4 mars 2023, 11:43

LE JOUR OÙ…

Marty Friedman a auditionné pour MEGADETH


Vingt-trois ans après avoir quitté MEGADETH, Marty Friedman a retrouvé son ex-employeur le temps de trois morceaux à Tokyo. L'occasion de revenir sur ce jour de 1989 où le jeune virtuose, aussi doué que fauché, a auditionné pour l'une des plus grandes formations de thrash qui était à la recherche de son nouveau soliste.
 

Dès ses débuts, MEGADETH a été synonyme de groupe à fort turnover. Ambiance chaises musicales (évidemment !) avec une bonne dose de pathos, voire de tragédie gréco-romaine, pour faire bonne mesure. Car Dave Mustaine est un despote. Qui, en tant que seul maître à bord, a droit de vie et de mort sur ses musiciens (comprendre de s'en débarrasser sans préavis). Sans doute une "dette" à régler avec le passé compte tenu de la façon dont il s'est fait lourder sans sommation de METALLICA par un petit matin d'avril 1983 à New York. Qu'il l'ait bien cherché ne lui est apparemment jamais venu à l'esprit. Seul Dave Ellefson Jr., qui a longtemps été son fidèle lieutenant, a tenu bon. Avant de se faire débarquer comme un malpropre en mai 2021 et de voir ses parties de basse effacées du nouvel album, « The Sick, The Dying… And The Dead! ». #CancelCulture…

Nous sommes donc en 1989. Avec trois albums à son actif (« Killing Is My Business… And Business Is Good », « Peace Sells… But Who's Buying? » et « So Far, So Good… So What! », sortis respectivement en 1985, 1986 et 1988), MEGADETH a déjà officiellement usé deux guitaristes : Chris Poland et Jeff Young qui lui a succédé. Ce dernier éjecté (en même temps que le batteur Chuck Behler), le frontman, au fin fond de la dope, tout comme Ellefson d'ailleurs, part à la recherche d'un nouveau soliste. De nombreux musiciens seront auditionnés, dont Jeff Waters d'ANNIHILATOR qui n'est pas retenu, ou encore Jeff Loomis, alors âgé de 16 ans, futur SANCTUARY, NEVERMORE et ARCH ENEMY, qui est jugé trop jeune quoique talentueux. 
 

Parmi les nombreux guitaristes auditionnés, MEGADETH verra passer Jeff Waters d'ANNIHILATOR et Jeff Loomis, futur ARCH ENEMY, âgé de 16 ans seulement…


Darrell Abbott, alors connu sous le nom de Diamond Darrell, discutera au téléphone avec Mustaine après qu'Ellefson a joué les entremetteurs. PANTERA n'a pas encore explosé avec « Cowboys From Hell » qui sortira un an plus tard, mais il ne veut jouer qu'avec Vinnie Paul, son frère batteur, et Nick Menza est déjà dans la place. Alors l'histoire s'arrête avant même d'avoir commencé. Si l'on peut regretter que cette alliance exceptionnelle n'ait jamais eu lieu, elle aura par contre permis l'émergence de PANTERA sans qui la face du metal des années 90 et au-delà aurait été tout autre. Et puis humainement parlant, vu le caractère des frangins, ça aurait certainement terminé en boucherie avec le rouquin.

Alors que le manager de MEGADETH commence à trouver le temps long et à s'impatienter, le frontman écoute, sur les conseils de Ron Lafitte qui travaille à Capitol Records, maison de disques du groupe, mais aussi du journaliste Bob Nalbandian, les albums envoyés par Marty Friedman. Poulain de l'écurie Shrapnel, label fondé par Mike Varney, synonyme à l'époque d'albums instrumentaux et de guitaristes de haute volée comme Yngwie Malmsteen, Tony McAlpine ou Vinnie Moore, il a fait ses gammes au sein de VIXEN, groupe de thrash sans aucun rapport avec les Californiennes laquées, d'HAWAII ainsi que dans CACOPHONY aux côtés d'un autre prodige de la six-cordes, Jason Becker. Et il a alors un premier album solo instrumental à son actif, « Dragon's Kiss » (1988). Un an plus tôt, il a également auditionné, sans succès, pour Ozzy qui a porté son dévolu sur Zakk Wylde.


