5 décembre 2021, 12:15

UN JOUR, UN ALBUM

ACCEPT : "Balls To The Wall"


Le 5 décembre 1983, ACCEPT débarque avec « Balls To The Wall ». L’idée n’est pas d’en faire la chronique, mais d’effectuer une rapide remise en contexte tout en rappelant quelques faits ou anecdotes que vous ignoriez peut-être sur le cinquième album studio des Allemands, qui fête aujourd’hui ses 38 ans.
 

Quand « Balls To The Wall­ » déboule (sans jeu de mots foireux) dans les bacs des disquaires, ACCEPT jouit déjà d’une jolie cote de popularité en Europe et dans son Allemagne natale. Après « Breaker » (1981) et surtout « Restless And Wild » (1982), Udo Dirkschneider (chant), la paire Matt Hoffmann-Herman Frank (guitares), Peter Baltes (basse) et Stefan Kaufmann (batterie) confirment en effet leur potentiel et tout le bien que l’on pensait déjà d’eux avec ce cinquième album qui va asseoir leur carrière.

Car le groupe de Solingen va non seulement jouer un rôle prépondérant dans le développement du speed metal grâce au laminant "Fast As A Shark" qui ouvre leur précédent album, mais aussi du thrash et du power metal – excusez du peu…  En 2013, le batteur Charlie Benante confiait à Songfacts qu’il avait joué ce morceau quand il avait auditionné pour ANTHRAX, tandis que Joakim Brodén, chanteur de SABATON, analysait il y a trois ans : « Il n’y avait pas que les chansons. Le chant était différent, tout comme le jeu de guitare de Wolf Hoffmann. Avec JUDAS PRIEST, ils ont façonné ce qu’est le heavy metal actuel. ACCEPT, c’est l’essence même de la musique ». 
Plus récemment, Kirk Hammett reconnaissait que le soliste blond, Hoffmann (à l’époque, la boulaz' depuis maintenant de nombreuses années), l’avait inspiré à ses débuts, tout comme Doro Pesch et Kai Hansen qui citent le quintet comme une de leurs influences principales à l'époque, respectivement dans WARLOCK et HELLOWEEN.
 

L'air de rien, ACCEPT a influencé non seulement le speed metal et le thrash, mais également le power metal. Charlie Benante, Joakim Brodén, Kirk Hammett, Doro Pesch et Kai Hansen font partie de ceux qui les citent comme une de leurs influences principales à leurs débuts. 


Produit par ACCEPT entre juillet et août 1983 aux Dierks Studios à Cologne et mixé par Michael Wagener, « Balls To The Wall » est leur premier disque enregistré avec Herman Frank (ex-SINNER), qui a remplacé Jörg Fisher sur la tournée "Restless And Wild". Sa collaboration sera pourtant de courte durée puisqu’il quittera ACCEPT dans la foulée, avant d'être remplacé par celui qu’il a remplacé, Fisher faisant son retour début 1984 à la demande de Gaby Hauke, manageuse et future madame HoffmannHerman partira rejoindre VICTORY avant de réintégrer les rangs d’ACCEPT avec qui il remettra le couvert le temps de trois albums studio, « Blood Of The Nations », « Stalingrad » et « Blind Rage », qui sortiront respectivement en 2010, 2012 et 2014. ACCEPT, ou comme un goût de revenez-y…

Parce que leur album précédent débutait par un bref extrait de “Ein Heller und ein Batzen”, mieux connu sous le nom de "Heili Heilo", les musiciens se sont vu apposer par certains l’étiquette de nazillons. Un regrettable malentendu dans la mesure où il s’agit au départ d’un chant festif folklorique très populaire dans l'ancienne armée allemande, l'équivalent de “La Madelon” pour nos Poilus. Selon les sources, le groupe aurait pris soin de le “rayer” pour se détacher de ce sombre chapitre de l'histoire de son pays, quand d'autres affirment qu'ils ne l'auraient choisi que pour mieux surprendre l'auditeur qui ne s'attend pas – mais alors vraiment pas ! –, à voir débouler “Fast As A Shark” (sans doute le tout premier titre de speed metal) derrière. Et qu'il faudra des années aux musiciens pour comprendre l'animosité de certains à leur égard… Mais il est vrai qu’avec sa tenue militaire et sa matraque, Udo n’amuse pas la galerie et que les cinq hommes n'hésiteront pas à l'occasion à susciter une légère controverse pour mieux marquer les esprits.

Changement de registre cette fois, la pochette de « Balls To The Wall » leur vaut de se voir accoler, toujours par les esprits chagrins, l’étiquette "gay metal", plus particulièrement outre-Atlantique… Une idée renforcée par la photo de la pochette intérieure originale sur laquelle, exception faite du chanteur en tenue de camouflage, les quatre autres musiciens posent torse nu.
 


