Il y a 42 ans aujourd'hui, Mustaine est "remercié" par METALLICA après presque 2 ans passés dans le groupe. Mais, comme le Terminator, il reviendra... Autopsie d'une chute annoncée.
Il n'avait rien vu venir. Le 11 avril 1983, aux alentours de 9 heures du mat', le couperet tombe pour Dave Mustaine : James Hetfield, Lars Ulrich et Cliff Burton le cueillent au saut du lit pour lui annoncer qu'il ne fait plus partie de METALLICA. Comme ça, sans le moindre avertissement préalable. Et ils ont même préparé ses affaires ! En plus, il a une sacrée gueule de bois, ce qui n'arrange pas les choses. Ce n'est pas tant sa consommation d'alcool effrénée (mais aussi de drogues) doublée d'une bonne dose de mégalomanie qui ont poussé le soliste vers la sortie – ça aurait été l'hôpital qui se fout de la charité : ça n'est pas pour rien qu'à l'époque, le groupe se surnomme Alcoholica. Mais le soliste a l'alcool mauvais. Il cherche la merde et il a le bourre-pif facile. Et il pratique déjà les arts martiaux depuis quelques années.
« Je buvais et je m'amusais jusqu'au moment où quelqu'un avait l'air de me chercher. Et là, c'était la guerre. J'étais agressif car j'étais un alcoolique violent. Je perdais toute inhibition quand je buvais et ça m'a fait beaucoup de tort » reconnaîtra-t-il des années plus tard. Ce n'est qu'en 1988, après la fin prématurée de la tournée mondiale “So Far, So Good… So What!” de MEGADETH, qu'il décidera de se prendre en main en suivant une cure de désintoxication. La première d'une longue série. « Pendant 5 ans, j'ai dépensé 500 dollars par jour en cocaïne et en héroïne, confiera-t-il en 1992 au magazine Q. Mes proches me regardaient devenir une espèce de coquille vide. »
Sans le savoir, Dave a signé – une première fois – son arrêt de mort avec METALLICA le jour où sa chienne, qu'il avait eu la mauvaise idée d'emmener avec lui au local de répétition, raye la carrosserie de la voiture de Ron McGovney, leur premier bassiste. Hetfield gueule sur l'animal et lui met un coup de pied. Mustaine voit rouge, le ton monte et quelques minutes plus tard, il décoche un coup de poing à son chanteur/guitariste, bouscule McGovney et insulte Ulrich qui n'en demandait pas tant. « Tu es viré ! » gueule James. « Non, c'est moi qui me barre ! » rétorque le rouquin. Si l'ambiance a toujours été du genre électrique entre les musiciens, jamais encore elle n'avait atteint ce stade, notera le soliste dans Mustaine, A Life In Metal, sa très recommandable autobiographie parue en 2010. Dans laquelle il avoue ne jamais avoir perçu les signes avant-coureurs qui mèneront à son éviction. « J'étais bien trop occupé à baiser et à me mettre la tête à l'envers. C'étaient mes amis et même si nous avions des désaccords, j'avais confiance en eux » écrit-il. Le lendemain, il est de retour au local, présente ses excuses à tout le monde (à tous ses “amis”) et la vie du groupe continue comme si de rien n'était. Ou du moins le pense-t-il.
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— Agnes (@AgaAgnes1991) August 2, 2022
Peu de temps plus tard, en guise de représailles parce que McGovney l'accuse d'avoir renseigné des cambrioleurs qui se sont introduits chez lui, Dave verse une bière sur le manche et sur les micros de la Washburn de ce dernier qu'il ne peut pas saquer et qui le lui rend bien. Le bassiste ne tardera pas à rendre son tablier et Cliff Burton, bassiste de TRAUMA qu'ils ont courtisé assidument, accepte de les rejoindre à la condition sine qua non qu'ils quittent Los Angeles pour aller s'installer à San Francisco. Bien que son sort soit déjà scellé, c'est quand METALLICA va traverser les Etats-Unis pour se rendre chez Johnny Zazula, alias Johnny Z, que le dernier clou de son cercueil est définitivement planté. Ce disquaire du New Jersey a flashé sur leur démo, la mythique « No Life 'Til Leather » sortie en juillet 1982, et va leur permettre de donner quelques concerts sur la côte Est. Avant de les signer, le 3 mai 1983, sur Megaforce Records, label qu'il a fondé avec Marsha, son épouse, parce qu'aucune maison de disques n'a senti le potentiel du quartet. A bord d'un camion de 7 mètres qu'ils ont loué, les musiciens, bourrés et rendus hagards par la fumette, se relaient au volant. En roulant sur une plaque de glace noire dans le Wyoming, Mustaine perd le contrôle du véhicule qui, après un tête-à-queue, s'immobilise à moitié sur le bas-côté et à moitié sur la chaussée. Ils sortent précipitamment, indemnes, quand une Jeep percute l'avant du camion. Il n'y aura pas de blessés, mais les trois autres musiciens le tiendront pour responsable de l'accident et ne lui adresseront quasiment plus la parole de tout le voyage.
