22 septembre 2024, 11:49

NIGHTWISH

"Yesterwynde"

Album : Yesterwynde

S’il est un groupe qui a toujours joué sur la nostalgie, c’est bien NIGHTWISH. Et c’est encore plus vrai sur ce « Yesterwynde », dixième album studio des maîtres du metal symphonique, tant par son thème qui explore le passé sous toutes ses formes que par son contenu aux relents de déjà-entendu. Ce titre bizarre est dû à une invention du compositeur et claviériste, Tuomas Holopainen, pour évoquer une forte connexion avec le passé et notre rapport au temps (en effet, la langue anglaise autorise la création de nouveaux mots lorsqu’aucun déjà existant ne correspond à l’idée que l’on cherche à exprimer). Mais ce côté nostalgique, s’il permet au groupe de développer une certaine conception de son metal symphonique, a aussi son revers de la médaille.

Ainsi, tout au long de cet album, la récurrence des thèmes musicaux et de certaines lignes de chant qui rappellent instantanément des albums comme « Dark Passion Play » (2007), « Imaginaerum » (2011) ou « Endless Form Most Beautiful » (2015) font que la surprise est rarement au rendez-vous et que l’ennui pointe fréquemment le bout de son nez. Ce n’est pas tant dû à la longueur des morceaux et de l’album (en fervente admiratrice de metal progressif, ce n’est tout de même pas cela qui va me rebuter !) qu’au côté répétitif et prévisible de certains passages très « Nightwishiens » (le break de "An Ocean Of Strange Islands" ainsi que celui de "Perfume Of The Timeless" rappelant furieusement ceux de "Storytime" et "The Greatest Show On Earth", entre autres). Toutefois, ce « Yesterwynde » n’est pas un mauvais cru pour autant. On y trouve effectivement de bons moments comme la première partie de "Sway" qui voit l’excellente Floor Jansen (chant) et Troy Donockley (cornemuse irlandaise, guitare, flûte, chant) accorder leurs voix pour un duo poétique, simplement accompagné d’une guitare sèche, le refrain entêtant de "Perfume Of The Timeless", le côté heavy de "The Antikythera Mechanism", ou bien encore les nouvelles approches stylistiques (qui font grincer les dents des soi-disant "puristes") sur "The Day Of..." ainsi que le beat électro de "The Children Of 'Ata". Des nouveautés dans le son de NIGHTWISH qui prouvent que le groupe cherche quand même à sortir un peu de sa zone de confort.

On commence en douceur par le morceau-titre, "Yesterwynde", avec un bruit de bobine de film qui se déroule, et des chœurs qui font penser à un, hum... chant de Noël, pour embrayer sur "An Ocean Of Strange Islands", bien plus à propos, heavy et orchestral, comme le groupe sait en proposer depuis toujours. On y retrouve le genre de rythme tribal que NIGHTWISH propose depuis « Endless Forms Most Beautiful ». Logique, puisque cet album est selon son créateur, le dernier épisode de la trilogie ayant pour inspiration la nature et l’évolution humaine. "The Antikythera Mechanism", dont le sujet est la machine d’Anticythère, objet en bronze au mécanisme analogique antique créé par les hommes, qui permettait de calculer les positions astronomiques, est un morceau puissant et efficace. Bien plus original, "The Day Of...", révélé comme 3e single, aborde un style plus moderne et presque pop, qui a le mérite d’insuffler un peu de nouveauté, n’en déplaise aux râleurs, même si les chœurs d’enfant ont déjà été utilisés auparavant, sur "Scartale" notamment, issu de « Imaginaerum ». Morceau à tiroirs, typique de NIGHTWISH, "Perfume Of The Timeless" se laisse écouter agréablement, à défaut d’être novateur. Un mot sur le traitement des voix : si Floor Jansen offre, comme à son habitude, une prestation irréprochable, on ne peut s’empêcher de déplorer le mixage qui la place en retrait, derrière une surabondance d’orchestrations souvent redondantes. On est loin de celui de « Human. : II : Nature. » que nous avions particulièrement aimé, et qui donnait enfin l’occasion d’apprécier la richesse de la palette vocale de Floor. Il est inconcevable qu’une chanteuse aussi exceptionnelle soit sous-exploitée de la sorte. De même, si le visage de NIGHTWISH en 2024 se montre à nous sans la présence charismatique de Marko Hietala (ex-bassiste/chanteur) et qu’il nous faut bien l’accepter, force est de reconnaître que son absence se fait cruellement ressentir, tant il apportait une complémentarité à Floor et Troy, et un côté plus mordant et agressif. D’où cette impression pernicieuse de déséquilibre, hélas...

La première partie de "Sway" nous enchante, précisément parce qu’elle met en valeur les voix sans aucun artifice. Et ce moment de magie intervient comme une respiration après le très touffu "Perfume Of The Timeless". "The Children Of 'Ata" est l’une des plus intéressantes chansons de cet album, avec son chœur Tongien en ouverture ainsi que sur le break, son beat électro et ses sonorités teintées 80’s. Ata est l’une des îles des Tonga dans l’océan Pacifique. Le morceau évoque l’histoire de ces six enfants qui, en 1965, ont été abandonnés sur Ata, et qui, contrairement à ce que l’on aurait pu penser, ne sont pas retournés à l’état sauvage mais ont construit un terrain de badminton, ainsi qu’une guitare. On comprend aisément pourquoi cette histoire, profondément humaniste, a pu inspirer Tuomas Holopainen. Tout au long du disque, les guitares d’Emppu Vuorinen sont bien présentes, et plus particulièrement sur "Something Whispered Follow Me", un morceau assez complexe mais qui possède un charme certain. Les discrets Kai Hahto (batterie) et Jukka Koskinen (basse) sont en symbiose. Pas étonnant vu que c’est la section rythmique de WINTERSUN, et que les deux hommes se connaissent et jouent ensemble depuis longtemps. "Spider Silk", plus accessible et "Hiraeth", la chanson folk de cet album, qui offre une fois encore la possibilité à Floor Jansen et Troy Donockley d’accorder leurs voix, s’apprivoisent plus facilement et sont assez sympathiques, alors que "The Weave" nous semble bien plus fade et sans saveur.

On achève cette écoute avec la douce et mélancolique "Lanternlight", avec son intro piano/voix délicate. Une chanson agréable, mais qui n’est pas sans rappeler encore une fois... un chant de Noël ! Logique en somme, vu qu’elle se conclue également sur le son de la bobine de film arrivée au bout de sa course. « Yesterwynde » est un bon album, plaisant à écouter, avec des passages vraiment intéressants, mais "plaisant" n’est pas l’adjectif que nous aurions aimé employer pour le définir. La musique de NIGHTWISH est toujours épique, voire grandiloquente, avec profusion d’éléments symphoniques, de couches sonores différentes, de détails à découvrir, or il nous manque cette fois un petit quelque chose qui nous ferait vibrer. Des frissons qui ne viennent pas. Des émotions absentes. Qu’il est douloureux de reconnaître que, cette fois, l’un des groupes que l’on adore et suit depuis des années n’a pas réussi à nous bouleverser comme il l’a fait à maintes reprises précédemment... Cela ne signifie pas pour autant que ce ne sera plus le cas à l’avenir, mais ce dixième album ne sera pas celui qui tournera en boucle sur notre platine cette année, et il risque fort de prendre cruellement la poussière sur son étagère.

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