Douze ans plus tard, on entendra les mêmes réflexions navrantes pour RAMMSTEIN et la pochette de « Herzeleid », sa carte de visite (et on ne parle pas de ceux qui les considèrent comme des fachos, d'autant plus que, contrairement à ACCEPT et son chant en anglais, ils ont conservé leur langue natale)… Beaucoup sont également persuadés que le second morceau de l’album, "London Leatherboys", parle de la communauté gay londonienne. Raté, les garçons en cuir dont il est question sont en fait un gang de bikers britanniques, stigmatisés parce qu’ils mènent une vie différente de celle de la plupart des gens. Par contre, "Love Child", chanté à la première personne, traite bien d'homosexualité et d'identité sexuelle, un sujet plus que jamais d’actualité en 2021. Qui, comme "London Leatherboys", n’est là que pour mettre l’accent sur les brimades dont tant sont victimes, pour différentes raisons. « Pendant longtemps, les homosexuels ont été considérés comme des malades ou des fous, expliquera le batteur à Enfer Magazine en 1983. Il est temps de respecter ces personnes et de faire preuve d’ouverture d’esprit. » 

Il n'y aura qu'un single officiel, "Balls To The Wall", mais "Love Child" sortira pour la promo…


D’où la dédicace : « Cet album est dédié aux gens du monde entier, à une majorité inconnue, qui ont les mêmes rêves et les mêmes droits, comme vous et moi » sur la pochette.
Pour terminer avec l’artwork de l’album, il présente une étonnante similitude avec "Patrice, N.Y.C.", une photo signée Robert Mapplethorpe, un Américain célèbre pour ses clichés en noir et blanc et ses nus masculins. Si ce n’est que le modèle retenu par ACCEPT joue moins sur l’imagerie homoérotique directe et que le nom du photographe n’apparaît nulle part dans les crédits, puisque l’on peut juste lire : « Cover idea: Deaffy with special thanks to A. Janowiak ».

Pourtant, il y a indubitablement des similitudes entre les deux ('stouquette mise à part)...
 

  


« Balls To The Wall » marque justement les débuts de Deaffy qui cosigne les paroles avec Udo. Ce n’est que des années plus tard que l’on apprendra qu’il s’agit en fait de Gaby, la manageuse. « Elle a toujours eu une conscience politique plus développée que nous, pauvres petits musiciens allemands » plaisantera d’ailleurs le guitariste à la Flying V blanche. Avec elle, les textes deviennent plus sérieux, plus engagés et abordent désormais des thèmes politiques et sociaux, comme la chanson titre, véritable hymne du groupe, qui dénonce l’asservissement des êtres humains et prône la rébellion. Ou encore "Fight It Back" et ses relents anarchistes.

"Balls To The Wall" sera l’unique vidéo extraite de l’album. « On l’a tournée à Londres dans une vieille usine désaffectée près d’Heathrow, racontait Hoffmann à Metal Hammer il y a trois ans. Le réalisateur a eu la brillante idée d’utiliser une boule de démolition et de détruire un bâtiment. Mais il y avait un problème. On était juste à côté de l’aéroport et comme on utilisait une énorme rampe d’éclairage et des générateurs, la tour de contrôle de l’aéroport s’est plaint parce que c’était perturbant. Il faisait un froid de canard et du coup, on a été obligés de jouer à l’extérieur, dans la pluie et le froid. Ça se voit dans la vidéo qu’on se pèle ! Mais bon, il faut ce qu’il faut ».
Depuis, la chanson n'a jamais quitté la setlist d'ACCEPT qui conclut toujours ses concerts avec ce véritable hymne. 


Arrivé dans les bacs le 5 décembre en Europe, « Balls To The Wall », qui ne sera disponible qu’un mois plus tard aux USA pour ne pas entrer en compétition avec « Restless and Wild » qui est sorti outre-Atlantique en 1983, est l’unique album des Allemands à y avoir été certifié disque d’or (soit plus de 500 000 ventes) – six ans après sa commercialisation. Il se classera 74e du Top 200.

Accompagné de MAMA’S BOYS, le groupe se lance sans tarder dans une nouvelle tournée européenne qui débute par 14 (!) étapes en France : Lille le 30 novembre 1983, Rouen/Le Petit Quevilly (Exo 7), Orléans (Parc des Expositions), Nantes, Evry (Agora, sans MAMA'S BOYS mais avec H-BOMB), Tours (Cinéma Le Rex), Limoges, Toulouse, Montpellier (Salle Victoria), Hyères (Gymnase des Rougières), Valence, Lyon (Palais d’Hiver), Mulhouse (Palais des Fêtes) et Strasbourg. Ils partiront ensuite en Grande-Bretagne, avant de sillonner les routes nord-américaines, puis de participer aux Monsters Of Rock en Allemagne, puis à Castle Donington dont l’affiche laisse rêveur. Par ordre d'entrée en scène, se succédaient en effet MÖTLEY CRÜE, ACCEPT, Y&T (en Angleterre), Gary Moore, DIO (en Allemagne), Ozzy Osbourne, VAN HALEN et AC/DC…
 


Les terreurs teutonnes reviendront chez nous en août et septembre 1984 en première partie d’IRON MAIDEN en plein "World Slavery Tour" à Annecy (Hall des Expositions), Palavas-les-Flots (Arènes), Toulouse (Palais des Sports) et Bordeaux (Palais des Sports). 