Si sa virtuosité retient l'attention de MegaDave, il est par contre dubitatif quant à son look qu'il qualifie de « trop glam », le guitariste arborant une mèche orange sur une photo… Tout en reconnaissant « ne pas en attendre grand-chose », il accepte toutefois de l'auditionner parce qu'il va bien falloir le trouver, cet oiseau rare. Lorsque Friedman débarque au Power Plant, à L.A., où a lieu le grand oral, c'est avec une Carvin rouge – une marque de guitares bon marché. Sans même un étui. Car si son nom circule depuis un moment déjà dans le milieu, ce dernier habite alors dans un semi-taudis et ne vit que de riz et de quelques bonbons, faute d'argent pour pouvoir se payer à manger décemment. Une situation qui rappelle, en pire, celle de Joe Satriani avant qu'il ne décroche le poste de guitariste de tournée de Mick Jagger en 1988. Et qui en dit long sur l'image fantasmée des musiciens de renom par rapport à la souvent triste réalité…

Mais il a amené avec lui un technicien guitare, ce qui impressionne favorablement le maître de céans qui s'attend pourtant à tout moment à ce qu'un tiers apporte un rack d'effets ou un ampli. Lorsqu'il comprend que personne ne viendra, il demande à son roadie de le brancher sur le mur de Marshall. Friedman a appris une poignée de chansons, dont "Pace Sells (But Who's Buying?)", et il ne faut pas longtemps au frontman pour comprendre qu'il tient là la pièce manquante de son puzzle. Il ne regardera même pas la vidéo, tournée systématiquement avec chaque prétendant au poste, qui lui permet de décrypter leurs expressions et leur langage corporel : il coche toutes les cases. Des images de sa toute première fois (toute-toute première fois) avec Mustaine, Ellefson et Menza où ils jouent "Wake Up Dead" figurent d'ailleurs sur le DVD The Arsenal Of Megadeth, commercialisé en 2006. 


« Non seulement j'étais ravi de savoir que je pourrais manger et quitter le taudis dans lequel je vivais, mais en plus, je faisais désormais partie d'un groupe dont j'aimais la musique, confiera le virtuose dans Rust In Peace - The Inside Story Of The Megadeth Masterpiece, publié en septembre 2020 chez Hachette. Gagner de l'argent quand on est musicien, c'est comme gagner à la loterie, mais jouer dans un groupe dont on aime la musique, c'est décrocher le jackpot. » Ce n'est que par la suite que Marty découvrira les multiples dépendances de ses nouveaux collègues de travail et leurs nombreux séjours en cure de désintoxication. Lui est plutôt du genre clean, même s'il a affirmé sans rire à son nouveau boss que c'est le jour où, des années plus tôt, il a arrêté de consommer quotidiennement des Quaaludes que ses cheveux, alors raides, sont devenus frisés… 

Mais Marty aussi a un sérieux problème – d'ordre physique. Qu'il fera tout pour cacher aux autres musiciens, de peur de se faire virer alors qu'il touche enfin au but. Les nerfs de son bras droit sont alors abîmés au point que c'est tout juste si ses synapses parviennent à transmettre l'influx à sa main droite. Un premier spécialiste lui ordonne d'arrêter purement et simplement la guitare sous peine de perdre définitivement l'usage de son bras. Moins alarmiste, une docteure spécialisée en médecine du sport lui conseillera de jouer le moins possible pour se préserver et de suivre des séances de rééducation quotidiennes. Ce n'est que lorsqu'il sera obligé d'appliquer de la glace sur son bras en studio qu'il concèdera avoir quelques (menus) soucis, mais sans s'étendre. Ce qui n'affole pas Mustaine compte tenu que le p'tit nouveau fait très bien le job.

