25 mai 2021, 16:45

UN JOUR, UN ALBUM

DIO : "Holy Diver"


Le 25 mai 1983 sortait « Holy Diver » de DIO. L'idée n'est pas d'en faire la chronique, mais d'effectuer une rapide remise en contexte tout en rappelant quelques faits ou anecdotes que vous ignoriez peut-être sur le premier album "solo" de l'ex-chanteur de RAINBOW et BLACK SABBATH, qui fête aujourd'hui ses 38 ans.
 

C'est l'histoire d'une revanche. Celle de Ronnie James Dio, de son vrai nom Ronald James Padavona, contre le reste du monde. Ou du moins contre les musiciens avec qui il a joué entre 1975 et 1982. L'ombrageux Ritchie Blackmore d'abord, au sein de RAINBOW qu'il a formé après son départ de DEEP PURPLE. Et BLACK SABBATH, qu'il a rejoint ensuite en tant que remplaçant d'Ozzy Osbourne. Ils l'ont certes mis sur orbite, lui qui faisait précédemment partie d'ELF, mais cantonné à ses yeux à un rôle de faire-valoir pas vraiment en rapport avec son immense talent et son ego – démesuré aux dires de ceux qui ont travaillé avec lui. Alors il décide de prendre son destin en main et de se lancer dans l'aventure en solitaire sous son nom. Avec tout ce que cela comporte comme promesses de gloire, mais aussi comme risques en cas d'échec.

A Vinny Appice, le batteur qui a pris la suite de Bill Ward, dont les problèmes de drogues ne permettaient plus d'assurer son rôle au sein du Sabbat Noir, il parle de ses envies d'émancipation pendant l'été 1982 et lui demande s'il serait prêt à le suivre. Réponse aussi affirmative qu'enthousiaste de ce dernier qui, s'il n'a aucun problème relationnel avec Geezer Butler et Tony Iommi, trouve plus simple de repartir de zéro aux côtés de celui qu'il considère « comme un frère ». Leurs origines américano-italiennes à tous deux les ont de plus rapprochés dès le départ. La décision de R.J. est prise. Désormais, le petit chanteur à la croix de bois (renversée), épaulé par Wendy, son épouse qui devient alors sa féroce manageuse, sera le seul maître à bord après Dieu. Ça tombe bien, justement, c'est ce que signifie "Dio" en italien. Les pleins pouvoirs...
 

Après avoir joué les faire-valoir pour Blackmore dans RAINBOW et Iommi dans BLACK SABBATH, Ronnie James sera désormais le seul maître à bord après Dieu...


Il engage également le bassiste Jimmy Bain qui jouait avec lui dans RAINBOW, et qui a accompagné Phil Lynott, leader de THIN LIZZY, Gary Moore et WILD HORSES avec Brian Robertson, futur guitariste de MOTÖRHEAD le temps d'un unique album. Mais côté guitariste, c'est plus compliqué. Jake E.Lee, qui fait alors partie de ROUGH CUTT, un groupe de Los Angeles managé par Wendy, sera parmi les premiers à se présenter à l'audition. Mais ça ne colle pas et ce dernier partira de toute façon remplacer le défunt Randy Rhoads aux côtés d'Ozzy Osbourne. Un autre ex-chanteur de BLACK SABBATH… Par la suite, Lee affirmera que c'est lui qui a trouvé le riff de "Don't Talk To Strangers", un des meilleurs titres du premier DIO et de son répertoire. Mais seul le nom du chanteur figure dans les crédits…

Les auditions qu'il fait passer aux USA ne sont pas convaincantes. Il faut dire qu'après avoir partagé les compositions et la scène avec Blackmore, puis Tony Iommi, deux guitaristes iconiques s'il en est, R.J. peut se permettre d'être difficile. C'est finalement vers la Grande-Bretagne, patrie des deux guitaristes précités, qu'il va se tourner à nouveau. D'autant plus que le "format" international deux Américains-deux Britanniques semble lui plaire particulièrement. C'est sur les conseils de Jimmy Bain, Ecossais bon teint, qu'il va auditionner Vivian Campbell, un jeune guitariste originaire d'Irlande du Nord. Le bassiste confiera par la suite avoir également pensé à John Sykes, ex-guitariste de TYGERS OF PAN TANG, de THIN LIZZY et futur WHITESNAKE. Mais avec son mètre 83, soit 20 bons centimètres de plus que le chanteur, il était trop grand… Comme quoi, le talent ne fait pas tout dans la musique.