« J'étais agressif car j'étais un alcoolique violent. Je perdais toute inhibition quand je buvais et ça m'a fait beaucoup de tort. » - Dave Mustaine
Mais revenons aux semaines qui ont précédé ce 11 avril funeste pour Mustaine. En douce, les autres musiciens ont demandé à leur ingé son et road manager, Paul Whittaker, de contacter Kirk Hammett. Ce dernier est aux toilettes (voilà qui rappelle le visuel “Metal up your ass” qui a failli être le titre de leur carte de visite) quand il reçoit le coup de fil qui va changer sa vie. Si ce n'est que, comme c'est le 1er avril, il pense d'abord à un canular. Avant que « No Life 'Til Leather » n'arrive dans sa boîte aux lettres quelques jours plus tard. Sa décision est aussitôt prise car il se sent un avenir avec METALLICA. Le guitariste joue alors dans EXODUS et ses désormais ex-collègues ne font pas exactement la holà quand il leur annonce son départ. « Ils étaient vraiment furieux. Paul Baloff (le chanteur) était super énervé et il a crié : “Je n'arrive pas à croire que tu nous fais ça !” avant de me vider sa bière sur la tête» racontera Kirk à Metal Hammer UK. S'il avoue avoir longtemps éprouvé une grande culpabilité d'avoir quitté les musiciens qu'il connaissait depuis le lycée, il a en tout cas eu le nez creux.
La hache de guerre est depuis longtemps enterrée avec EXODUS, comme le prouve le fait qu'il a signé l'avant-propos de A Fabulous Disaster: From The Garage To Madison Square Garden, The Hard Way, autobiographie de Gary Holt, guitariste des thrashers, sortie le 1er avril dernier. Celui qui a remplacé Jeff Hannemann chez SLAYER en 2011 n'a apparemment pas eu droit à un shampoing à la bière, lui, quand il a dit qu'il mettait EXODUS entre parenthèses pour rejoindre Araya & Cie. Et ce, bien que l' groupe l'ait mal vécu. Peut-être parce qu'avec son mètre 84, il mesure 13 bons centimètres de plus que Kirk ?
La démo de « No Life 'Til Leather »
Mustaine n'aura donc pas l'occasion de se rattraper ou de faire amende honorable, il fait d'ores déjà partie du passé de METALLICA. Quand il demande à quelle heure est l'avion qui le ramène en Californie, les autres lui répondent que c'est en bus qu'il va rentrer au bercail. Un camouflet supplémentaire. Grand seigneur, Hetfield l'accompagne quand même en voiture jusqu'à la gare routière… Quatre longues journées l'attendent pour rallier Los Angeles depuis l'Etat de New York où le groupe enregistre « Kill 'Em All » qui sortira en juillet et qui est considéré comme l'une des pierres angulaires du thrash. Et sur lequel figurent plusieurs morceaux que le guitariste banni a cosignés, “Jump In The Fire”, “Phantom Lord”, “Metal Militia”. Et, surtout, le classique “The Four Horsemen” qui, à ce jour, fait toujours partie de la setlist de METALLICA. Initialement baptisé “The Mechanix”, Mustaine l'a composé à l'époque de PANIC, son groupe pré-METALLICA, et c'est en version speedée et sous le titre de “Mechanix” qu'il apparaîtra sur « Killing Is My Business… And Business Is Good », premier LP de MEGADETH sorti en 1985. Sans oublier “Ride The Lightning” et “The Call Of Ktulu” sur « Ride The Lightning », deuxième METALLICA débarqué un an plus tôt.
C'est au cours de ce long voyage aux airs de purgatoire que Mustaine, qui fulmine, va écrire son premier texte pour son futur projet. Car il veut continuer à jouer de la guitare et former un groupe « encore plus metal que METALLICA » dira-t-il par la suite. Et, plus que tout, tenter de les annihiler – au moins musicalement parlant. Il n'a pas de carnet, alors il écrit au dos du prospectus d'un sénateur californien qui avertit des dangers de conflit nucléaire (on est alors en pleine guerre froide) et des millions de morts – “megadeath” – qui pourraient en résulter. Voilà un nom qui, débarrassé d'un “a” pour le styliser, lui plaît et qui sied parfaitement à son état d'esprit vengeur.
