous vivions tous du matin ou soir pour VOIVOD. C’était une époque assez courte, trois ans, qui était si intense que l’on ne se rendait même plus compte des journées qui défilaient les unes après les autres.  Nous embarquions pour une tournée mondiale puis il nous fallait composer de nouveaux morceaux pour l’album... et nous repartions sur la route pour ensuite enregistrer à nouveau du matériel pour l’album suivant. Et tout cela pendant trois ans ! Nous vivions tous ensemble dans le même appartement à jouer, répéter et faire évoluer la musique du groupe à l’unisson. C’est d’ailleurs la compilation « Build Your Weapons: The Noise Years » parue en 2017 qui m’a permis de me rendre compte de notre évolution musicale entre 1986 et 1988. Nous avons tous vécu cette époque-là en mode « Fast Forward » (rires) sans jamais s’arrêter. Nous étions dans une démarche d’amélioration continue, que ce soit sur les visuels, le concept et la musique du groupe mais nous n’avions pas le choix, il fallait faire vivre VOIVOD ! Finalement, le plus dur, lors de cette entrevue, était de me rappeler de détails liés à chaque tournée puisque chaque membre du groupe avait des souvenirs différents de cette période. En fait « Cosmic Drama » représente ma manière de voir les choses, trente ans après le déroulement des faits !

Terminons ce tour dans le passé en revenant un peu plus tôt au début de cette année avec la sortie de « Synchro Anarchy ». Six mois plus tard, peux-tu nous dire comment tu perçois cet album ?
La première chose qui me vient à l’esprit à l'évocation de « Synchro Anarchy », c’est la quantité de travail abattu pour en venir à bout. Nous étions, pendant sa conception, en période d’isolement et de distanciation et il nous était impossible de nous retrouver "en vrai" pour partager des idées, enregistrer, tester de nouvelles approches de notre son. Tout s’est fait par des échanges de fichier entre nous : rien de très rock’n’roll tu en conviendras (rires). Aujourd’hui, avec le recul je savoure le travail réalisé et je peux te dire que je suis aux anges : nos fans comme les médias ont adoré « Synchro Anarchy ». C’est une belle récompense pour notre investissement et nous en sommes très reconnaissants. Si je prends encore un peu de temps pour regarder en arrière, je dirais que le plus important pour moi à cette période était de conserver un juste équilibre entre le temps passé sur la conception du coffret « Forgotten In Space » et la création de ce nouvel album. J’avais un pied dans le passé, un dans le présent et un dans le futur ! C’était assez étrange mais cela a bien fonctionné au final. Si tu savais comme je suis heureux que VOIVOD existe encore en 2022, j’ai l’impression que nous vivons un regain de popularité depuis la sortie de « The Wake » en 2018.

2022 marque le retour en force du groupe en live puisque vous avez déjà effectué une quinzaine de dates au Canada et aux Etats-Unis en juin, peux-tu nous dire comment cette tournée s’est passée ?
Le public a répondu présent et nous l’avons constaté lors de chaque concert, où plusieurs générations de fans étaient présentes. Certains fans réclamaient de vieux morceaux pendant que d’autres braillaient pour entendre ceux issus de « The Wake » ou « Synchro Anarchy » ! C’était juste génial de faire le grand écart avec toutes ces personnes pendant chaque show. De jeunes fans étaient installés juste devant la scène avec leur t-shirt VOIVOD à chanter les paroles à en perdre la voix, c’est magique quand tu es musicien de voir cet héritage en direct, devant tes yeux. Cela signe le grand retour de VOIVOD après deux années de silence.

En plus des festivals européens auxquels vous avez participé au mois d’août, vous démarrerez une tournée au mois de novembre de 13 dates à travers l’Europe avec OPETH, on peut dire que les amateurs du groupe vont être servis...
Je n’aurais pas mieux dit : nous serons d’ailleurs chez vous à Paris, Salle Pleyel, le 16 novembre 2022. Si tu savais comme nous avons hâte de reprendre la route pour parcourir l’Europe et aller à la rencontre de nos fans et de nos amis !

Pour terminer, on aimerait savoir quels sont les autres projets du groupe pour les mois à venir...
D’ici à la fin de l’année, nous aimerions travailler sur un « Greatest Hits » à paraître pour l’année prochaine. Il nous reste aussi un livre à terminer et un film réalisé par Felipe Belalcázar qui retracera les grands moments de la vie du groupe est en cours de production. L’année prochaine, ce sera également le vingtième anniversaire de l’album « Voivod » enregistré avec Jason Newsted à la basse et nous comptons bien faire quelque chose pour célébrer cela comme il se doit. Encore merci Clément et j’espère croiser nombre d’entre vous lors de notre halte parisienne avec OPETH !
 

Les deux versions du coffret  « Forgotten In Space » peuvent être précommandées en suivant ce lien : Voivod.ForgottenInSpace

VOIVOD sortira un EP intitulé « Ultraman » le 4 novembre chez Century Media Records, en complément de son dernier album « Synchro Anarchy » et en parfaite synchronisation avec sa prochaine tournée européenne. L'EP « Ultraman » présentera un hommage très original au thème de la série télévisée Ultraman ainsi que des morceaux live bonus inédits, disponibles en format vinyle 12 pouces ou en format numérique en précommande sur ce lien : Voivodband-Ultraman-EP

Blogger : Clément
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Clément
Clément a connu sa révélation métallique lors d'un voyage de classe en Allemagne, quelque part en 1992, avec un magazine HARD FORCE dans une main et son walkman hurlant "Fear of the Dark" dans l'autre. Depuis, pas une journée ne se passe sans qu'une guitare plus ou moins saturée ne vienne réjouir ses esgourdes ! Etant par ailleurs peu doué pour la maîtrise d'un instrument, c'est vers l'écriture qu'il s'est tourné un peu plus tard en créant avec deux compères un premier fanzine, "Depths of Decadence" et ensuite en collaborant pendant une dizaine d'années à Decibels Storm, puis VS-Webzine. Depuis 2016, c'est sur HARD FORCE qu'il "sévit" où il brise les oreilles de la rédaction avec la rubrique "Labels et les Bêtes"... entre autres !
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