Le clip de "Hangar 18", un des singles de « Rust In Peace », a vieilli, pas le morceau. Classique !


Marty enregistrera cinq albums studio, dont trois classiques des Californiens : le grand « Rust In Peace » (1990), « Countdown To Extinction » (1992) et « Youthanasia » (1994), les plus vendus de leur discographie, qui ont tous dépassé le million de ventes outre-Atlantique. Avant de se lasser de la direction trop "middle of the road" (synonyme pour lui de "le cul entre deux chaises") prise par le groupe sur « Risk » (1999), son chant du cygne à lui. « Je trouvais MEGADETH pas assez agressif, expliquera-t-il en 2017 à l'occasion d'une interview avec Ultimate Guitar. Quand j'ai quitté le groupe, je voulais du contraste, je voulais des passages soft et d'autres totalement agressifs. On en était arrivés au point où tout était mid-tempo, c'était devenu du metal old-school. Et il y avait tellement de nouveaux courants musicaux à l'époque que je me disais qu'il fallait vraiment que l'on se modernise parce que notre style n'était pas suffisamment rentre-dedans.
Pour moi, si l'on faisait une chanson pop, il fallait qu'elle le soit franchement et si l'on faisait un titre metal, il fallait qu'il le soit de bout en bout. Je ne sais pas pourquoi mais le reste du groupe n'était pas de cet avis. Ils n'étaient pas vraiment au courant de ce qui se passait sur la scène metal moderne et nous n'étions pas suffisamment aventureux à mon goût. Je pense que MEGADETH est un dieu pour ce qui est de brandir l'étendard du metal old-school et que c'est ce que le groupe est censé faire. Pas de problème et je leur souhaite bonne continuation. Pour ce qui est des années que nous avons passées ensemble, je suis très heureux de notre histoire commune et de la musique que nous avons créée. »

De son côté, le tout-puissant frontman affirme que la raison qui a précipité le départ de Friedman, c'est que le management a effacé son solo sur "Breadline" pour le remplacer par le sien. Ce que le soliste n'a découvert qu'en écoutant le mix final… On comprend son agacement.

 

Le 27 février 2023, Marty retrouve MEGADETH sur la scène du légendaire Budokan à Tokyo, le temps de trois classiques de "son" époque.


En 2014, suite à l'éviction du guitariste Chris Broderick et du batteur Shawn Drover (Mustaine aime décidément bien quand ça marche par paire), le petit brun sera contacté par son ex-employeur pour reformer le line-up de « Rust In Peace » avec Nick Menza qui était encore de ce monde. Mais il décline l'invitation. « Ça m'aurait plu mais il n'était pas question pour moi de gagner moins d'argent que ce que je percevais à l'époque en tant qu'artiste solo, confiera-t-il, lui qui est entre-temps devenu un demi-dieu au Japon où il s'est installé en 2003. Je gagnais également de l'argent pour mon manager qui travaillait avec moi depuis 15 ans. Il était donc impensable que je fasse cela à perte. Et puis honnêtement, à l'époque, le groupe ne semblait plus avoir grand-chose à offrir musicalement. »

Les changements de line-up par trop fréquents lui rappellent également que rien n'a changé au sein du groupe et cela ne lui donne pas envie non plus de retenter l'expérience. « MEGADETH est vraiment le projet de Mustaine, parce que c'est ainsi qu'il le conçoit, analysait-il. Il n'y avait pas cet esprit de camaraderie où les quatre membres sont essentiels, comme chez METALLICA, KISS ou les BEATLES. » Pas certaine que les deux premiers exemples soient les mieux trouvés, quand on sait que le concept de démocratie des deux formations américaines est plus que tangent, mais qu'importe…