Bien que SWEET SAVAGE, le groupe de Campbell, ait ouvert pour THIN LIZZY, Ozzy, MOTÖRHEAD ou WILD HORSES, Bain ne l'a jamais vu jouer. Mais il le connaît de réputation. Le quartet irlandais a alors à son actif un EP 4 titres issu de sessions à la BBC et un premier single, "Take No Prisoners", sortis en 1981. Dix ans plus tard, METALLICA reprendra leur "Killing Time" que l'on retrouvera d'abord en face B du single "The Unforgiven".


L'audition de Campbell, à Londres, se passe à merveille, l'affaire est conclue et quelques semaines plus tard, ce dernier débarque à Los Angeles pour participer à cinq des compositions qui figureront sur « Holy Diver ». Si la section rythmique a des heures de vol et a déjà partagé le studio et la scène avec Dio, le guitariste, à peine âgé de 20 ans (soit moitié moins que son nouvel employeur), est très impressionné. « J'avais un immense respect pour Ronnie et la cassette de « Heaven And Hell » tournait en boucle dans ma voiture à l'époque. Pour moi, c'était une grande star » dira-t-il. Sachant que la seule version de BLACK SABBATH qui trouve grâce à ses yeux et ses oreilles est celle avec R.J., le jeune Irlandais coche décidément toutes les cases.

Les quatre hommes investissent les Sound City Studios à Van Nuys, en Californie, et c'est le chanteur qui joue les producteurs. Dans la journée, les musiciens composent et répètent dans un local situé de l'autre côté du parking des studios, qu'ils rejoignent chaque jour à 18 heures. Vivian Campbell, qui partage alors une petite maison avec Bain, reconnaîtra par la suite avoir eu quelques difficultés à s'acclimater à la vie californienne, obligé qu'il était de se barricader dans sa chambre pour éviter de faire une sale rencontre avec un des compagnons de défonce que le bassiste ne manque jamais de ramener après les enregistrements...
 

« Nous n'avions pas du tout gagné d'argent avec RAINBOW. Et pas beaucoup avec BLACK SABBATH. » - Wendy Dio


Dès sa sortie, « Holy Diver » est encensé par les fans et par la presse qui y voient l'un des albums majeurs du metal et du hard rock – au même titre que « Rising » de RAINBOW et « Heaven And Hell » de BLACK SABBATH – excusez du peu. Un triplé gagnant pour le chanteur adepte de fantasy et champion du monde toutes catégories de dégainage de "devil horns" qui deviennent partie intégrante de son personnage de scène. Et une revanche écrasante sur BLACK SABBATH, dont le « Born Again » avec Ian Gillan ne convainc pas, tandis que « Bent Out Of Shape » de RAINBOW avec Joe Lynn Turner au micro est loin d'être ce que le groupe a fait de mieux. La vengeance est un plat qui se mange froid, dit-on. D'autant plus que « Holy Diver » sera certifié disque d'or aux USA (plus de 500 000 ventes) en septembre 1984 avant d'atteindre le statut de platine (plus d'1 million de copies écoulées) cinq ans plus tard.