« Une des premières choses que Dave a dites en découvrant « Kill 'Em All », c'est : “Il a piqué mes solos”. C'était la première réaction de Dave : Kirk Hammett avait joué ses solos. Et même s'ils n'étaient pas tout à fait identiques, ils étaient quand même assez proches. » - David Ellefson
En 2020, invité par Robb Flynn, frontman de MACHINE HEAD, dans son podcast “No F'n Regrets”, le bassiste David Ellefson reviendra sur le jour où son frontman a écouté pour la première fois « Kill 'Em All ». « Le disque nous a été envoyé par courrier. Nous étions avec Greg Handevidt qui était guitariste de MEGADETH à l'époque. Dave est resté là pendant une demi-heure, à ouvrir la boîte, à regarder l'album, à enlever le film plastique avant de le poser sur la platine. C'était évidemment un moment étrange, sans doute comme quand on voit son ex avec quelqu'un d'autre. Dave l'a écouté, il fixait les enceintes dans un silence total et étudiait les chansons. Greg et moi, on était assis à côté de lui, un peu nerveux, à se demander quelle allait être sa réaction. Une des premières choses qu'il a dites, c'est : “Il a piqué mes solos”. C'était la première réaction de Dave : Kirk Hammett avait joué ses solos. Et même s'ils n'étaient pas tout à fait identiques, ils étaient quand même assez proches.
Les solos, c'est quelque chose de très personnel pour Dave. A l'époque, les fans de la Bay Area connaissaient déjà bien ces morceaux (de METALLICA) et la démo (« No Life 'Til Leather ») avait circulé. Dave avait vraiment marqué les esprits et les dés étaient jetés. Il n'improvise pas : ce qu'il a enregistré a été écrit et c'est ce qu'il joue tous les soirs. Pour lui, le solo fait partie intégrante de la compo. Et puis, évidemment, Dave n'a pas apprécié que les crédits soient partagés sur des morceaux dont il était à l'origine. »
En mai 2021, après 30 ans cumulés de bons et loyaux services, Ellefson, comme tant de musiciens avant lui, se fera virer avec pertes et fracas par Mustaine pour une sombre histoire de fesses. Et c'est Steve DiGirgio, bassiste de TESTAMENT, qui réenregistre l'intégralité de ses parties sur « The Sick, The Dying… And The Dead! », dernier LP en date de MEGADETH. « Je crois bien que Dave ne s'est jamais remis de s'être fait jeter de METALLICA, dira Ellefson peu de temps après sa mise à pied. Et il voulait faire subir à quelqu'un ce qu'ils lui ont fait, c'est-à-dire le dégager et faire réenregistrer ses parties instrumentales par un autre. » Un côté : “Do unto others as they've done to you” (fais aux autres ce qu'ils t'ont fait subir), comme le chantera en 1984 Hetfield dans “Fight Fire With Fire” qui aborde la guerre froide et les risques nucléaires... #cancelculture
Quatre décennies plus tard, MEGADETH a beau figurer très haut dans le panthéon des groupes de thrash et avoir dépassé les 50 millions d'albums vendus dans le monde, dont certains figurent parmi les incontournables du genre, Mustaine n'a jamais digéré son éviction. Et il continue à vivre une relation d'amour et de haine avec Hetfield & Cie qui – c'est certainement le pire pour lui – affichent clairement leur indifférence à son égard, quand ils ne font pas preuve d'une pointe de mépris amusé. D'autant plus qu'il n'est jamais parvenu à supplanter METALLICA en termes de succès, de notoriété et de records de ventes – de disques comme de places de concert. Le côté positif, pour les fans s'entend, c'est que son licenciement et son désir de revanche et de reconnaissance ont donné naissance à l'un des plus grands groupes de thrash de l'histoire. Qui figure dans le Big 4, également composé, évidemment, de METALLICA, dans le rôle de la tête de gondole, SLAYER et ANTHRAX. Certains considèrent que SLAYER, qui, contrairement aux trois autres, n'a jamais changé son fusil d'épaule/retourné sa veste à clous selon les opinions, mérite de figurer en deuxième position, quand beaucoup d'autres votent d'emblée pour MEGADETH. Quoi qu'il en soit, aux yeux de MegaDave, la seconde place, c'est celle du premier perdant…
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