Mustaine, qui comme l'Inspecteur Harry ne renonce jamais, reviendra une nouvelle fois à la charge, mais pour un simple concert cette fois. « Ça s'est passé le plus simplement du monde, commentait Friedman à la mi-février dans le cadre de l'émission "My 3 Questions To". Dave m'a dit : "On joue au Japon en février. Ça te dit de venir taper le bœuf ?" et j'ai aussitôt accepté. » Et c'est ainsi que le 27 février dernier, Marty a retrouvé son ex-boss pour trois chansons de "son" époque ("Countdown To Extinction", "Tornado Of Souls" et "Symphony Of Destruction"), sur les planches du légendaire Budokan à Tokyo où MEGADETH n'avait encore jamais posé ses flycases. Et croisé à nouveau le fer avec Kiko Loureiro, soliste en place depuis 2015, qui l'avait invité sur "Imminent Threat", un des morceaux de « Open Source » (2020), son cinquième album en solitaire. Un bref retour célébré par tous les fans, subjugués par sa prestation.
Le concert, baptisé "They Only Come Out At Night" était disponible pour une brève période en livestream et à la demande. Qui sait d'ailleurs si l'on n'en retrouvera pas ultérieurement des passages sur un nouveau DVD/Blu-ray ?

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« Serais-tu prêt à retravailler un jour avec MEGADETH, en concert ou en studio ? » demandait Consequence à Marty le lendemain du concert japonais. « La porte est ouverte. Je pense qu'elle l'a toujours été, a répondu ce dernier. La question est juste de faire quelque chose qui ait du sens. Pour eux comme pour moi. Le concert au Budokan était une évidence. Mais si une chose à la fois positive pour eux et pour moi se présente et apporte une plus-value, alors je serai partant. Le groupe assure tellement en ce moment que je ne pense pas qu'ils aient besoin de moi pour quoi que ce soit (rires). Mais le Budokan était fantastique. Il y a d'autres choses dans le futur. Ma porte est ouverte, nous nous entendons très bien et j'adore les mecs du groupe. C'est très détendu. »  Avant d'ajouter dans la foulée, à l'occasion d'une interview avec Guitar World « MEGADETH et moi jouons au Wacken Open Air Festival en Allemagne cet été, alors qui sait ce qu'il peut se passer ? ». 


​Pour en revenir brièvement à 1989, il est amusant de noter que Friedman avait deux auditions la même semaine : le mardi avec MEGADETH et le vendredi avec Madonna. Pas qu'il se sentait beaucoup d'atomes crochus musicaux avec la chanteuse, mais cette dernière était à la recherche d'un guitariste de tournée et il avait besoin de passer au niveau supérieur. Et de manger. Engagé à l'issue de l'audition de MEGADETH, il ne se présentera donc pas à celle de la Mother Of Reinvention. Et c'est Monte Pittman, guitariste de PRONG, qui décrochera le poste. Depuis 2001, il est son guitariste officiel en live. Et lui a même appris le riff de "A New Level" de PANTERA qu'elle a ajouté à sa chanson "Hung Up", en 2008, sur la tournée "Sticky And Sweet"...
 

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Blogger : Laurence Faure
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Laurence Faure
Le hard rock, Laurence est tombée dedans il y a déjà pas mal d'années. Mais partant du principe que «Si c'est trop fort, c'est que t'es trop vieux» et qu'elle écoute toujours la musique sur 11, elle pense être la preuve vivante que le metal à haute dose est une véritable fontaine de jouvence. Ou alors elle est sourde, mais laissez-la rêver… Après avoir “religieusement” lu la presse française de la grande époque, Laurence rejoint Hard Rock Magazine en tant que journaliste et secrétaire de rédaction, avant d'en devenir brièvement rédac' chef. Débarquée et résolue à changer de milieu, LF œuvre désormais dans la presse spécialisée (sports mécaniques), mais comme il n'y a vraiment que le metal qui fait battre son petit cœur, quand HARD FORCE lui a proposé de rejoindre le team fin 2013, elle est arrivée “fast as a shark”.
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