La tournée débute en Californie en juillet 1983. Si c'est Jimmy Bain qui a joué des claviers en studio, en live, le rôle échoie à l'ex-ROUGH CUTT Claude Schnell. Précision importante : malgré ses passages chez RAINBOW et BLACK SABBATH, le chanteur est loin de rouler sur l'or. « Nous n'avions pas du tout gagné d'argent avec RAINBOW, confiera des années plus tard Wendy. Et pas beaucoup avec BLACK SABBATH. » Alors, pour pouvoir proposer le stageshow dont il rêve, le couple, qui y croit dur comme fer (enfin, metal disons), prend le risque d'hypothéquer sa maison californienne pour concrétiser son projet. Ils ne le regretteront pas. 

Premier single, "Holy Diver", qui demeure l'un des morceaux les connus de DIO, sort en août 1983. Treize ans plus tard, KILLSWITCH ENGAGE en fera une excellente reprise avec un clip second degré très réussi. Et, suite aux attentats du 9 septembre 2001, il apparaîtra sur la liste des chansons interdites de diffusion radio aux USA en raison de son titre, qui signifie “plongeur saint"…


Mais déjà, le ver est dans le fruit. Jimmy Bain et Vivian Campbell vivent en effet très mal de n'être considérés que comme de simples accompagnateurs par le couple Dio. Comme quoi, le chanteur, qui avait souffert de n'être là que pour faire briller Blackmore et Iommi, aura reproduit ce qu'il haïssait tant. Du coup, les deux hommes, qui n'apparaissaient pas dans le clip de "Holy Diver", centré sur le petit chasseur de dragons, s'invitent sur le tournage de celui de "Rainbow In The Dark". Le réalisateur les accueille à bras ouverts, Ronnie un peu moins. « Il n'a rien dit mais il nous a jeté un regard noir » commentera des années plus tard Campbell à l'occasion d'une interview avec Classic Rock

Le guitariste sera finalement "remercié" en 1986, à l'issue de la tournée "Sacred Heart" qui accompagne le troisième album, sorti un an plus tôt, parce qu'il refuse de signer le contrat que lui a remis la manageuse. « Il ne correspondait en rien à ce que Ronnie nous avait promis au départ, à Jimmy, Vinny et moi-même, expliquera-t-il. Il nous avait présenté DIO comme un groupe alors que nous n'étions que des mercenaires. » Wendy, qui ira jusqu'à "ressusciter" son mari dès 2016 via un hologramme qui accompagne les concerts de DIO DISCIPLES, ce qui fait largement débat, dédouanera pourtant le chanteur en affirmant que c'était elle la seule responsable. « Au troisième album, Ronnie aurait certainement accepté de tout partager en quatre. Mais je m'y suis farouchement opposée. C'est lui que les fans venaient voir et surtout, c'était lui qui était en première ligne, qui a investi et pris des risques. »

Deuxième et dernier single, donc, "Rainbow In The Dark", dont le riff a été "emprunté" à "Lady Marion" de SWEET SAVAGE, débarque en octobre. Il grimpera jusqu'à la 14e place des ventes de singles outre-Atlantique, en catégorie "Mainstream Rock", et figure parmi les classiques de DIO. Et pourtant, « la chanson a été écrite en 10 minutes » dira le guitariste.


DIO se lance dans une tournée mondiale qui passera par les Monsters Of Rock de Donington 4e du nom. Et, accompagné de WAYSTED, groupe post-UFO formé par le bassiste Pete Way, le groupe donnera son premier concert en France le 6 décembre 1983 à l'Espace Balard, non sans inclure deux chansons de SABBATH à la setlist, "Children Of The Sea" et le splendide "Heaven And Hell", ainsi que deux de RAINBOW, "Man On The Silver Mountain" et "Stargazer". 

"Don't Talk To Strangers" ne sortira pas en single. Mais quel titre ! Ici, filmé en 1983 à Amsterdam en Hollande.


