Le 4 juin 1996, METALLICA sort « Load », premier volet du diptyque qui sera suivi, 17 mois plus tard, par « Reload ». L'idée n'est pas d'en faire la chronique mais de rappeler quelques faits ou anecdotes que vous ignoriez peut-être sur le sixième album studio du groupe qui fête aujourd'hui son 24e anniversaire…
• Le 21 mai, soit 15 jours avant l'album, un premier single, “Until It Sleeps”, débarque en éclaireur. Et là, c'est le drame. Une partie de la fanbase de METALLICA, qui avait déjà eu du mal avec le « Black Album » (« C'est commercial ! C'est plus du thrash ! », eh non, c'est du metal), en tombe à la renverse. Car ça n'est plus du metal, c'est du hard rock, produit, comme son prédécesseur, par Bob Rock… La chanson, qui sera le premier MP3 “officiellement” piraté, se classera n° 1 des charts américains en catégorie “Mainstream Rock” et 10e en France !
Une version démo du morceau, alors baptisé “F.O.B.D.”, apparaît sur certaines versions du single. Il doit son titre de travail à “Fell On Black Days” de SOUNDGARDEN parce que, comme la chanson de Chris Cornell & Co présente sur « Superunknown » (1994), le refrain est en 6/4.
Quant au clip, il remportera en 1996 le prix de “Meilleure vidéo rock” aux MTV Music Awards. Son esthétique très imprégnée de l'univers torturé de Hieronymous Bosch, peintre néerlandais du XVe-XVIe siècle, emprunte des scènes au Jardin des Délices, au Chariot de Foin (aucun rapport avec la fille du coupeur de joints) ou à la scène de crucifixion du Christ d'Ecce Homo. Bref, bien que sombre et onirique, il ne ressemble à rien de ce qu'avaient proposé jusque-là les Hommes en Noir, d'autant plus que Kirk Hammett et Lars Ulrich sont maquillés et que ce dernier porte même un boa (un truc en plumes, pas un serpent)… Et s'il y a bien une chose que certains fans “de base” n'aiment pas, c'est le changement.
• Au départ, METALLICA avait envisagé de sortir un double album et non pas un diptyque. Mais avec 14 titres et 78 minutes 59, « Load », le plus long de la discographie du groupe de San Francisco (« Hardwired… To Self-Destruct », le dernier en date sorti en 2016, ne fait “que” 77 minutes 26), il ne peut rien rajouter sous peine que le CD saute. La jam finale d'1 minute de “The Outlaw Torn” (dont James Hetfield a donné une splendide interprétation dans « S&M 2 », dont on attend toujours la date de sortie dans le commerce, soit dit en passant) en fera les frais.
Et puis les quatre hommes ont déjà passé beaucoup (trop ?) de temps en studio et ils décident qu'ils termineront plus tard les compositions inachevées qui apparaîtront sur « Reload », qu'ils finiront d'enregistrer un peu moins d'un mois avant sa sortie, le 18 novembre 1997.
• Autre sujet de discorde pour les fans : METALLICA a abandonné – du moins dans la vidéo et pour les sessions photos – l'uniforme qui était le sien depuis ses débuts, à la ville comme à la scène : un jeans, un T-shirt et basta. Et les musiciens se sont coupés les cheveux… « J'étais très surpris, avouera par la suite le soliste, qui, “en plus” porte du vernis (noir) et du khôl. Je ne pensais pas que ce qui comptait le plus chez METALLICA, c'était d'avoir les cheveux longs. Je pensais que c'était la musique. J'ai vraiment été étonné par les réactions que cela a engendré. Et puis finalement, j'ai fini par voir le côté ridicule de la chose. C'était marrant que ça énerve autant de personnes. »
La version vinyle de « Load » contient un livret avec de nombreuses photos signées Anton Corbijn, déjà connu pour son travail avec DEPECHE MODE et U2, sur lesquelles James, Kirk, Lars et Jason Newsted posent avec différents looks. En 2009, à l'occasion d'une interview avec Classic Rock, le frontman donnera son point de vue sur cet épisode vestimentaire de la carrière de METALLICA. « Ce sont Lars et Kirk qui ont pris les rênes sur “Load” et “Reload”. C'est eux qui ont voulu que nous nous “réinventions”. Je n'ai rien contre l'image mais si elle ne te correspond pas, ça n'a pas de sens. (…) Je n'y arrivais pas. Le côté : “OK, maintenant, on va faire une session photo avec un look glam, comme dans les Seventies.” Quoi ? J'ai déchiré au moins la moitié des photos du livret. Comme la pochette, cela allait à l'encontre de ce que j'éprouvais. »
• La photo de la pochette honnie par Jaimz, on la doit à Andres Serrano, un « artiste religieux », selon ses propres termes, qui, en 1990, l'a publiée sous le nom de “Blood And Semen III”, puisqu'il s'agit d'une étude photographique en trois parties. Si l'on peut croire, de loin, qu'il s'agit d'un simple flaming, comme son nom le sous-entend, elle est en fait composée de sang (de bœuf) et de sperme (le monsieur s'est dévoué), pressé entre deux panneaux de plexiglas. Kirk, très emballé, fera d'ailleurs l'acquisition de l'original. C'est lui qui, au départ, a remarqué une image très semblable dans la vidéo de “Crush My Soul” de GODFLESH, groupe de metal indus britannique, qui a été réalisée justement par Serrano en 1994, et s'est intéressé à son travail.