 

 


Il y aura deux versions remasterisées de « Balls To The Wall », respectivement en 2001 et 2002. La première, dans la collection "The Metal Masters Series" de Sony Music, agrémentée de deux bonus tracks live, "Head Over Heels" et "Love Child" ; la seconde, dans la collection "BMG Remastered Series", de "Up To The" et "Head Over Heels", live aussi, puisqu’également tirés du EP live « Kaizoku-Ban » sorti en 1985.
 

Discographie
Accept (1979)
I’m a Rebel (1980)
Breaker (1981)
Restless And Wild (1982)
Balls To The Wall (1983)
Kaizoku-Ban (EP live - 1985 réédité en 1992 sous le nom « Live In Japan »)
Metal Heart (1985)
Russian Roulette (1986)
Eat The Heat (1989)
Staying A Life (live - 1990)
Objection Overruled (1993)
Death Row (1994)
Predator (1996)
All Areas - Worldwide (live - 1997 sorti en 1998 sous le nom de « The Final Chapter  » au Japon et aux USA)
Blood Of The Nations (2010)
Stalingrad: Brothers In Death (2012)
Blind Rage (2014)
Restless & Live - Blind Rage Live In Europe 2015 (2017)
The Rise Of Chaos (2017)
Symphonic Terror - Live At Wacken 2017 (2018)
Too Mean To Die (2021)

Blogger : Laurence Faure
Au sujet de l'auteur
Laurence Faure
Le hard rock, Laurence est tombée dedans il y a déjà pas mal d'années. Mais partant du principe que «Si c'est trop fort, c'est que t'es trop vieux» et qu'elle écoute toujours la musique sur 11, elle pense être la preuve vivante que le metal à haute dose est une véritable fontaine de jouvence. Ou alors elle est sourde, mais laissez-la rêver… Après avoir “religieusement” lu la presse française de la grande époque, Laurence rejoint Hard Rock Magazine en tant que journaliste et secrétaire de rédaction, avant d'en devenir brièvement rédac' chef. Débarquée et résolue à changer de milieu, LF œuvre désormais dans la presse spécialisée (sports mécaniques), mais comme il n'y a vraiment que le metal qui fait battre son petit cœur, quand HARD FORCE lui a proposé de rejoindre le team fin 2013, elle est arrivée “fast as a shark”.
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2 commentaires

User
Phucking Phiphi
le 08 déc. 2021 à 23:02
Sauf erreur de ma part, le fameux "Heili Heilo" n'a en réalité même jamais été "accaparés les Nazis pendant la Seconde Guerre mondiale", comme écrit ci-dessus.

En réalité, cette comptine pour enfants, interprétée par des chœurs masculins fort martiaux il est vrai, a été abondamment utilisée comme bande sonore pour illustrer des documentaires sur le IIIe Reich, principalement en France et en Pologne, durant toute la seconde partie du XXe siècle. Du coup s'est installé dans l'esprit de ces deux publics principalement que les nazis, lors de leurs démonstrations de force et de leurs défilés, chantaient le "Heili Heilo" à tue-tête… alors que ça ne s'est sans doute jamais produit, ou alors de manière vraiment exceptionnelle ! Conséquence logique : en Allemagne, personne n'associe ce chant à une quelconque idéologie hitlérienne, et il est plus que probable que le groupe n'avait absolument aucune intention de provocation en l'utilisant en intro de "Fast as a shark" (qui n'a d'ailleurs absolument aucun rapport avec la Seconde Guerre Mondiale). Le but était simplement de créer un contraste entre une chansonnette naïve et ancienne (d'où les craquements du disque) et le Speed Metal furieux qui déboule derrière. Les musiciens d'Accept ont d'ailleurs à maintes reprises déclaré leur incompréhension durable à être assimilés à des fachos à cause de cette chanson, avant de réaliser, des années plus tard, l'origine de la méprise dans certains pays.

Interprété comme une allégeance douteuse, ce court extrait continue donc, quarante ans après, à susciter une polémique tout simplement historiquement complètement erronée… et ceux qui persistent à le chanter en croyant saluer le souvenir de tonton Adolf de se couvrir, un peu plus encore, de ridicule.

Merci pour le papier ! :)
User
Laurence Faure
le 09 déc. 2021 à 07:34
Merci pour cette explication, j'ai légèrement modifié le passage incriminé. Cela dit, toutes les sources s'accordent sur le fait que “Heili Heilo” n'était pas une comptine mais bien un chant folklorique "à boire", équivalent de "La Madelon" pour les soldats français.
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