La pochette, sur laquelle un prêtre enchaîné se noie sous le regard de Murray, une créature démoniaque qui manie les devil horns aussi bien que Ronnie James, est signée Randy Barrett. Il deviendra la mascotte du groupe, comme Eddie pour IRON MAIDEN ou Snaggletooth pout MOTÖRHEAD. Quant au logo, certains feront remarquer que si on le regarde à l'envers, on peut (presque) lire “DIE” (meurs) ou DEVIL (le Diable). Interrogé à ce sujet, le chanteur parlera de « pure coïncidence ».

« Holy Diver » sera remasterisé et réédité en 2005 sur le label Rock Candy Records avec, en guise de bonus, une interview audio du frontman.

En 2012, deux ans après la disparition de R.J., emporté par un cancer, Campbell, Bain, Appice et Schnell formeront LAST IN LINE, d'après le titre du second album de DIO, avec le chanteur Andrew Freeman, qui reprend des morceaux des trois albums du groupe qu'ils ont enregistrés. Quatre ans plus tard, le bassiste est retrouvé mort dans sa cabine alors que le groupe participe à la croisière "Hysteria On The High Seas" de DEF LEPPARD… 

En juin 2021, Z2 Comics publiera Holy Diver, une nouvelle graphique de 120 pages basée sur la pochette de l'album. Un scénario signé Steve Niles (30 Jours de nuit) et illustré par Scott Hampton (Batman: Gotham County Line) qui répond “enfin” à la lancinante question : mais comment le prêtre a-t-il fini dans l'océan avec des chaînes ? 

 

Discographie
Holy Diver (1983)

The Last In Line (1984)
Sacred Heart (1985)
Intermission (Live - 1986)
Dream Evil (1987)
Lock Up The Wolves (1990)
Strange Highways (1993)
Angry Machines (1996)
Inferno: Last in Live (Live - 1998)
Magica (2000)
Killing The Dragon (2002)
Evil Or Divine - Live in New York City (Live - 2003)
Master Of The Moon (2004)
Holy Diver - Live (Live - 2006)
Dio at Donington UK: Live 1983 & 1987 (Live - 2010)
Finding the Sacred Heart - Live in Philly 1986 (Live - 2013)
Live in London, Hammersmith Apollo 1993 (Live - 2014)

Blogger : Laurence Faure
Au sujet de l'auteur
Laurence Faure
Le hard rock, Laurence est tombée dedans il y a déjà pas mal d'années. Mais partant du principe que «Si c'est trop fort, c'est que t'es trop vieux» et qu'elle écoute toujours la musique sur 11, elle pense être la preuve vivante que le metal à haute dose est une véritable fontaine de jouvence. Ou alors elle est sourde, mais laissez-la rêver… Après avoir “religieusement” lu la presse française de la grande époque, Laurence rejoint Hard Rock Magazine en tant que journaliste et secrétaire de rédaction, avant d'en devenir brièvement rédac' chef. Débarquée et résolue à changer de milieu, LF œuvre désormais dans la presse spécialisée (sports mécaniques), mais comme il n'y a vraiment que le metal qui fait battre son petit cœur, quand HARD FORCE lui a proposé de rejoindre le team fin 2013, elle est arrivée “fast as a shark”.
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1 commentaire

User
christophe
le 05 juin 2021 à 19:55
Super, merci Laurence pour ces anecdotes, pas forcément toutes connues par le commun des fans, et là concernant (sûrement) ce qui reste comme le meilleur Dio.
Même si toutes les vérités ou anecdotes ne sont pas forcément cool à découvrir. Wendy, Sharon, même combat finalement, même si forcément le business reste le nerf de la guerre.
En tout cas, quelle grande année pour le hard-rock que cette année 1983. Avec le 1er Dio donc, le Black Sabbath (qui est quand même parvenu à en botter certains), le Motörhead (aussi fantastique que surprenant), sans oublier les Saxon, Iron Maiden ou Def Leppard, et puis l'arrivée d'un Metallica, et si l'on n'est pas réfractaire à ce mouvement, l'éclosion d'une vague du hard Français (qui restera par contre assez éphémère).
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