« Lars et Kirk adoraient l'art abstrait et faisaient semblant d'être gay, expliquera le fronman, toujours dans le cadre de son interview avec Classic Rock. Je crois qu'ils savaient que ça me tapait sur le système. J'aime l'art mais pas quand il est juste destiné à choquer. » Précisons en effet que l'artiste iconoclaste est célèbre dans le monde entier pour son œuvre qui utilise la chair, la mort, les excréments, les liquides corporels mais aussi le sacré. James sera donc “enchanté” quand, pour rester dans l'esprit de « Load », la pochette de « Reload » sera une autre œuvre de Serrano au titre sans équivoque de “Piss And Blood”…
• “Hero Of The Day”, le second single, sort le 9 septembre. Comme son prédécesseur, il entre directement en tête des Hot Mainstream Rock Tracks du Billboard. Quatre reprises de MOTÖRHEAD (“Overkill”, “Damage Case”, “Stone Deaf Forever” et “Too Late, Too Late”), enregistrées live sur un 2-pistes aux Plant Studios à l'occasion d'une répétition pour les 50 ans de Lemmy au Whiskey A Go-Go de Los Angeles, seront incluses en face B selon les versions du single. On les retrouve toutes les quatre sur « MotörheadACHE », un CD en édition limitée, ainsi que sur l'EP japonais. Les quatre covers figureront sur le deuxième CD de « Garage Inc. » qui arrivera dans les bacs en 1998.
• Le titre de travail de “Hero Of The Day” était “Mouldy” (littéralement “moisi”. Non, fan déçu de METALLICA, les quatre hommes n'avaient pas eu un éclair de lucidité à l'heure de baptiser leur chanson, ton avis n'engage que toi). Tout simplement parce que le duo Hetfield-Ulrich trouvait que son son et son esprit rappelaient Bob Mould, guitariste/chanteur de HUSKER DÜ, groupe de punk hardcore des années 80, ainsi que de SUGAR. Cette démo figure sur certaines versions du single.
• Sans doute pour montrer le changement profond voulu par METALLICA, c'est un logo retravaillé et très affadi qui apparaît pour la première fois sur la pochette. Heureusement, le M, repensé pour ressembler à un shuriken (ou étoile à lancer de ninja), apparaîtra en guise de logo alternatif.
• Troisième single, “Mama Said” et son clip débarquent le 25 novembre. Beaucoup crieront au scandale face à cette ballade country touchante musicalement mais aussi au niveau des textes, James, coiffé d'un Stetson et en plein trip “poor lonesome cowboy”, parlant de ses relations compliquées avec sa mère, décédée d'un cancer quand il avais 16 ans. Il aborde également sa maladie de façon imagée dans “Until It Sleeps”, même si l'on peut également y voir des références à une addiction.
Depuis, on sait que nombre de musiciens de metal, plus particulièrement américains (on citera seulement DEVILDRIVER et David Vincent, frontman de I AM MORBID et ex-leader de MORBID ANGEL, mais ils sont nombreux), ont un gros faible pour la country, un genre musical peu prisé de notre côté de l'Atlantique. James, un précurseur ?
Par la suite, Jason Newsted, le bassiste, qui n'a de toute façon pas voix au chapitre, dira à Playboy : « Au départ, ça ne ressemblait pas beaucoup à METALLICA tel que je le concevais. J'aime les morceaux rapides et heavy. Pour moi, METALLICA ne devrait pas faire de country. Je n'étais pas très fan. » C'est ce qui s'appelle “prendre des pincettes”…
• « Load », qui entrera directement en tête des charts américains qu'il squattera pendant quatre semaines, se vendra à 680 000 exemplaires rien qu'aux States au cours de sa première semaine de commercialisation. Des chiffres proprement hallucinants quand on sait où en est l'industrie du disque 24 ans plus tard. Et il dépassera les 5 millions de ventes outre-Atlantique.
• Quant à “King Nothing”, quatrième et dernier extrait de « Load », il sera commercialisé le 7 janvier 1997. En tendant l'oreille, on entend à la fin « Off to never-neverland », un clin d'œil à “Enter Sandman”.
• Un documentaire de 30 mn sur le making of de l'album, sorti en 1996, est visible sur le Net.
• La tournée “Poor Touring Me” passera par Paris/Bercy les 15 et 16 septembre 1996, mais aussi par Marseille et Lyon les 2 et 3 octobre suivants. Pendant “Enter Sandman”, la scène semble s'effondrer, les effets pyrotechniques s'emballent, un technicien en flammes court sur scène tandis qu'un autre, chargé des lights, chute du plafond et se balance au bout d'un câble. C'est donc avec un jeu de lumière minimum et un petit son que le concert continue. Heureusement, on découvre rapidement qu'il s'agit juste d'une mise en scène. D'où le titre en forme de contrepèterie du DVD et de la VHS qui sortiront en 1998, Cunning Stunts (que l'on peut traduire par “cascades rusées”) qui se lit également Stunning Cunts (“connards magnifiques”).
Discographie
Kill 'Em All (1983)
Ride The Lightning (1984)
Master of Puppets (1986)
…And Justice For All (1988)
Metallica (1991)
Load (1996)
ReLoad (1997)
St. Anger (2003)
Death Magnetic (2008)
Hardwired… to Self-Destruct (2016)
Un jour, Un Album
